Centenaire de Jean Anouilh en 2010
À l’occasion du centenaire de la naissance de Jean Anouilh, Canal Académie vous propose deux émissions consacrées à la vie et à l’œuvre de Jean Anouilh. Dans ce premier volet, Virginia Crespeau reçoit la fille de ce dernier : Colombe Anouilh d’Harcourt qui, entourée de spécialistes du théâtre d’Anouilh, évoque son père, sa vie, son œuvre.
Jean Anouilh est né le 23 juin 1910 à Bordeaux en Gironde. Il est décédé le 3 octobre 1987 à Lausanne en Suisse. 2010 marque le centenaire de sa naissance.
Dans ce premier volet consacré à Jean Anouilh, Virginia Crespeau reçoit la fille de Jean Anouilh : Colombe Anouilh d’Harcourt, entourée de Bernard Beugnot, spécialiste du théâtre et de la littérature française, Christophe Mercier critique littéraire, auteur de l’ouvrage Pour saluer Jean Anouilh, et Philippe Gaxotte, neveu de l’historien Pierre Gaxotte, de l'Académie française, qui fut un fidèle spectateur des pièces d’Anouilh et qui proposa à plusieurs reprises la voie académique qu’Anouilh refusa pour des motifs d’ordre personnel.
Cette émission nous rappelle que Jean Anouilh fut à ses débuts l’un des premiers publicitaires et qu’il travailla pendant deux années à l’écriture de slogans avec Jean Aurenche, Jacques Prévert, Max Ernst ou encore Paul Grimaud. Elle nous apprend aussi que les relations d'Anouilh avec l’un de ses premiers employeurs, un certain Louis Jouvet, ne furent pas excellentes… Personnage secret, se tenant éloigné de toute mondanité, Jean Anouilh n’a jamais donné son autorisation pour qu’une biographie puisse lui être consacrée.
Georges et Ludmilla Pitoëff, André Barsacq, Pierre Fresnay… Découvrez les nombreux autres souvenirs étonnants concernant l’auteur d’Antigone qui seront échangés au cours de cette première émission, grâce à la présence de ses invités devant les micros de Canal Académie.
Extrait des interventions :
- Bernard Beugnot : « Je suis venu au théâtre d’Anouilh, adolescent en voyant Le rendez-vous de Senlis au théâtre de l’Atelier. Quand j’étais étudiant à Paris, rue d’Ulm, j’allais voir toutes les pièces d’Anouilh qui se montaient, c’est cette admiration que j’éprouvais qui m’a fait proposer des cours sur cet auteur à l’université du Québec ; mais j’ai eu l’impression qu’Anouilh a eu beaucoup de succès jusque dans les années 80, et puis qu’ensuite ce succès s’étiolait un peu, il y avait moins de représentations, on parlait moins d’Anouilh, on avait attaché à Anouilh une étiquette qui mérite d’être remise en question : l’homme de droite, le réactionnaire ; il y avait un certain nombre de stéréotypes qu’il fallait corriger sinon effacer… C’est pour cela que je parle de réhabilitation ».
Les deux volumes de la Bibliothèque de la Pléiade (2007) enrichissent la documentation en révélant des archives jusqu'ici méconnues ; Bernard Beugnot s’est donné pour objectif de réhabiliter ce dramaturge «dont l'univers imaginaire peut encore parler aux consciences modernes hantées par l'incommunicabilité des êtres, la théâtralisation de l'existence, l'angoisse du temps».
- Colombe Anouilh d’Harcourt : «Mon père lisait ses pièces merveilleusement bien, il était connu pour cela ; j’ai eu la chance de pouvoir assister à plusieurs de ses lectures, elles se passaient en général dans le salon : nous étions vraiment au spectacle et il me laissait aussi assister à ses répétitions ; je montais au poulailler discrètement avec son accord car les acteurs n’aiment pas qu’un étranger assiste aux répétitions ; alors mon père disait « Mais elle est jeune, elle est très jeune… », alors qu’au moment des répétitions de sa pièce « Le Nombril », j’étais tout de même adulte puisque c’était l’année de mon mariage…»
«C’est vrai, je porte le prénom « Colombe » qui est à la fois le titre et le prénom de l’héroïne de l’une de ses pièces. C’est d’ailleurs l’une de mes préférées parce qu’elle est assez féministe Colombe et cela me va bien ! Je porte aussi ce prénom parce que Sainte Colombe est à Sens, ma mère y est née. D’autre part, j’ai appris aussi plus tard que Thomas Beckett s’était réfugié à l’Abbaye royale de Sainte Colombe pendant plusieurs années ; ma mère m’avait raconté aussi une chose qui avait été importante : elle lisait Marivaux lorsqu’elle était enceinte de moi ; elle lisait notamment un ouvrage dans lequel figuraient ces mots « A ma tendre femme, Colombe ». L’épouse de Marivaux s’appelait Colombe en effet, et Marivaux l’aimait tendrement, voilà, toutes ces choses font que ce prénom est un véritable cadeau pour moi…»
- Christophe Mercier : « On a fait de faux procès à Anouilh en l’accusant d’avoir donné des représentations d’Antigone pendant la guerre, Antigone est devenue une pièce collaborationniste après guerre alors qu’elle avait été vue comme une pièce de résistance pendant la guerre… Parce qu’Anouilh a pris le parti de défendre Robert Brasillach (au moment de l’épuration, à la fin de la guerre), pourtant pour les autres dramaturges de la génération d’Anouilh on n’a pas fait tant d’histoires : Montherlant a créé La Reine morte en 1942, Sartre Les mouches, c’était pourtant dans ces dates-là aussi. La pièce de Sartre peut aussi être interprétée de différentes façons et on n’a pas ennuyé Sartre là-dessus comme on a ennuyé Anouilh pour Antigone…»
«Anouilh a toujours affiché et revendiqué une indépendance d’esprit qui l’a placé à part».
En savoir plus :
- Œuvres parues sur Jean Anouilh
Théâtre
Théâtre, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 2007, 2 vol., édités par Bernard Beugnot (trente quatre pièces; bibliographie, II, p. 1519-1545).
L’œuvre dramatique a été intégralement publiée aux Éditions de la Table ronde, et partiellement dans la collection Folio (dont La Sauvage, Le Voyageur sans bagage, Becket ou l’honneur de Dieu en Folio-Théâtre par B. Beugnot).
Une édition récente des textes de prose: En marge du théâtre, par Efrin Knight, La Table ronde, 2000
Études critiques
Christophe Mercier, Pour saluer Jean Anouilh (1995)
J. Blancart-Cassou, Jean Anouilh Les jeux d’un pessimiste (2007)
À l’occasion du centenaire vont paraître deux numéros spéciaux: Études littéraires (Université Laval, Québec, coordination Bernard Beugnot), Revue d’histoire littéraire de la France (Paris, coordination Jean-Yves Guérin).
- Bernard Beugnot a fait toute sa carrière au Département d’études françaises de l’Université de Montréal. Il s’est consacré à la littérature française du XVIIe siècle avant de s’orienter, par un travail initialement éditorial, vers la modernité : littérature québécoise avec Hubert Aquin, poésie française avec Francis Ponge, théâtre moderne avec Jean Anouilh ; il a dirigé et fait paraître en 2007 deux volumes consacrés au théâtre de Jean Anouilh dans la collection la Pléiade. Professeur émérite à l’Université de Montréal a écrit : « Le naturel, le vrai, celui du théâtre, est la chose la moins naturelle du monde […]. C’est très joli la vie, mais cela n’a pas de forme. L’Art a pour objet de lui en donner une précisément.» (La Répétition ou l’amour puni, 1950)
- Lire un texte de Bernard Beugnot sur Jean Anouilh :
- Lire la biographie détaillée de Jean Anouilh (1910-1987) :