Les langues régionales de France : Le catalan, ferme sur ses positions géographiques (9/20)
En France, c’est dans le Roussillon, sur une étendue qui correspond à peu près au département des Pyrénées Orientales, que l’on peut entendre du catalan de nos jours. Ses origines sont très anciennes et bien documentées car, dès le IXe siècle, des écrits rédigés en latin dans cette région montrent déjà des formes bien différenciées.
_ Les limites territoriales du catalan n'ont pas varié en France depuis le Moyen Âge mais, comme les autres langues régionales, cette langue connaît depuis environ un siècle une diminution progressive du nombre de ses locuteurs. Pourtant, jusqu'à son annexion par la France, en 1659, le catalan était dans le Roussillon la seule langue des habitants et de la rédaction de tous les documents officiels. D'ailleurs, malgré l'obligation de se servir du français dans les usages publics, seules les classes dirigeantes abandonneront le catalan au cours du XVIIIe siècle, si bien que le français y était encore une langue quasi étrangère à l'époque de la Révolution.
- Quelques particularités
Le classement de cette langue est délicat à établir car elle partage autant de traits avec les langues d'oc voisines qu'avec les langues d'Espagne, mais elle s'en distingue par ailleurs par un certain nombre d'autres traits, en particulier sur le plan de la prononciation.
L'un des traits qui se remarquent immédiatement apparaît également à l'écrit, avec la présence des 2 « LL » successifs, comme dans le nom d'un poète catalan très célèbre au Moyen Âge, Ramón Llull, qui était réputé pour avoir écrit non seulement en catalan et en latin, mais également en arabe.
Cette curieuse consonne, qui s'écrit avec un double < LL >, se prononce comme un « L » un peu particulier, prononcé en remontant le dos de la langue vers la voûte du palais dur, tout en laissant échapper de l'air des deux côtés. C'est pourquoi les phonéticiens lui donnent le nom de latérale palatale. On l'entend également dans un grand nombre de mots, comme par exemple lluna « lune » ou llei « loi ».
Par ailleurs, on y constate le maintien du /U/ latin (prononcé ou) : DURUM > dur (prononcé dour), MATURUM > madur (prononcé madour).
Un autre trait remarquable concerne l'évolution de l'ancien /d/ intervocalique en /u/, prononcé :
LATIN pedem videt ridet credet
CATALAN peu « pied » veu « il voit » riu « il rit » creu « il croit »
Une dernière caractéristique est facile à retenir et elle permet de retenir que le catalan n'a pas de voyelles nasales. Ainsi, le nom de la ville de Perpignan est Perpinyà, le nom Martí correspond à « Martin » et català est le nom même de cette langue en catalan. Cette caractéristique est générale. En voici quelques autres exemples :
FRANÇAIS main vin matin avion million
CATALAN mà ví matí avió milió
Sur le plan grammatical, des différences entre les genres des noms peuvent surprendre.
- Méfions-nous du genre des noms
MASCULIN EN FRANÇAIS anchois lait lièvre ongle
FEMININ EN CATALAN anxova llet llebre ungla
Et l'inverse existe aussi :
FEMININ EN FRANÇAIS asperge enclume étable horloge huile
MASCULIN EN CATALAN espàrrec encluma estable rellotxe oli
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Entre le catalan et le français, il existe de nombreux « bons amis », mais également des « faux amis ».
- Bons amis et faux amis
Sont de bons amis les mots qui se ressemblent presque complètement, tout en gardant le même sens dans les deux langues.
Quelques « bons amis » :
En CATALAN: tassa (= tasse en français), flor (= fleur en français), llit= lit en français).
Quelques « faux amis » :
- carta, n'est pas la « carte » mais la « lettre »
- gos " " un « enfant » mais un « chien »
- pilota " " un « pilote » mais une « balle »
- mar " " la « mare » mais la « mer »
- mare " " la « mer » mais la « mère »
- se calcinar " " se « calciner » mais « se morfondre »
- manyac " " « maniaque » mais « mignon, gentil »
- ampolla " " « ampoule » mais « bouteille ».
Après le catalan, apparenté au catalan d'Espagne, et le corse, proche des langues d'Italie, il est temps d'aborder les langues romanes méridionales propres à la France, en commençant par les langues d'oc, que nous retrouverons dans la prochaine émission.
Henriette Walter, linguiste renommée, est professeur émérite de linguistique à l’Université de Haute Bretagne (Rennes) et directrice du laboratoire de phonologie à l’école pratique des Hautes Études à la Sorbonne. Henriette Walter est reconnue comme l’une des grandes spécialistes internationales de la phonologie, parle couramment six langues et en « connaît » plusieurs dizaines d’autres. Elle a rédigé des ouvrages de linguistique très spécialisés aussi bien que des ouvrages de vulgarisation.
Bibliographie sélective d’Henriette Walter :
- L’aventure des langues en occident (Robert Laffont)
- L’aventure des mots français venus d’ailleurs (Prix Louis Pauwels 1997)
- Le Français dans tous les sens (distingué du Grand Prix de l’Académie française en 1988)
- Honni soit qui mal y pense, l’incroyable histoire d’amour entre le français et l’anglais,
- L’aventure des langues en Occident (prix spécial de la Société des gens de lettres et grand prix des lectrices de Elle, Robert Laffont, 1994)
- L’aventure des mots français venus d’ailleurs (prix Louis Pauwels 1997, Robert Laffont)
- Honni soit qui mal y pense (Robert Laffont, 2001)
- Arabesques (Robert Laffont, 2006)
Bon à savoir : son ouvrage Aventures et mésaventures des langues de France, sera prochainement (au printemps 2012) réédité par les Editions Honoré Champion.
En savoir plus:
- Poursuivez cette série de 20 émissions sur les langues régionales de France, sur le site de Canal Académie.
- Retrouvez Henriette Walter sur Canal Académie.
- Canal Académie vous invite à consulter le site du Hall de la chanson (www.lehall.com), partenaire de cette série d’émissions sur les langues régionales de France.
- Pour découvrir encore plus en profondeur la culture catalane, Canal Académie vous invite à consulter le site du Service des Affaires Catalanes de Perpignan.
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->http://www.lehall.com/]