Thérapie génique : espoir ou illusion ?

avec Bertrand Jordan, lauréat 2007 du prix Jean Rostand
Avec Solenne Robin
journaliste

Peut-on véritablement croire que la thérapie génique permettra, demain, de guérir des affections génétiques aujourd’hui incurables - mucoviscidose, myopathie de Duchesne et autres maladies orphelines - ? N’est-ce pas un leurre qui masque des recherches finalement trop coûteuses ? "Thérapie génique : espoir ou illusion" : c’est la question posée par Bertrand Jordan dans un ouvrage qui retisse le fil d’un demi siècle de recherches en génétique. Récompensé par le Prix Jean Rostand au Palais de la Découverte, Bertrand Jordan nous livre sa pensée.

Émission proposée par : Solenne Robin
Référence : pdm316
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Bertrand Jordan

La vulgarisation scientifique, si chère à Jean Rostand, de l'Académie française, fait aujourd'hui l'objet d'un prix littéraire éponyme, remis par le MURS, mouvement universel de responsabilité scientifique. Bertrand Jordan, lauréat 2007 pour son ouvrage "Thérapie génique: espoir ou illusion?", s'intéresse depuis longtemps aux rapports entretenus pas la société avec les questions de génétique. Thérapie génique(...) est son neuvième ouvrage du genre.

La thérapie génique est-elle une poudre de perlimpinpin qui permettrait aux chercheurs de justifier leurs très lourdes dépenses? Pas seulement. Des espoirs sont permis. Naturellement. Il convient seulement de ne pas exagérer les résultats obtenus à l'heure actuelle. Demain peut-être! Mais aujourd'hui, prudence!

Lors de la remise du Prix Rostand au Palais de la Découverte, Bertrand Jordan dresse un état des lieux de la thérapie génique : ses avancées, son avenir probable... ou improbable. Un exposé captivant, qui reprend l'histoire à ses débuts, en 1953, quand Watson et Crick découvrent la structure en double hélice de l'ADN. La biologie moléculaire est née.

Aujourd'hui, le génome est déchiffré, la première séquence humaine est "lue" en 2003. Mais génétique et thérapie génique sont deux choses distinctes. Ce décryptage du génome ne résout pas tout. Voire même, écrit Bertrand Jordan, " la notion même de gène est aujourd'hui plus floue qu'il y a une ou deux décennies." Les découvertes ouvrent de nouvelles perspectives, autant qu'elles plongent dans un certain néant... La boucle n'est jamais bouclée.

La génétique permet aujourd'hui, et c'est un grand pas, si ce n'est de trouver de suite le gène thérapeutique qui viendra à bout d'une maladie, de mieux connaître les pathologies, leur "fonctionnement". Ces connaissances acquises permettront de travailler avec une efficacité accrue pour leur trouver un remède. Qui ne sera pas nécessairement la thérapie génique. Celle-ci est une voie nouvelle de guérison, non négligeable. Mais point unique.



Par facilité de raisonnement, on pense aux maladies génétiques, mucoviscidose, myopathie de Duchesne, et autres maladies orphelines comme champ d'action idéal de thérapie génique. Erreur : les cancers sont aujourd'hui la voie de recherche privilégiée dans la thérapie génique. Le seul médicament de thérapie génique d'ailleurs autorisé sur le marché mondial - en Chine -, la Gendicine, traite les cancers d'origine ORL, avec des résultats probants !

Mais comment un gène thérapeutique peut-il "guérir" le gène malade? La thérapie génique consiste "non pas à réparer un gène malade, mais à rajouter un exemplaire (ou plusieurs) de son homologue normal, sans que l'on maîtrise son site d'intégration (...) Elle vise à introduire le gène thérapeutique directement dans les organes atteints." Cela se fait par le biais de "vecteurs", souvent des virus rendus inoffensifs (faciles à inoculer), qui transportent le gène thérapeutique jusqu'à la cellule présentant une anomalie.

Parmi les nouvelles voies qui s'ouvrent aujourd'hui, on peut aussi essayer de jouer sur la régulation des gènes grâce aux micro-ARN ("possibilité de transférer un gène de manière qu'il s'intègre en un point prédéfini du génôme".

Aujourd'hui, les maladies génétiques elles-mêmes ne peuvent pas toutes répondre aussi bien à la thérapie génique : "la situation la plus favorable est celle d'une affection dans laquelle les cellules en cause sont accessibles, où le défaut est constitué par l'absence d'une protéine, et où une production même faible de cette dernière est susceptible d'améliorer l'état du patient. C'est ainsi que l'hémophilie est a priori une bonne candidate pour la thérapie génique. Une maladie comme la myopathie, qui implique la nécessité de traiter in situ des centaines de muscles, sera nettement plus difficile à aborder."

Bertrand Jordan le souligne : "chaque projet est un cas d'espèce et requiert une stratégie adaptée".
Alors, la thérapie génique: espoir ou illusion? Ni l'un ni l'autre, il faut "vivre avec ce progrès ininterrompu" et prometteur, mais s'attendre à des espoirs qui seront forcément déçus. "Où en sera l'humanité dans mille ans?", s'interroge l'auteur. Nul ne le sait, mais la thérapie génique pose des questions, de médecine et d'éthique, auxquelles on ne peut pas encore toujours répondre.

De gauche à droite : Jean-Pierre Alix, secrétaire générale du MURS, Paul Caro, de l’Académie des sciences, Président du Jury du prix Jean Rostand, Bertrand Jordan, et Jean Jouzel, actuel Président du MURS



Bertrand Jordan, biologiste moléculaire, a été directeur de recherche au CNRS, directeur du Centre d’immunologie de Marseille- Luminy et coordinateur de Marseille-Nice Génopole.

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