Trois urgences pour le Mali
S’il est un académicien qui se montre particulièrement sensible aux souffrances du Mali, c’est bien Jean Cluzel, de l’Académie des sciences morales et politiques, qui fut sénateur de l’Allier, un département où de nombreuses communes françaises sont jumelées avec des villages maliens. Nous l’avons joint par téléphone pour qu’il nous donne son point de vue personnel sur la situation.
Cette émission a été enregistrée le 24 juillet 2012.
Au Mali, on le sait, la situation est plus qu’alarmante, dans le Nord, à Tombouctou faisant partie de la région de Niafunké. Non seulement les rebelles islamistes ont entrepris une éradication des symboles historiques d’un islam africain tolérant, -détruisant des mausolées, des tombeaux sacrés, considérés comme des trésors de la culture malienne- mais les populations terrorisées, manquent de tout, la crise alimentaire s’aggrave, le pillage s’intensifie et la démocratie, bafouée, risque de basculer.
Jean Cluzel rappelle tout d’abord que les liens de l’Allier et du Mali remontent à 1988 : Alors qu’à Vichy, la célèbre ville thermale de l’Allier, venaient en cure de nombreux fonctionnaires travaillant outre-mer, le conseiller d’ambassade à Bamako, M. BRISEUL, voulut faire connaître le Mali et s’adressa au Conseil général. Un partenariat s’établit alors entre ce Conseil général et la région de Niafunké. C’est ainsi que se nouèrent des liens solides, toujours actuels, entre des écoles, des entreprises, des communes, de part et d’autre.
L’ancien sénateur de l’Allier est resté en relations avec des personnalités maliennes, dont il taira les noms ici pour des raisons de sécurité. De même que Jean-Jacques Rozier, qui préside l’association Allier-Niafunké, ils reçoivent tous deux des informations terribles sur l’état de la population. Jean-Jacques Rozier a d’ailleurs fait paraître dans le journal "La Montagne" un appel d’urgence pour aider la population à survivre.
Le 22 mars 2012, il y eut un coup d’Etat. Depuis, le gouvernement de transition n’arrive pas à s’imposer. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) exige un nouveau premier ministre et un gouvernement d’union nationale au plus tard pour le 31 juillet. Mais comme le rappelle Jean Cluzel, pour qu’une démocratie fonctionne, il faut qu’existent des démocrates. Il raconte une anecdote, un dialogue entendu entre l’académicien Jean-Robert Pitte, qui s’était rendu en Allier en 2011 pour une conférence, et un jeune Malien présent dans la salle qui l’apostropha ainsi : "Vous auriez dû nous apprendre la démocratie, ses règles, et comment on devient démocrate"... Il rappelle également les conditions historiques dans lesquelles le Mali a été créé, le découpage arbitraire de plusieurs pays d’Afrique, issu de la conférence de Berlin en 1884-1885...
A la fin de cette courte interview, et bien que l’analyse de la situation reste difficile à faire, il plaide pour la lucidité. Certes, une intervention armée comporte des risques importants, et il faut la craindre (la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, la Cédéao, est prête à intervenir) mais si elle permet de rétablir l’ordre, il faut alors la souhaiter. En toute lucidité.
En résumé, trois urgences apparaissent pour le Mali
• une urgence diplomatique, et la France a pris une position énergique dont il faut se féliciter
• une urgence militaire sous contrôle du Conseil de sécurité
• une urgence humanitaire pour que les dons aident à la survie de la population.
Le fanatisme n’est sans doute pas un fait nouveau (on l’a connu aussi en Europe il n’y a pas si longtemps) mais nul ne souhaite le voir s’étendre, les pays voisins du Mali moins que tout autres...
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