Le Prince Karim Aga Khan reçu sous la Coupole
Le mercredi 18 juin 2008, sous la Coupole de l’Institut de France, S.A. le Prince Karim Aga Khan a été reçu membre associé étranger à l’Académie des beaux-arts, par le Secrétaire perpétuel Arnaud d’Hauterives. Le Prince Karim Aga Khan avait été élu le 21 novembre 2007, au fauteuil précédemment occupé par Kenzo Tange. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de cette séance d’installation.
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Dans son discours d'installation du Prince Karim Aga Khan, en tant que membre associé étranger de l'Académie des beaux-arts, Arnaud d'Hauterives a d'abord, présenté la vision de l'islam de l'Aga Khan, 49e imam héréditaire des ismaéliens. Depuis 50 ans, il est le guide spirituel d'une communauté d'une quinzaine de millions de fidèles disséminés en Asie occidentale et centrale, en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique du Nord et en Europe. Le 18 juin 2008, pour la première fois de son histoire, l'Académie des beaux-arts recevait un chef spirituel.
De culture indienne, italienne et anglaise par ses parents, de culture africaine par son enfance, suisse et américaine par ses études, le Prince Karim Aga Khan a fait sien le principe de l'islam de s'instruire pour mieux connaître la création de Dieu. Son ouverture au monde et son implication dans les affaires internationales répondent à une double tradition, familiale par ses parents et spirituelle en tant qu'imam ismaélien.
Le réseau Aga Khan
Le prince l'Aga Khan dirige et préside l'un des réseaux de développement privé le plus étendu au monde. Le Réseau Aga Khan de développement est présent à travers 27 pays, emploie 57 000 salariés et distribue plus de 230 millions de dollars pour des activités à but non lucratif. L'éducation en vue d'accroître l'autonomie de la personne et l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres, «sans considération de foi, origine ou race» est la priorité de ce vaste réseau qui comprend trois branches, économique, sociale et culturelle. Les actions en faveur de la santé des populations, comme les autres préoccupations du Réseau Aga Khan s'inscrivent dans la perspective d'un développement durable. La culture occupe donc une place déterminante parmi les actions du réseau.
Des actions pour la culture
« Il n'y a pas de choc des civilisations mais des ignorances » aime à répéter le prince Karim Aga Khan. Ses commandes architecturales traduisent sa vision de l'art comme son soutien aux expositions des chefs-d'œuvre islamiques. À l'instar de ses prédécesseurs fâtimides protecteurs des arts, le Prince Karim Aga Khan lance des campagnes de réhabilitation du patrimoine et promeut l'architecture contemporaine. Le concours du Prix Aga Khan d'architecture est devenu l'un des plus prestigieux au niveau international. Les architectes français ont été à l'honneur, huit d'entre eux ont été récompensés. À titre d'exemple, Jean Nouvel l'a reçu en 1987 pour l'Institut du monde arabe et Paul Andreu en 1995 pour "pour l’intégration paysagère de l’aéroport international Soekarno-Hatta à Jakarta-Cengareng", en Indonésie.
En 1992, le prince Karim Aga Khan a lancé un programme de soutien aux villes à caractère historique islamique. Récemment, en 2005, la rénovation du quartier de Darb Al Ahmar au Caire en est l'illustration par l'édification d'un jardin. Économiquement, toute une partie de la ville, l'une des plus pauvres de la capitale, a été par ce biais revitalisée.
Plus proche de nous, en France, le Prince Karim Aga Khan a créé la Fondation pour le développement et la sauvegarde de Chantilly. Il a lancé un plan de 20 ans pour réaliser de nouveaux jardins, restaurer le château. La rénovation de l'hippodrome de Chantilly est l'une de ses dernières opérations de mécénat. Le domaine de Chantilly a été légué à l 'Institut de France par le duc d'Aumale.
Dans son discours, à l'occasion de son installation comme membre associé étranger, le prince Karim Aga Khan a fait l'éloge de son prédécesseur l'architecte Kenzo Tange. Les deux hommes s'étaient rencontrés, Kenzo Tange ayant accepté d'être membre du premier jury du Prix Aga Khan d'architecture.
Kenzo Tange est né en 1913, dans le village côtier d'Imabari, à 60 kilomètres d'Hiroshima. Son diplôme d'architecture en poche, il se rendit à Tokyo pour y étudier l'urbanisme et participa aux débats intellectuels de son temps. Le Japon devait-il développer sa propre culture de la modernité ou adopter le style “international” alors diffusé à partir des États-Unis ? Professeur de l'université de Tokyo et membre de l'Agence pour la reconstruction du Japon, à partir de 1947, il participe pleinement à la renaissance de la ville d'Hiroshima dont il signe de nombreux monuments. Dans les années soixante, il défend l'idée avec Kurokawa et Maki qu'il faut privilégier les lois de l'espace pour réinventer celles qui s'appuyaient sur les formes et la fonction. Aujourd'hui son œuvre est immense et présente dans le monde entier.
Le prince Karim Aga Khan a aussi rappelé l'intérêt qu'il portait à la formation dans le domaine de l'architecture en pays musulman. Selon ses propos, la connaissance des traditions architecturales en pays d'islam doit œuvrer davantage à la reconnaissance du pluralisme des sociétés musulmanes. « Il nous a semblé qu'une reconnaissance du passé, dans tous les domaines de l'art, devait permettre aux sociétés musulmanes de considérer leur pluralisme sous un nouveau jour : un pluralisme légitimé par l'histoire et la culture. J'ai la conviction que cette acceptation revendiquée et fière de notre pluralisme, par effet d'entraînement, devrait contribuer à atténuer les tensions entre communautés musulmanes, mais aussi entre musulmans et non-musulmans... », ainsi s'est-il exprimé sous la Coupole le 18 juin 2008.
Le Programme Aga Khan pour le soutien des cités historiques répond à la réflexion menée à la demande du prince, sur plus de trente années, sur l'état des lieux de l'architecture islamique. Le Programme Aga Khan d'architecture islamique est enseigné à Harward et au Massachusetts Institute of Technology, des universités où Kenzo Tange enseigna. De l'architecte japonais, le prince Karim Aga Khan dit qu'il voulait maîtriser l'émergence du passé afin qu'elle facilite l'épanouissement des formes nouvelles, mais sans la laisser transparaître. Pour Kenzo Tange, comme l'a rappelé le prince, « le rôle de la tradition est celui d'un catalyseur, qui permet une réaction chimique, mais qui n'est plus détectable dans le résultat final. La tradition peut bien sûr être en œuvre dans une création, mais elle ne peut plus être création elle-même ».
En savoir plus :
- Académie des beaux-arts
- Réseau Aga Khan de développement
- Kenzo Tange (1913-2005)