Retransmission de la Séance solennelle de l’Académie des beaux-arts 2011
Le mercredi 16 novembre 2011, s’est déroulée sous la coupole de l’Institut de France, la séance solennelle de rentrée 2011 de l’Académie des beaux-arts. Canal Académie vous propose d’écouter des extraits de la retransmission de cette séance. Au programme, l’hommage rendu aux membres de l’Académie disparus, la lecture du Palmarès des prix décernés dans l’année, et le discours du secrétaire perpétuel Arnaud d’Hauterives, cette année, consacré aux animaux dans l’art.
Le président en exercice cette année, le compositeur et chef-d'orchestre Laurent Petitgirard, a débuté la séance solennelle en rendant hommage aux membres de l'Académie décédés cette année. Les académiciens Seiichiro Ujiie, membre associé étranger et l'architecte Michel Folliasson, nous ont quittés ainsi que l'hstorien de l'art et de l'architecture Marc Gaillard, le sculpteur japonais Churyo Sato et Hervé de Fontmichel, passionné d'art et de culture, maire de Grasse pendant 18 ans, juriste reconnu, tous trois correspondants de l'Académie.
Seiichiro Ujiie, disparu le 28 mars 2011 à Tokyo, eut plusieurs vies. Journaliste, directeur du musée d’art contemporain de Tokyo, Président de Nippon Television Network pendant 19 ans, producteur de la plupart des réalisations du studio Ghibli et de ses artistes (Miyasaki, Takahata…), également très grand mécène, on lui doit, entre autres, la restauration de la Vénus de Milo et des nouvelles salles d’art grec du Louvre, ou encore celle des fresques de la Chapelle Sixtine. Sa générosité permit d’importantes restaurations au Musée Marmottan Monet et à la Villa Ephrussi de Rotschild, deux fondations culturelles abritées au sein de l'Académie des beaux-arts.
Parmi les principales réalisations de l'architecte Michel Folliasson, on compte la Préfecture de la Seine-Saint-Denis à Bobigny ou le quartier des Damiers à la Défense. Enseignant à l’école d’architecture de Nancy de 1957 à 1967, il s'est investi durant treize ans dans l’organisation du Grand Prix d’Architecture de l' Académie qui récompense de jeunes architectes européens.
Laurent Petitgirard a proposé de prolonger ce moment de recueillement en écoutant Nuages, extrait des Nocturnes de Claude Debussy, interprété par l’Orchestre Colonne, qu'il a dirigé pour la circonstance sous la Coupole.
François-Bernard Michel a ensuite procédé à la proclamation du Palmarès 2011 de l’Académie des Beaux-Arts et le public invité a pu écouter le Mouvement n° 7 du Cantique des Cantiques de Daniel-Lesur,
Rechants n°3 d’Olivier Messiaen etUbi Caritas de Maurice Duruflé, interprété par l'Ensemble vocal Sequenza 9.3, Dirigé par Catherine Simonpietri qui sont venus interrompre la longue proclamation des prix et des récompenses décernées pour l'année 2011 par les académiciens. A la fin du palmarès un extrait des Nocturnes de Claude Debussy Fêtes, a été joué. Comme il est d’usage sous la Coupole, la séance solennelle de l'académie s'est terminé en musique avec la Fanfare de La Péri de Paul Dukas.
François-Bernard Michel, Vice-Président et membre de la section de membres libres, a rendu hommage à la générosité des mécènes : plus de 50 prix ont été remis, représentant un total de plus de 600.000 euros, montant auquel il faut ajouter plus de 400.000 euros d’aides et encouragements que l’Académie distribue annuellement aux artistes défavorisés.
Parmi les mécènes présents sous la Coupole le 16 novembre : les académiciens Pierre Cardin, Michel David-Weill, Marc Ladreit de Lacharrière, Léonard Gianadda, Madame Liliane Bettencourt représentée aujourd’hui par la direction de la Fondation Bettencourt-Schueller, et Madame Nahed Ojjeh, correspondante de l'Académie, Jean-Pierre Grivory, et Maria Pilar de la Béraudière.
Les prix distribués couronnent des artistes accomplis, déjà largement reconnus. Mais la majorité des prix décernés par l’Académie des Beaux-Arts sont des prix d’encouragement, qui aident de jeunes artistes au seuil de leur carrière, en leur procurant une reconnaissance institutionnelle et un soutien financier.
Palmarès des Prix et concours 2011
Parmi les principaux prix décernés
La Fondation Simone et Cino Del Duca, Prix de l’Institut de France attribue 4 prix sur proposition de l’Académie des Beaux-Arts :
- Le Prix de Peinture a été décerné à Erro
- Le Prix de Sculpture a été décerné à Jean-Paul Philippe
- Le Prix de Composition musicale a été décerné à Philippe Boesmans
- Les Prix de musique ont été partagés entre : Emmanuel Ceysson , Romain Leleu, Maxime Pascal, et Debora Waldman.
Le Grand Prix d’Architecture de l’Académie des Beaux-Arts
Le Deuxième Prix, ex-aequo, Prix André Arfvidson, a été décerné à Florian Dhormes et à Simon Moisière. Le Troisième Prix, Prix Paul Arfvidson, a été décerné à Emmanuel Manger. Deux mentions ont été décernées à Hugo Badia-Berger et à Alexandre Cianco.
Le Prix Liliane Bettencourt pour le Chant Choral a récompensé cette année, l’Ensemble vocal Sequenza 9.3, dirigé par Catherine Simonpietri.
Les 5 Prix Pierre Cardin
ont été décernés par les différentes sections de l'Académie :
- Le Prix de Peinture a été décerné à Nick Devreux
- Le Prix de Sculpture a été décerné à Philippe Anthonioz
- Le Prix d’Architecture a été décerné à Adel Bencherchali
- Le Prix de Gravure a été décerné à Eugène Riousse
- Le Prix de Composition Musicale a été décerné à Florent Motsch
Le Prix François-Victor Noury, Prix de l’Institut attribué sur proposition de l’Académie des Beaux-Arts, a été décerné à Maïwenn. Le Prix de Photographie de l’Académie des Beaux-Arts – Marc Ladreit de Lacharrière
a récompensé Françoise Hugier.
Discours du Secrétaire perpétuel Arnaud d’Hauterives :
Les animaux dans l’art
Extrait du discours d'Arnaud d'Hauterives
De fait, l’anthropocentrisme hérité de la Genèse est nuancé à l’époque moderne par les Romantiques qui soulignent une continuité plutôt qu’une rupture avec les animaux. Cette conception est renforcée au XXème siècle par les découvertes des ethnologues qui décrivent des cultures dans lesquelles, comme le dit Philippe Descola, « une telle dissociation n’a guère de sens. » Les expressionnistes, les cubistes, les surréalistes s’inspirent d’expressions artistiques lointaines et le motif animal, désormais rendu à sa grandeur première, joue un rôle important dans le retour au « spirituel dans l’art » dont parle Kandinsky.
Je pourrais citer les étranges jungles rêvées du Douanier Rousseau, puisées au cœur du jardin des plantes de Paris, baignées de pluie ou de soleil, peuplées de singes frondeurs, d’oiseaux tendres ou de félins affamés. Je pourrais évoquer l’univers onirique, « magique » et « généreux » de Chagall. Dans cet Eden de peinture, loin des tragédies de l’histoire, les règnes fusionnent dans une « promiscuité innocemment transgressive » : un bestiaire joyeux, coloré et multiforme veille sur des humains libres et légers comme des oiseaux. J’ai choisi de m’arrêter pour conclure sur l’œuvre de Franz Marc, créateur avec Kandinsky du Cavalier bleu. Elle illustre en effet, mieux qu’aucune autre, l’importance du motif de l’animal dans la recherche de « l’être absolu de l’art ». D’abord peintre figuratif et naturaliste, Franz Marc consacre une part importante de son œuvre aux représentations animalières et aux chevaux en particulier parce que dit-il, « le sentiment de la vie y sonne tout à fait pur ». Mais il dépasse rapidement la peinture de genre pour faire du motif animalier le sujet unique de ses explorations esthétiques, du cubisme à l’abstraction en passant par l’expressionnisme. La simplification des formes et des couleurs lui permet d’exprimer les catégories morales et esthétiques que lui inspirent les animaux, la Bonté, le Vrai, le Beau. Dans Cheval bleu de 1911, par exemple, l’animal occupe les deux tiers du tableau. Si le motif est encore lisible, le traitement du paysage, constitué de courbes et d’aplats colorés, marque une nette évolution vers l’abstraction. Le tracé énergique des lignes et la palette expressionniste rythment la composition : le bleu, « principe masculin, austère et spirituel » et le jaune, symbole de féminité et de douceur, contrastent « violemment et durement » avec le rouge tandis que le blanc, entre chaque plage colorée, illumine le paysage et le cheval. Franz Marc s’éloigne ensuite résolument du modèle naturaliste. Du motif fragmenté et géométrique des chevaux qui compose Ecuries, peint en 1913 un an avant sa mort à Verdun, le regard retient surtout un ensemble de formes dynamiques aux couleurs vibrantes.
C’est le sentiment de la nature et le motif de l’animal en particulier qui inspirent cet héritier du Romantisme en chemin vers l’abstraction lyrique. Ecoutons Franz Marc lui-même l’expliquer à Reinhard Piper, le futur éditeur de l’Almanach du Cavalier bleu, dans une lettre datée de 1908 : « Je suis, dit-il, à la recherche d’un bon style, pur et lumineux dans lequel puisse, sans réserve, s’exprimer une partie au moins de ce que nous aurons à dire aux peintres modernes […] une sensibilité pour le rythme organique de toutes choses, une identification panthéiste au frémissement et à l’écoulement du sang de la nature, dans les arbres, dans les animaux, dans l’air ; rendre cela en tableau, avec des mouvements nouveaux et avec des couleurs qui tournent en dérision notre vieille peinture de chevalet. » Et le peintre conclut, renouant ainsi dans sa quête moderne avec l’inspiration originelle de l’art pictural : « Je ne vois pas pour l’animalisation de l’art de moyen plus heureux que le tableau d’animaux lui-même. »
Pour en savoir plus
- Académie des beaux-arts
- Arnaud d'Hauterives
- François-Bernard Michel
- Laurent Petitgirard