La dérive des continents de Wegener racontée par Jean Dercourt
Jean Dercourt, Secrétaire perpétuel, géophysicien, revient sur l’histoire de la dérive des continents, dans son discours de clôture de la séance solennelle de rentrée de l’Académie des sciences. Cette histoire s’est imposée en 1915 après multiples débats et polémiques. Il faut dire que celui qui fut à l’initiative de cette révolution scientifique n’était même pas géologue : Alfred Wegener (1880-1930), allemand, météorologue et astronome...
_ Le discours de Jean Dercourt, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, est extrait de la rentrée solennelle de l'Académie des sciences le 23 novembre 2010.
La vie d'Alfred Wegener sera courte ; il passera le plus souvent son temps dans des expéditions au Groenland. En 1906, il y part deux ans pour effectuer des observations météorologiques. Ces résultats en météorologie sont alors majeurs à ce moment là.
En 1908, il est affecté à l’Observatoire météorologique des armées.
Puis il est nommé professeur titulaire d’une chaire de météorologie.
En 1912 il repart au Groenland pour une seconde expédition destinée à séjourner pendant l'hiver à l'extrémité Est de l'inlandsis, puis à traverser l'île dans sa partie la plus large. L’expédition est malheureusement un fiasco.
Il mourra au cours d'une troisième expédition au Groenland en 1930.
Que sait-on des continents à la fin du XIXe siècle ? A l'époque près des ¾ de la planète nous demeurent inconnus. Il s’agit principalement des océans. (Ce n'est qu'en 1905 que le prince Albert 1er de Monaco édite une carte relative aux profondeurs des océans).
Dès 1829, la théorie de Léonce Elie de Beaumont est la règle : « La Terre se refroidit ; d’abord en son cœur, avant de craquer sur elle-même. Les contractions thermiques aboutissent à faire des immenses cavernes qui s’isolent et qui s’effondrent parfois. Ainsi naissant les océans ».
Un peu plus tard, en 1884, on imagine que la Terre se présente sous trois enveloppes :
- Le cœur constitué de fer et de nickel
- Le manteau
- Le SIAL, enveloppe externe qui affleure sur les continents (SIlicate d'ALumine)
Le météorologue Wegener récuse l'hypothèse qui est faite de la troisième enveloppe. Pour lui, « les continents sont mobiles sur le SIMA (SIlicate Magnésien) et se déplacent. On peut construire dès aujourd’hui des cartes qui représentent la planète, mais ces cartes varieront dans le temps. »
Pour valider son hypothèse, il cherche des preuves :
- En 1912, à partir de relevés astronomiques, il observe des déplacements de 39 mètres par an entre l'Europe et le Groenland. Il devine que les résultats sont faussés. Alors il observe des distances entre des poteaux télégraphiques. L’écart est beaucoup moins important, mais il existe. Pour lui, c’est la première preuve que les continents bougent.
- Deuxième argument, celui des fossiles. On retrouve des espèces identiques de fossiles en Afrique du sud, en Inde, en Asie…
- Troisième argument : Des mesures faites en Scandinavie montrent que malgré la fonte des glaciers, on observe une montée de la chaîne de montagnes de 1 cm/ an.
- Enfin dernier argument : il retrouve des données climatiques similaires dans les roches d'Afrique, d'Amérique du sud, en Inde et en Australie.
Tous ces éléments confirment son hypothèse de départ.
Mais il reste un problème à résoudre : par quelles forces ces continents se sont-ils déplacés ?
C'est à ce moment là qu'une nouvelle découverte scientifique révolutionnaire arrive au secours d'Alfred Wegener.
En effet, en 1908 paraissent les premiers ouvrages sur la radioactivité découverte quelques années plutôt par Pierre et Marie Curie.
C'est la réponse qui manquait à Wegener pour répondre aux critiques des géophysiciens :
S’il existe des minéraux qui sont porteurs d’énergie, cela veut dire que le cœur ne peut pas se refroidir. Une source d’énergie doit pouvoir induire des courants d’inductions, provoquant le déplacement des continents !
Rapidement, plusieurs géologues se rallient à la cause de Wegener.
et démontrent quatre méthodes pour expliquer les forces mobilisatrices déplaçant les continents.
Dernière question à laquelle il convenait de répondre : comment expliquer une faune et une flore fossiles similaires sur plusieurs continents ? Les géologues comprennent que les continents dérivent et qu'il existe bien ce que Wegener a appelé en 1912 dans son ouvrage Genèse des continents et des océans la « pangée » : un supercontinent qui rassemble la quasi-totalité des terres émergées.
C'est la dérive des continents qui a donné les océans.
La théorie de contraction de Léonce Elie de Beaumont devient impossible.
Quelques années plus tard, en 1967-1968, trois papiers de trois grands scientifiques paraissent. Les auteurs ne sont autre que
Jason Morgan, Dan McKenzie et Xavier Le Pichon.
Tous affirment que les océans sont le moteur de la dérive des continents. Et Xavier Le Pichon, académicien des sciences, écrit la formule « expansion océanique et dérive continent » que l’on évoque encore dans les cours de géographie.
Jean Dercourt est secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, géophysicien.
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En savoir plus :
- Ecoutez la Séance solennelle de rentrée de l’Académie des sciences 2010 d'où est extrait le discours de Jean Dercourt.
- Consultez le palmarès de la remise des prix 2010 de l'Académie des sciences ici