17 mars 1808 : organisation de l’Université impériale
Dans son souci de réorganisation, Napoléon s’attaqua entre autres au système éducatif. Mais dans ce domaine, la réforme s’avéra d’emblée difficile. Jacques-Olivier Boudon, spécialiste du Premier et du Second Empire, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris IV-Sorbonne et président de l’Institut Napoléon, nous présente les grandes étapes de la réforme, avec au centre, le décret du 17 mars 1808.
Un premier pas, la loi du 1er mai 1802
- Dès l'établissement du Consulat, Bonaparte montre une véritable volonté de reprise en main de l'enseignement afin de freiner les progrès de l’enseignement privé « laïque » ou confessionnel depuis la signature du Concordat. C’est à ce besoin que répond la loi du 1er mai 1802 (11 floréal an X) créant les lycées mais organisant aussi l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. En fait, avec la loi du 1er mai 1802, les communes conservent la responsabilité de l’enseignement primaire et secondaire. L’État ne prend en charge que le dernier degré de la formation, celui qui doit fournir les élites du pays. Les limites de la loi se ressentent rapidement. Les commues gardent trop de liberté. Elles peuvent, entre autres, faire appel à des congrégations religieuses pour le secondaire. En réalité, la subsistance d’un double système handicape les nouveaux lycées qui manquent d’effectifs et d’un corps enseignant compétent.
L’Université napoléonienne
- Après la proclamation de l’Empire, Napoléon s’intéresse à nouveau à l'enseignement, convaincu de l’importance de l’éducation pour inculquer aux enfants l’amour de la patrie. Son idée est de réaffirmer le rôle de l’État en matière d’enseignement. Peu à peu vient l'idée de créer une sorte de congrégation d'enseignants, qui reprendrait le nom d'Université - les universités avaient disparues en France depuis 1793.
De là provient la loi du 6 mai 1806, limitée à trois articles : « Art. 1er : Il sera formé, sous le nom d'Université impériale un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publics dans tout l'Empire.
Art. 2. : Les membres du corps enseignant contracteront des obligations civiles, spéciales et temporaires.
Art. 3 : L'organisation du corps enseignant sera présentée en forme de loi du Corps législatif à sa session de 1810. »
Ces trois articles créent donc l’Université impériale et établissent un monopole de l’Etat en matière d’enseignement. Voilà, le principe est fixé mais il faut attendre le 17 mars 1808 pour que les décrets d'application soient votés. Ce n’est donc qu’en 1808 que l’Université impériale prend réellement forme. Que prévoit le décret du 17 mars ? Tout d’abord, il crée un corps enseignant public et établi, à travers lui, le contrôle de l'État sur l'instruction. D’autre part, il donne à l'institution scolaire son unité, son organisation territoriale et son encadrement régional par les académies, les recteurs et les inspecteurs d'académie. Une académie se compose d’au moins un lycée, des collèges et des écoles primaires et d’un établissement d’enseignement supérieur s’il en existe un dans la région. A la tête de l’académie se trouve le recteur qui dépend directement du grand maître de l’Université. Les grades et diplômes sont également fixés. Le baccalauréat est ainsi le premier diplôme qui donne accès à l’enseignement supérieur. Il se prépare dans les lycées. Pour l’enseignement supérieur, cinq ordres de facultés sont prévus (droit, médecine, lettre, science et théologie) aux côtés des écoles spéciales (Ecole Spéciale Militaire, Polytechnique). Le décret du 17 mars prévoit aussi le système de formation et de recrutement des enseignants avec l'École normale supérieure et l'agrégation. Ce texte est vraiment majeur. Il institue un nouvel ordre et remodèle en profondeur le système éducatif français.
- Le décret de 1808 montre vite ses limites. Il s’avère inefficace face à la concurrence des institutions privées. En outre, la dégradation des rapports de Napoléon avec l’Église, amène l’empereur à vouloir limiter l’enseignement religieux pour, au contraire, augmenter le poids des lycées. C’est dans ce but qu’est promulgué le décret du 15 novembre 1811, qui ne fait que renforcer le monopole de l’Université.
Un lourd héritage
- Le système éducatif actuel est bien différent de celui de 1808. Il reste tout de même profondément marqué par la création napoléonienne. On peut même dire qu’une partie de l'exception française en matière d'enseignement trouve sa source dans les principes établis par le décret du 17 mars 1808. À savoir, la conception centralisatrice de l’enseignement, l’établissement d’une corporation enseignante et la conviction que l’État a un devoir en matière de formation et par là donne naissance à une éducation nationale.
En savoir plus :
- Jacques-Olivier Boudon, "Napoléon organisateur de l'Université" dans La Revue du Souvenir Napoléonien, n° 464, avril-mai 2006. Retrouvez cet article en ligne ainsi que le texte du décret sur le site de la Fondation Napoléon.