Ce qu’il reste de Vichy
Du vichysme d’hier au néo-vichysme d’aujourd’hui. Christophe Dickès reçoit Jérôme Cotillon, chargé de cours en histoire contemporaine à l’université Paris III - Sorbonne Nouvelle.
_ La période de l'occupation a fait couler beaucoup d'encre et la naissance de la Ve République également. Les années intermédiaires et notamment celles des toutes premières années de la IVe République sont un peu oubliées ou étudiées prioritairement sous l'angle de la reconstruction économique et politique. Assurément cette nécessité majeure du nouveau régime suffit à lui conférer une forte identité. En fait, l'installation du gouvernement provisoire sur le territoire métropolitain en 1944, les débuts de l'épuration politique et administrative laissent croire que le régime qui avait rendu une ville d'eau célèbre disparaît définitivement dans un petit château en Allemagne.
A cet égard, les questions posées par Jérôme Cotillon dans Ce qu'il reste de Vichy sont audacieuses : comment les diverses idées inspiratrices de Vichy ont-elles survécu à elles-mêmes ? Que sont devenus les hommes politiques, les hauts fonctionnaires qui ont rallié entre 1940 et 1944 la petite station thermale ? Henry Rousso dans un très remarquable livre paru en 1987 (Le syndrome de Vichy), réédité depuis en version augmentée, avait placé son étude sur le plan de la mémoire collective. Il y montrait les survivances, les rejeux, les déformations, sous les IVe et Ve Républiques, de la période de Vichy, obsession inavouée des régimes suivants.
Jérôme Cotillon ne se place pas sur ce terrain mais s'intéresse aux hommes du Maréchal Pétain, à leurs réseaux et à leurs idées qu'ils continuent à porter bien après la condamnation à mort de leur icône. L'auteur formule l'hypothèse d'une possible survivance des réseaux vichystes. En l'espèce, sa démonstration est pleinement convaincante, servie par une remarquable connaissance des réseaux de pouvoir à Vichy. Cet ouvrage, qui foisonne d'exemples précis et très souvent inédits, est organisé autour de la notion de « néo-vichysme ».
Le progressif rétablissement des diverses élites de Vichy a lieu très tôt, dès 1950-1951, l'auteur relativisant la portée de l'épuration politique ainsi que le montre, par exemple une étude détaillée de la chronologie et des peines prononcées par la Haute Cour de Justice. J. Cotillon avec un beau talent d'historien prend soin de montrer qu'il n'y a pas de réelle traversée du désert entre 1944 et le début des années 1950. En effet il évoque «le premier après-Vichy des maréchalistes», commençant pour certains très tôt, dès 1942, et qui leur permet de se rétablir dès la Libération.
En savoir plus :
- Ce qu'il reste de Vichy, Ed. Armand Colin, 2003
Jérôme Cotillon a reçu le Prix Paul-Michel Perret 2004 de l'Académie des sciences morales et politiques pour son ouvrage Ce qu'il reste de Vichy.