Du Guesclin et Froissart, la fabrication de la renommée
Bernard Guenée montre la modernité des temps médiévaux en présentant la fabrication de la renommée à travers les personnages de Du Guesclin et de Froissart. Il souligne également l’émergence du travail des historiens de l’époque.
Au début de chaque année, en France, le monde médiatique s’emploie à nous donner la liste des cinquante personnalités préférées des Français. Dans ce classement établi par le Journal du dimanche, on trouve pêle-mêle des sportifs, des comédiens, des acteurs, et même des présentateurs télés… Longtemps ce classement fut dominé par un religieux, l’abbé Pierre. On y trouve aussi plus rarement des politiques. Dans ce classement, on le voit, l’image domine : celles du petit mais aussi du grand écran ; celle des magazines qui s’étalent dans nos kiosques à journaux….
Toutes ces personnes sont dites « célèbres », chacune a sa propre gloire, sa propre renommée. Parfois ces personnes ont cultivé leur propre image. On sait, depuis le général de Gaulle, que la télévision peut s’utiliser ; on sait aussi que la télévision, tout comme le monde médiatique peut défaire en quelques heures une gloire d’hier…
Alors que l’on aurait tendance à lier ce phénomène au monde moderne ou plus exactement au monde contemporain, à cause précisément du contexte de sur médiatisation, il faut en fait remonter plusieurs siècles en arrière pour trouver les prémices de la renommée, de la gloire publique mais aussi de la « propagande ». Plus exactement au XIVe siècle, deux personnages sont emblématiques de ce qui plus fut qu’une tendance, une réalité. En effet, avec Bertrand du Guesclin, soldat valeureux, et Jean Froissart, chroniqueur, nous avons deux personnages qui non seulement agissent dans leur siècle mais, surtout, ont conscience de cette action et de la gloire qu’ils en tirent. La fabrication de la renommée aux temps médiévaux, c’est ce qu'un Jour dans l'Histoire vous propose de découvrir avec l’historien Bernard Guenée, auteur de Du Guesclin et Froissart, la fabrication de la renommée, paru chez Tallandier.
Présentation de l'éditeur
Bertrand du Guesclin et Jean Froissart sont à peu près contemporains. Le premier, petit noble breton né en 1320, devint connétable de France et chef des armées royales. Ce guerrier aussi doué pour la propagande que pour la bataille s’acquit, de son vivant et après sa mort en 1380, une renommée telle qu’il fit figure de dixième Preux. Le Valenciennois Jean Froissart, né en 1337, clerc fils de marchands, choisit la carrière d’homme de lettres, s’attelant à une grande histoire des guerres de France et d’Angleterre advenues en son temps, où il mit en valeur les prouesses des preux, espérant par là atteindre à une renommée comparable à la leur, en quoi il réussit puisque son oeuvre n’a cessé d’être éditée et exploitée depuis plus de six siècles. Du Guesclin et Froissart, chacun dans son domaine, furent les premiers à vouloir se faire un nom, alors qu’ils sortaient de presque rien. Il fallait que la société, en ce XIVe siècle, eût bien changé pour qu’ils y soient parvenus. C’est ce qu’expose Bernard Guenée, après avoir examiné soigneusement les termes par lesquels se dit la renommée : opinion, réputation, notabilité, gloire… Dans une admirable leçon d’histoire médiévale, il fait dialoguer les mots et les choses, les images et les réalités, le chevalier et le chroniqueur, du Guesclin et Froissart.
A propos de Bernard Guenée
Élu, le 6 mars 1981, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, au fauteuil de Pierre Courcelle. Bernard Guenée a été président de cette Académie en 1989.
Spécialisation
Médiéviste, spécialiste de l'histoire des institutions médiévales et de la société judiciaire du bas Moyen Âge, de l'histoire politique du bas Moyen Âge et du règne de Charles VI.
Carrière
- 1946. École Normale Supérieure.
- 1950. Agrégé d'histoire.
- 1951-1952. Professeur au lycée de Colmar.
- 1952-1955. Pensionnaire de la Fondation Thiers.
- 1955-1956. Professeur au lycée Marceau (Chartres).
- 1956-1958. Assistant à la Sorbonne.
- 1958-1965. Chargé de cours, puis maître de conférences (1963) et professeur (1964) à la Faculté des lettres et sciences humaines de Strasbourg.
- 1963. Docteur ès lettres.
- 1965-1995. Professeur d'histoire médiévale à la Sorbonne.
- 1972-1973. Professeur invité à l'Université Yale (New Haven).
- 1974. Professeur invité au All Souls College (Université d'Oxford).
- 1976. Membre invité à l'Institute for Advanced Study (Princeton).
- Depuis 1980. Directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études, IVe section.
- Membre de la Royal Historical Society (Londres).
- Membre du Comité des Travaux historiques et scientifiques.
- Membre de la Mediaeval Academy of America (Cambridge, Massachusetts).
Principales publications
- 1963. Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis à la fin du Moyen Âge (vers 1380-vers 1550) (thèse de doctorat).
- 1968. Les entrées royales françaises de 1328 à 1515 (en collaboration avec F. Lehoux).
- 1971, 1993. L'Occident au XIVe et XVe siècles. Les États.
- 1977. Le métier d'historien au Moyen Âge. Études sur l'historiographie médiévale (ouvrage collectif).
- 1979-1982. "Catalogue des gens de justice de Senlis et de leurs familles (1380-1550)" (in Comptes rendus et Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Senlis).
- 1980, 1991. Histoire et culture historique dans l'Occident médiéval.
- 1981. Politique et histoire au Moyen Âge. Recueil d'articles (1956-1981).
- 1987. Entre l'Église et l'État. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, 1260-1490.
- 1992. Un meurtre, une société. L'assassinat du duc d'Orléans, 23 novembre 1407.
- 1999. Un roi et son historien. Vingt études sur le règne de Charles VI et la Chronique du Religieux de Saint-Denis.
- 2003. La folie de Charles VI, roi Bien-aimé.
Bernard Guenée sur Canal Académie.
- Ecoutez notre émission sur la folie de Charles VI, en cliquant ici.