La Boisserie : demeure tranquille de la famille du Général de Gaulle
« C’est ma demeure… » disait le Général de Gaulle. Mais c’est aussi un lieu chargé d’histoire ! Claude Marmot, historienne et membre de la Fondation Charles de Gaulle, et Aurore Jacquinot, responsable de La Boisserie, évoquent la maison de famille du Général de Gaulle à Colombey. Anne Jouffroy s’est rendue sur place pour Canal Académie.
Ce fut à partir de 1933 –une année tournant pour le couple- que Charles et Yvonne de Gaulle envisagèrent d’acquérir une maison dans un lieu relativement retiré.
Un héritage touché par Yvonne de Gaulle permit l’acquisition d’une nouvelle demeure.
D’après Geneviève Anthonioz de Gaulle, son oncle Charles pensa un court instant à racheter sa maison natale lilloise à ses cousins Corbie, par nostalgie de son enfance. Mais, pour la protection de leur fille Anne et par besoin de paix et de discrétion, le jeune lieutenant-colonel Charles de Gaulle et sa femme firent des recherches à la campagne.
La famille s’installa à la Boisserie dans le village de Colombey-Les-Deux Eglises le 14 juillet 1934. Le confort y était sommaire mais le parc de 2 hectares, clos de murs, permettait à Anne de profiter d’un grand jardin sans dangers et en toute tranquillité. Par ailleurs, cette région, proche des frontières de l’Est de la France, n’était pas dénuée d’attraits pour un militaire, féru d’Histoire et élevé dans le respect de la religion catholique :
- d’une part les principales zones de garnison n’étaient pas très loin de Colombey -ainsi quand le colonel de Gaulle fut affecté de juillet 1937 à septembre 1939 à la tête du 507ème régiment de chars cantonnés à Metz, il put retrouver sa famille assez aisément quand ses obligations militaires le lui permettaient- ,
- et d’autre part des lieux historiques (Les Champs Catalauniques, Domrémy) et religieux (l’Abbaye cistercienne de Clairvaux où il aimait aller se confesser) sont à proximité.
Après les événements de la Seconde Guerre mondiale les de Gaulle retrouvèrent la Boisserie en piteux état. Ils la réaménagèrent, l’agrandirent et s’y installèrent de nouveau en 1947.
Dans ses Mémoires de Guerre, le Général évoque sa maison de la Boisserie et son village :
- «C’est ma demeure. Dans le tumulte des hommes et des événements, la solitude était ma tentation. Maintenant, elle est mon amie. De quelle autre se contenter quand on a rencontré l’Histoire ? D’ailleurs, cette partie de la Champagne est toute imprégnée de calme… villages tranquilles et peu fortunés, dont rien, depuis des millénaires n’a changé l’âme et la place. Ainsi, du mien. Situé haut sur le plateau marqué d’une colline boisée, il passe les siècles au centre des terres que cultivent ses habitants. Ceux-ci, bien que je me garde de m’imposer au milieu d’eux, m’entourent d’une amitié discrète. Leurs familles, je les connais, je les estime et je les aime. Le silence emplit ma maison. De la pièce d’angle où je passe la plupart des heures du jour, je découvre les lointains dans la direction du couchant. Par-dessus la plaine et les bois, ma vue suit les longues pentes descendant vers la vallée de l’Aube, puis les hauteurs du versant opposé. D’un point élevé du jardin, j’embrasse les fonds sauvages où la forêt enveloppe le site, comme la mer bat le promontoire. Je vois la nuit couvrir le paysage. Ensuite, regardant les étoiles, je me pénètre de l’insignifiance des choses.»
- «(…) Aux vacances nos enfants, nos petits-enfants, nous entourent de leur jeunesse, à l’exception de notre fille Anne qui a quitté ce monde avant nous. Mais que d’heures s’écoulent, où, lisant, écrivant, rêvant, aucune illusion n’adoucit mon amère sérénité !
Pourtant, dans le petit parc, -j’en ai fait quinze mille fois le tour !- les arbres que le froid dépouille manquent rarement de reverdir et les fleurs plantées par ma femme renaissent après s’être fanées.
(…) Soudain le chant d’un oiseau, le soleil sur le feuillage ou les bourgeons d’un taillis me rappellent que la vie, depuis qu’elle parut sur la terre, livre un combat qu’elle n’a jamais perdu. Alors je me sens traversé par un réconfort secret. (…)
A mesure que l’âge m’envahit, la nature me devient plus proche…
Vieille Terre, rongée par les âges, rabotée de pluies et de tempêtes, épuisée de végétation, mais prête, indéfiniment, à produire ce qu’il faut pour que se succédent les vivants !
Vieille France, accablée d’Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin, mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau !
Vieil homme, recru d’épreuves, détaché des entreprises, sentant venir le froid éternel, mais jamais las de guetter dans l’ombre la lueur de l’espérance !»
La famille, le noyau primordial
Le Général évoque sa famille au début de ses Mémoires de Guerre :
- « Mon père, homme de pensée, de culture, de tradition, était imprégné du sentiment de la dignité de la France. Il m’en a découvert l’Histoire. »
- « Ma mère portait à la patrie une passion intransigeante à l’égal de sa piété religieuse. »
- « Mes trois frères, ma sœur, moi-même, avions pour seconde nature une certaine fierté anxieuse au sujet de notre pays. »
« A Yvonne, sans qui rien n’eut été » écrivit-il sur le tome I des Mémoires d’Espoir qu’il lui offrit.
En savoir plus :
Les pauses musicales sont un hommage discret à la maîtresse de maison de La Boisserie : Yvonne de Gaulle « sans qui rien n’eut été », pianiste à ses heures.
- La Lettre à Elise de Beethoven
- Le Gai Laboureur de Schumann
- La Marche Turque de Mozart
- Rêveries des Scènes d’Enfants de Schumann
Ecoutez aussi notre émission :
- Visite au Mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises
Consulter le site : http://www.colombey-les-deux-eglises.com/la_boisserie.htm