L’Église de France face à la persécution des Juifs
Sylvie Bernay publie aux éditions du CNRS L’Église de France face à la persécution des Juifs (1940-1944). Dans cet ouvrage qui fera date, l’auteur réévalue le rôle de l’Eglise non seulement dans les années 40 mais aussi dans les années 30. Un travail qui a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
En 1966, le journaliste français Jacques Duquesne publiait un livre intitulé Les Catholiques français sous l’occupation. Cet ouvrage, le premier sur la question, portait un regard absolument critique sur les autorités ecclésiastiques françaises de l'époque. L’auteur opposait de manière assez simpliste une hiérarchie ecclésiastique pétainiste indifférente, à de rares exceptions près, au sort de la population juive, certainement craintive et sûrement silencieuse dans le contexte de la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Il opposait cette hiérarchie aux fidèles catholiques de la base qui, à leur faible niveau, agissaient dans l’ombre mais de manière efficace. En 1986, le livre fut réédité et Jacques Duquesne persista dans son analyse: « La plupart des évêques et des prêtres se voulaient alors des guides, hors du commun, et se prévalaient de leur autorité sans nuance. Or, certains, surtout parmi les plus élevés dans la hiérarchie, se compromirent avec un régime politique, celui de Vichy, comme ils ne l'avaient plus fait depuis la Restauration, et distribuèrent les blâmes aux chrétiens qui ne partageaient pas leur orientation politique ou leur interprétation du devoir civique, allant jusqu'à les accuser de pêcher. A l'égard de lois et de règlements qui violaient les droits de l'homme, ils n'émirent pas, à la différence de la plupart des épiscopats européens, de sérieuses et nombreuses protestations. »
Encore aujourd’hui, cette vision journalistique des faits est dominante dans l’opinion publique : l’Église de France, au même titre que Pie XII, laisse une seule image, celle d'un paradoxe : celui du silence coupable entretenu par l’Eglise elle-même qui fit sa repentance bien des années plus tard.
Or, en 2010, Sylvie Bernay a souhaité rouvrir le dossier de l’Église de France face à la persécution des Juifs. Une thèse de doctorat, soutenue par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en fut le résultat. Cette thèse, quelque peu remaniée pour la rendre accessible au grand public, vient d’être éditée chez CNRS éditions. Elle réévalue totalement le rôle de l'Eglise et réhabilite la hiérarchie non seulement dans les années de guerre et d'occupation, mais aussi bien avant. Au delà du rôle de la France, l'auteur présente l'action de Pie XII en lien avec le nonce apostolique à Paris. Ce n'est pas un hasard si Sylvie Bernay ouvre son ouvrage par une citation de Mgr Saliège sur le silence: "Il n'y a pas que l'imprimé qui compte. Les silences parlent. Silence de mort. Silence de dignité. Silence de maturation. Silence de recueillement. Silence de prudence. Silence de servilité. Silence qui est un acte. Quelle est la nature de votre silence?"
L'auteur
Sylvie Bernay est professeur agrégée d'histoire et de géographie. Elle enseigne dans le secondaire. L'Eglise de France face à la persécution des Juifs (1940-1944) est le résumé de sa thèse de doctorat soutenue à la Sorbonne en juin 2010, un sujet qu'elle a choisi à la suite de sa propre expérience familiale.
- Sylvie Bernay sur le blog de La Procure.
- D'autres émissions sur Canal Académie en relation avec l'histoire juive :
- Napoléon et les Juifs : 200 ans d’ambiguïté et d’ambivalence
- Loi 1905 : Les juifs et les pouvoirs publics
- Maurice-Ruben Hayoun : la sagesse dans la tradition juive et son apport pour aujourd’hui
- Le mois de... Simone Veil : "Shoah" 2/4
- Le malheur du siècle : Communisme - Nazisme - Shoah
- Etty Hillesum, une conversion mystique en plein coeur de la Shoah
- Le journal d’Hélène Berr
- Auschwitz passé commun