Les racines de la Liberté
Historien des idées, Jacques de Saint Victor est l’auteur d’un ouvrage magistral sur une question bien oubliée de nos contemporains : les débats autour du concept de Liberté de l’époque du règne de Louis XIV à 1788 et les modèles politiques qui y étaient associés. Une oeuvre en dehors des sentiers battus et novatrice en tous points.
Notre conception, notre regard unilatérales de la Liberté telle qu’elle est proclamée en 1789 sont uniquement associés à la philosophie des Lumières. Pourtant, tout au long du XVIIIè siècle, le concept de Liberté n’est pas nouveau. Il naît d’ailleurs sous la monarchie et prend des formes multiples, complexes et diverses.
Il est aussi attaché à des personnalités qui ne sont pas seulement philosophes mais bien acteurs de la vie politique et publique de l'Ancien Régime. Il existe surtout ce courant politique qui, puisant dans le passé l’expérience des autres hommes, se rattache aux vieilles libertés germaniques du Haut Moyen Âge ; ce courant étudie avec assiduité l’évolution de la liberté ou des libertés qui, au XVIIIème siècle, ne sont pas au sens propre des idées nouvelles.
Par ailleurs, notre vision tocquevillienne de l’histoire du siècle des Lumières nous fait penser qu’il a existé une continuité entre l’Ancien Régime, incarné par l’absolutisme, et la Révolution française centralisatrice et égalitaire. L’historien , dans sa biographie monumentale de remet en cause cette théorie tocquevillienne qui met entre parenthèse toute la période de 1715 à 1789 pendant laquelle l'historien observe, écrit Jean-Christian Petitfils, « la violence des turbulences centrifuges, la puissance de la réaction nobiliaire, la révolte égoïste et envieuse des communautés et des groupes. » Comment s’expriment dans les idées, ces forces centrifuges ? Quels sens ces nobles, ces bourgeois et ces penseurs donnent-ils au mot Liberté ? Quelles sont les racines de la Liberté et peut on cantonner cette idée de Liberté à la philosophie des Lumières ? Surtout, pouvait on éviter comme en Angleterre la radicalisation de la révolution ? C’est ce que Christophe Dickès vous propose de voir avec son invité, Jacques de Saint-Victor, auteur du livre Les racines de la Liberté, Le débat français oublié 1689-1789 paru aux éditions Perrin en 2007.
Présentation de l'éditeur.
D'où vient le "modèle français" ? Et si cette synthèse aujourd'hui controversée entre libéralisme et républicain puisait ses racines lointaines dans un vieux combat oublié à propos de la liberté des Germains ? L'"antique constitution", fondée au Vème siècle par les guerriers de Clovis statuant ensemble sur les affaires communes, serait la preuve d'une "liberté perdue" qu'il faudrait restaurer. Cette référence germanique a déjà inspiré la Glorieuse Révolution anglaise ; mais en France, l'affaire prend une autre tournure, déclenchant la première "guerre de mémoire" de notre histoire.
Jacques de Saint-Victor montre que les "libertés" germaniques vont se diffuser largement à partir de 1750, notamment via Montesquieu. Ce discours devient le moyen de sortir de la fameuse "schizophrénie" culturelle de l'Ancien Régime entre exaltation pédagogique des Républiques antiques et soumission à la tradition monarchique. Nourrissant le premier débat "national", il trouve sa consécration en 1788, quand les libertés germaniques deviennent "le patrimoine mythique de la nation tout entière", et précipite la convocation des états généraux.
La Révolution en décidera autrement. Ce livre permet de mieux comprendre le contenu d'une expression galvaudée : l'exception française.
L'auteur
Jacques de Saint-Victor, historien des idées et critique littéraire au Figaro, maître de conférence à Paris VIII, a entrepris ses recherches historiques après avoir été dix ans journaliste au Figaro Economie. Il est l'auteur de plusieurs livres et collaborations, dont récemment Critiques des nouvelles Servitudes (PUF, dir. Y.-C Zarka), mais aussi Madame du Barry, un nom de scandale (Perrin), Le roman de l'Italie insolite (Le Rocher) et Les racines de la Liberté (Perrin).