Louis Bonaparte, roi de Hollande
Frère préféré de Napoléon dans sa jeunesse, Louis se voit confier, en 1806, le royaume de Hollande. Quatre ans plus tard, brouillé avec son auguste frère, il est contraint à l’abdication. Depuis, l’historiographie française véhicule l’image d’un roi capricieux, peu sûr de lui, rongé par la mélancolie. Dans son ouvrage, Annie Jourdan présente le regard croisé d’historiens hollandais. On découvre alors un Louis, très « Bonaparte », c’est-à-dire autoritaire et entreprenant, mais aussi un Louis humaniste, attentif au sort de ses sujets. Le règne de Louis Bonaparte en Hollande, épisode majeur de sa vie, mérite d’être valorisé.
Louis Bonaparte naquit en 1778. Napoléon prit très vite ce frère cadet sous son aile et le destina à la carrière militaire. A l’âge de 16 ans, il en fit son aide de camp à l’Armée d’Italie puis le nomma capitaine au 5e régiment de hussards. Sous le Consulat, il obtint le grade de chef de brigade du 5e régiment de dragons. Napoléon prit également en main sa vie privée : en 1802, il lui fit épouser, malgré lui, la fille de Joséphine, Hortense de Beauharnais. Sous l’Empire, Louis devint grand connétable et se vit confier, en 1805, la tête de l’Armée du Nord. A ce titre, il occupa le territoire de la République batave.
Roi de Hollande
-- En 1806, Napoléon mit fin à la République batave pour créer un royaume qui resterait sous sa dépendance. Dans ce but, il confia le nouveau royaume de Hollande à Louis, frère jusqu’alors docile. Dès le départ, Louis émit cependant quelques réserves : sa mauvaise santé lui faisait redouter l’installation dans un pays froid et humide. Mais surtout, il craignait la pression impériale. Il se plia tout de même à la décision de l’Empereur. Le 24 mai 1806, le traité de Paris plaçait Louis sur le trône de Hollande. D’après le traité, la monarchie se devait d’être constitutionnelle et garantissait les principes fondamentaux de la révolution batave. La véritable nouveauté était que la Hollande recevait un roi étranger, de nationalité française et de confession catholique.
Conscient de sa position délicate, Louis, dès le départ, affirma sa volonté d’être une « majesté nationale » et un roi constitutionnel. Une de ses priorités fut de gagner l’affection de ses sujets afin de mieux faire accepter son autorité. Dans cette perspective, il apprit la langue et maintint le néerlandais comme langue officielle de l'administration. Toujours dans le but de se rapprocher de ses sujets, il multiplia les visites dans son royaume, pratique nouvelle. Ces voyages lui permirent de découvrir les problèmes auxquels étaient confrontées les populations, entre autres sur le plan sanitaire, sujet qui lui tenait à cœur.
- Au niveau administratif, la ligne directrice de Louis fut de créer l'unité nationale dans un pays profondément marqué par le sentiment régional. Il renforça les pouvoirs de l'administration centrale sur les administrations locales et divisa le pays en dix départements-provinces placées sous l’autorité d’un gouverneur, selon le modèle du préfet français. Louis porta également son attention sur le législatif. Là encore, il n’existait aucune unité d’une région à l’autre. Dans tel village, le vol pouvait être puni de mort, alors que le même délit n’encourait qu’une amende dans un autre village. Pour mettre fin à ces différences, Louis apporta la codification juridique française. En réalité, Louis se révéla un souverain humaniste. Il se pencha également sur le sort des minorités religieuses et instaura l’égalité religieuse en 1808. Comme nous le voyons, Louis prit sa mission très à cœur, celle-ci fut-elle pour autant couronnée de succès ?
- Malgré ses efforts pour améliorer le sort de sa nouvelle patrie, Louis commis de fatales erreurs, liées à l’instabilité de son caractère. Au niveau politique, il ne cessa de remanier ses gouvernements, de changer de ministres. Ces nombreux changements eurent pour conséquences des lois de courte durée. Sur le plan pratique, il donna l’impression d’un roi absent, souvent en voyages ou occupé à ses déménagements et donc peu soucieux de ses sujets. Il faut dire qu’en quatre années de règne, il changea quatre fois de palais. Ses déménagements engendraient de lourdes dépenses qu’appréciaient peu les Hollandais habitués à l’économie. Cependant, la principale difficulté pour le roi Louis venait de la politique que lui imposa Napoléon, en particulier le blocus continental.
Le blocus continental
- Le système fixé par Napoléon empoisonna les relations entre les deux frères de 1806 à 1810. Napoléon très vite accabla son frère sous-prétexte de non-respect du blocus. Il reprochait à son frère de faire passer les intérêts hollandais avant ceux de la France. De son côté, Louis cherchait à convaincre son frère qu’il essayait de faire respecter le blocus mais que c’était impossible. Pour la Hollande, le blocus signifiait l’asphyxie de son économie, déjà chancelante. Aussi, dès que Napoléon s’éloignait, Louis profitait de l’absence impériale pour contourner le blocus. Napoléon réagissait avec des décrets toujours plus sévères contre lesquels Louis s’insurgeait. Cette résistance de Louis est à souligner. Jusque-là, il résistait rarement à son aîné. Cette politique fut fatale à Louis. En 1809, il laissa entrer un navire américain dans les ports hollandais : Napoléon, furieux, décida l’intégration du royaume de Hollande à la France. En 1810, Louis écœuré, abdiqua en faveur de son fils avant de quitter le pays.
Présentation de l'éditeur
Adulé de Napoléon 1er dans sa jeunesse, Louis Bonaparte a longtemps été un frère très docile. Ses malheurs domestiques avec la brillante, mais superficielle, Hortense de Beauharnais ont conforté l'image terne qu'a brossée de lui une postérité fort sévère pour la famille Bonaparte. Face au grand Napoléon, à son génie et à sa gloire, Louis le mélancolique fait bien triste figure. On en oublierait presque la période la plus passionnante de sa vie, quand il fut nommé roi de Hollande par un empereur désireux d'imposer sa loi en Europe et d'abattre la puissance britannique. Assis sur le trône au printemps 1806, Louis conquiert sa véritable identité et s'avère un Bonaparte pur sang. Autoritaire, voire autocrate, travailleur énergique, esprit curieux et éclairé, comme son aîné, il veut tout savoir, tout diriger et tout entreprendre. Mais Napoléon n'entend pas que la Hollande soit indépendante ou qu'elle viole la politique qu'il met en oeuvre sur le continent. Aussi, Louis sera-t-il déchiré entre ses devoirs de frère et ceux de souverain. Pourtant, il saura rallier les Hollandais, autrefois ardents républicains, au régime monarchique. Dans son royaume, Louis est entré dans l'histoire comme un " bon roi ", attentif au sort de ses sujets.
Biographie de l'auteur
Annie Jourdan, qui a dirigé ce volume, est professeur associé à l'Université d'Amsterdam, Etudes européennes. Habilitée en histoire moderne et contemporaine, et spécialiste de la Révolution et du Premier Empire, elle a notamment publié Napoléon. Héros, Imperator, mécène (Aubier, 1998), L'Empire de Napoléon (Flammarion, 2000), Mythes et légendes de Napoléon (Privat, 2004) et La Révolution, une exception française ? (Flammarion, 2004).