Henri de RÉGNIER
Né à Honfleur, le 28 décembre 1864. Après avoir fréquenté le collège Stanislas, Henri de Régnier fit son droit dans la perspective d’embrasser la carrière diplomatique. Mais rapidement, il préféra se consacrer aux lettres. Dès ses premiers recueils, Poèmes anciens et romanesques (1889), il s’acquit une place dans le monde littéraire. D’œuvre en œuvre, poète avec principalement Tel qu’en songe (1892), Aréthuse (1895), Les Jeux rustiques et divins (1897), Les Médailles d’argile (1900), La Cité des eaux (1902), La Sandale ailée (1905), Le Miroir des heures (1910) et d’autres titres encore, il alla sans cesser d’être classique vers toujours plus de liberté dans la forme. Entre Verlaine et Valéry, il est le plus remarquable des poètes français, le plus abondant aussi. Et les poèmes de la fin de la vie, contenus dans Vestigia Flammae et Flamma Tenax, ne sont pas les moins admirables. Henri de Régnier témoigna d’un égal talent de conteur (Contes à soi même (1893) et de romancier, avec La Double maîtresse — paru en 1900 et qui est un roman freudien avant l’heure — auquel vinrent s’ajouter Le Bon plaisir (1902), Le Mariage de minuit (1903), Les Vacances d’un jeune homme sage (1903), Les Rencontres de M. de Bréot (1904), Le Passé vivant (1905), La Peur de l’amour (1907), La Flambée (1909), La Pécheresse (1920), L’Escapade (1925), Henri de Régnier avait une prédilection pour le XVIIIe siècle où il puisait volontiers ses sujets, parfois scabreux, et dont même il pastichait le style. Critique littéraire également, il tint longtemps le feuilleton littéraire du Figaro. Admirateur de Mallarmé, aux « mardis » duquel il assistait régulièrement dans sa jeunesse, il avait été d’abord influencé par Leconte de Lisle et surtout par José Maria de Heredia dont il épousa, en 1896, l’une des filles, Marie, qui publia elle-même des poèmes sous le pseudonyme de Gérard d’Houville. Henri de Régnier a composé une œuvre originale dans laquelle se rencontrent le Parnasse et le symbolisme. En mars 1908, Henri de Régnier se présenta une première fois à l’Académie française, au fauteuil d’André Theuriet, mais c’est Jean Richepin qui enleva le siège, et l’on raconte que, rentré chez lui, le poète se laissa tomber dans un fauteuil en murmurant « José Maria » ! Il fut enfin élu, par 18 voix, le 9 février 1911, contre Pierre de Nolhac, au fauteuil de Melchior de Vogüé. C’est le comte Albert de Mun qui le reçut, le 18 janvier 1912. Le discours par lequel il s’acquitta de cette tâche, et qu’il prononça contre tous les usages, debout, prit les apparences d’un éreintement. Parlant des romans de Régnier, il déclara : « Je les ai lus, ces romans, je les ai tous lus et jusqu’au bout, car j’ai été capitaine de cuirassiers. Mais pour parler davantage, entre les graves images qui gardent notre Coupole, des aventures de vos Amants singuliers, des Rencontres de M. de Bréot et des Tentations de M. Nicolas de Galandot, convenez monsieur que je ne suis plus assez cuirassier... » Si les pointes à l’endroit du récipiendaire sont de coutume dans les réceptions académiques, on n’avait pas entendu de critique aussi ferme d’un nouvel élu depuis l’entrée d’Alfred de Vigny. Henri de Régnier devait recevoir à son tour Pierre de La Gorce en 1917, René Boylesve en 1919, Henri Bordeaux en 1920 et Pierre Benoit en 1932. Homme de suprême élégance et de détachement, Henri de Régnier dit à son lit de mort : « Je vous en prie, après moi, pas de société d’amis. » L’avenir l’a peut-être trop bien entendu. Mort le 23 mai 1936.