« Naissance et sources de l’opinion publique ».
Parce qu’il est convenu que ce n’est qu’au milieu du XVIIIe siècle que l’opinion publique est identifiée en tant que telle dans les sociétés occidentales, faut-il renoncer à appliquer cette notion aux « hautes époques » ? Tel n’est pas la conviction de Philippe Contamine qui souligne que la période médiévale offre de ce point de vue un poste d’observation intéressant. Tout porte, a priori, à contester la réalité d’une opinion publique médiévale en présence d’une population massivement illettrée, dispersée et soumise à un dominium clérical et féodal, dont le seul mode d’expression aurait été la révolte. Ph. Contamine a cependant relevé que depuis une génération, les historiens médiévistes utilisaient couramment le concept d’opinion publique, particulièrement face à des épisodes de crise, comme ceux qui jalonnent la guerre de Cent Ans. Ils s’intéressent, pour cela, aux rumeurs, cris, doléances, ou encore à la propagande. Ainsi lors de la mobilisation du tiers état par Philippe le Bel dans le cadre de sa lutte contre le pape Boniface VIII en 1303. Le monarque avait en effet envoyé des commissaires dans les provinces, pour expliquer son attitude et recueillir l’adhésion de ses sujets, parvenant ainsi à créer un véritable courant d’opinion publique. D’où une nouvelle question : « Entre la ‘commune renommée’ des années 1400 et l’opinion des années 1900, le changement est-il de degré ou de nature ? Serait-on passé des premiers vagissements à la pleine maturité ou plutôt d’un régime politique à l’autre ? »