Henri IV : « Le Roi bâtisseur qui aimait trop les bâtiments et les riches ouvrages »
C’est au goût architectural d’Henri IV que nous devons entre autres à Paris, la Place Dauphine, la Place des Vosges, les finitions du Pont-Neuf ou encore les réaménagements du Louvre, des châteaux de Fontainebleau et de Saint-Germain-en-Laye. Jean-Pierre Babelon, ancien Inspecteur général des Archives de France et directeur général du Musée et du domaine national de Versailles et de Trianon, nous propose une visite des chantiers entrepris par le premier roi Bourbon, dont on commémore l’assassinat en mai 1610.
Cinq ans seront nécessaires au premier Bourbon pour ouvrir les portes de la capitale, quatre autres pour apaiser les armes et les consciences. Il ne lui reste que douze ans pour créer, avec l’aide de Sully, un État moderne : l’économie, l’agriculture, l’urbanisme, l’université ; il n’a de cesse de tout réorganiser, et de continuer la tradition monarchique séculaire, comme s’il avait su que peu de temps lui était octroyé pour accomplir sa tâche. » Les Académiciens racontent l’Histoire : Henri IV (2/2)
Henri IV va se découvrir une passion qui le dévore : le bâtiment, le goût de construire. Jean-Pierre Babelon précise : « Rien ne lui appartint davantage en propre que ce qu’il a fait construire selon sa volonté et avec ses deniers. »
Le Roi se plaindra auprès de Sully en 1607 : « Les uns me blâment d’aimer trop les bâtiments et les riches ouvrages, les autres la chasse… »
Jean-Pierre Babelon ajoute :
« Le Mercure français écrira après la mort du Roi en 1610 : "Quant à la magnificence de ses bâtiments, nul de ses devanciers ne l’a égalé, aussi était-ce ce qu’il affectionnait le plus". La masse bâtie excède probablement celle qui fut élevée sous François 1er et le dispute à celle qu’élèvera Louis XIV. Henri IV y met un plaisir individuel de propriétaire, aiguisé par le souci de financer la marche des chantiers par tous les moyens.
"C’est pour mes maçons", dit-il avec une satisfaction évidente en empochant ses gains au jeu de paume, et il va effectivement surveiller ses maçons et les gratifier. Cette passion est de toute évidence un atavisme. Les Albret, sa famille maternelle, comme les Valois sont des Princes bâtisseurs. Dans sa jeunesse, Henri IV a vécu, à Pau et à Nérac, dans des châteaux médiévaux remis au goût du jour par ses ancêtres…
De 1594 à 1610, il achève en effet tous ses chantiers, sans exception. Cela suppose un intérêt de tous les instants, une vigilance jamais relâchée, une gestion exceptionnellement efficace des chantiers, enfin l’affectation de crédits considérables. Cette sollicitude ne s’attache d’abord qu’aux châteaux royaux, mais le Roi poursuivra avec la même passion la réalisation de ses entreprises d’urbanisme, notamment à Paris, et il les mènera, elles aussi, bien près de leur achèvement jusqu’à la veille de sa mort… Sully sera nommé surintendant des bâtiments. Il allait y appliquer une réglementation rigoureuse dans le but d’empêcher tout retour aux irrégularités coutumières, toute malfaçon et tout gâchis… Le premier chantier ouvert fut celui du Louvre… »
Et ce sera ensuite Fontainebleau, puis Saint-Germain-en-Laye :
« Les éclats de rire retentissent. Le Roi s’amuse. Le dauphin court de terrasse en terrasse, jouant sur le chantier, questionnant les ouvriers qui posent les emmarchements ou déballent les barriques de coquillages venus des côtes de France pour garnir les parois des grottes. Les travaux s’achèvent en 1608-1609, le Roi y emmènera tous ses invités. Le Mercure français de 1610 célèbrera Saint-Germain comme l’une des cinq merveilles de France. »
Pour aller plus loin :
- Canal Académie propose une dizaine d'émissions sur le roi Henri IV. dont Henri IV : des boîtes cachées dans sa statue équestre
- L'interview de J.P. Babelon peut être fructueusement complétée par la lecture de son livre Henri IV, paru chez Fayard. Les textes cités ici sont repris de ce livre.