La notoriété médiatique expliquée par la sociologue Nathalie Heinich
Nous regardons vivre des célébrités, les admirons de loin, les envions parfois et lisons leurs faits et gestes dans les magazines : stars de cinéma, animateurs de télévision, têtes couronnées, mannequins, sportifs, starlettes... Cette caste médiatique, comment y parvient-on ? Cette « grande famille du visible » n’est guerre analysée, ni ses lois, ni les évolutions de la « visibilité ». Or, elle est présente un peu partout avec la gestion d’un « capital symbolique ». Comment le comprendre ? Quels regards furent portés sur elle ? Que faut-il en penser ? Ecoutez l’analyse de Nathalie Heinich, auteur d’un essai justement intitulé "De la visibilité" : une des rares fois où la sociologie se penche sur cette question.
Nous savons où ces gens-là vivent, avec qui ils passent leurs vacances, qui ils aiment ou détestent. Ils constituent une « caste olympienne », un panthéon médiatique, un monde à part. Ils finissent par être connus parfois sans autre raison que leur notoriété même. Autrefois, le talent donnait accès à la reconnaissance – y compris la reconnaissance médiatique. Aujourd’hui, à l’heure médiatique, alors (comme le dit Mac Luhan) que « le vrai message c’est le médium lui-même », la reconnaissance est de plus en plus un but en soi. Un but sans raison, sans cause, sans talent – sinon celui d’être visible, d’attraper la lumière des médias.
Nathalie Heinich, sociologue au CNRS, spécialiste de l’art et du statut du créateur, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, vient de faire paraître : De la visibilité (Gallimard, 565 pages). C’est la première fois qu’un sociologue fait une somme sur ce phénomène de la célébrité, de la notoriété médiatique. Somme d’histoire, de sociologie, d’analyse juridique, économique et psychologique.
Nous demanderons à Nathalie Heinich comment et pourquoi ce phénomène est apparu ? Pourquoi il est peu traité, peu étudié ? Comment nous sommes passés d’une visibilité liée à un talent (celui d’un acteur, d’un écrivain) à une visibilité en soi ? Pourquoi avons-nous besoin de regarder, impuissant et envieux, ces gens dans la lumière alors que nous restons dans l’ombre ? Faut-il considérer que cette notoriété nouvelle, ce désir de gloriole viennent lutter contre le lent, patient, laborieux travail de la culture classique pratiquée à l’école ? Cette idolâtrie n’est-elle pas le summum de l’affirmation du sujet ? N’y a-t-il pas là une sorte de dévotion moderne, une religion pauvre ?
Nathalie Heinich, sans se départir de sa « neutralité » de sociologue, sans porter de jugements de valeurs, sans condamner, soucieuse avant tout de comprendre et d’expliquer, nous donne là des éléments de compréhension de ce nouveau phénomène : le besoin de visibilité et d’avoir ce « petit quart d’heure de gloire » mis en avant par Andy Warohl .
Damien Le Guay
- Une autre émission avec Nathalie Heinich : Ne faut-il pas déconstruire la déconstruction de Bourdieu ?
Retrouvez les autres émissions de Damien Le Guay sur Canal Académie.