La « Description de l’Egypte » : le plus riche musée de l’univers
Dans la « Description de l’Egypte », disait-on, se trouve emmagasiné « le plus riche musée de l’univers ». Cet ouvrage riche en information, fut rédigé en partie par le baron Vivant Denon. Plus de 80 artistes et 400 graveurs furent nécessaires à cette entreprise titanesque. Les dimensions des pages exceptionnellement grandes, nécessitèrent la création d’une presse spéciale, ainsi que d’un meuble spécifique pour le consulter... !
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Quelques instants avant la bataille des pyramides, le 21 juillet 1798, Bonaparte aurait lancé: «Soldats, du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent».
Napoléon le confirma à Sainte-Hélène, mais Berthier n'en a dit mot, ni dans sa correspondance, ni dans son officieuse Relation des campagnes du général Bonaparte en Egypte et en Syrie. Selon François Bluche, auteur du Dictionnaire des mots historiques, de César à Churchill [[Dictionnaire des mots historiques, de César à Churchill, éditions de Fallois, 1992,]] les «quarante siècles» figurèrent pour la première fois dans une Histoire de Bonaparte, premier consul, par un anonyme (en fait O. Guerlac), publié en 1803. «Rien n'interdit de penser, affirme François Bluche, que Napoléon, séduit par un mot imaginé, l'adopta a posteriori».
L'ouvrage de Berthier, prince de Neuchâtel et prince de Wagram (1753-1815), parut pour la première fois chez Didot l'Aîné, en l'an VII (1800) (in-8°, 188 p), et bénéficia de quatre autre éditions jusqu'en 1827.
Berthier alors chef d'Etat-major de Bonaparte, était constamment dans son entourage et son récit fut considéré comme la relation semi-officielle de la campagne d'Egypte.
Celle-ci débuta en avril 1798 et s'acheva le 14 septembre 1801 après la capitulation du général Menou à Alexandrie. La partie militaire de l'entreprise fut un échec. Cette campagne fut atroce pour les soldats mal équipés soumis aux harcèlements des Mameluks et aux fièvres. Cette entreprise insensée ne rapporta rien sur le plan militaire ; chassa, pour rien, au passage, les chevaliers de Saint-Jean de l'île de Malte ; mais provoqua, en revanche, une floraison de découvertes archéologiques et une avalanche de mémoires.
Aucun recensement exhaustif n'en avait été réalisé, pas plus que des appréciations critiques permettant d'en distinguer le bon grain de l'ivraie, jusqu'à ce que Philippe de Meulenaere ne s'y employât. Sa Bibliographie raisonnée des témoignages oculaires imprimés de l'expédition d'Egypte, réunit trois cent soixante-trois ouvrages composés par autant de militaires, de médecins, chirurgiens, scientifiques, ingénieurs et voyageurs français, anglais, arabes même, qui se sont côtoyés durant trois ans sur cette terre africaine. [[- Bibliographie raisonnée des témoignages oculaires, éditions F. et R. Chamonal, (5, rue Drouot, 75009, Paris) 317 p. 363 ref. suivi d'une liste du premier Institut d'Egypte; des membres de la commission des sciences et arts à l'arrivée en Egypte; de la composition de l'armée d'orient et d'un état militaire et d'un classement par groupe d'auteurs.]]
Des savants en Egypte
Pendant que les militaires se battaient, les savants sillonnèrent le pays dans tous les sens, recherchant pour les uns des vestiges de l'ancienne civilisation des pharaons, pour les autres des sites géographiques, géologiques ou zoologiques. Le résultat de leur travail suscita, en Europe, un regain d'intérêt pour l'Egypte, ses monuments et ses antiquités.
L'un des témoignages les plus remarquables de cette expédition, reste le Voyage dans la basse et la Haute Egypte pendant les campagnes du général Bonaparte par Dominique Vivant, baron Denon (1747-1825. Les historiens assurent que le vrai vainqueur de l'expédition d'Egypte, ce fut lui. Ce littérateur, hédoniste érudit, graveur, virtuose, collectionneur remarquable, deviendra directeur des musées sous Napoléon.
Le livre fut composé en trois ans et connaîtra un succès considérable.
Il en fut, d'abord, tiré 400 exemplaires sur papier ordinaire chez Didot l'Aîné, en l'an X (1802) en deux volumes plus un atlas en grand in-folio, comprenant plus d'un millier de gravures. On note vingt réimpressions dans les premiers mois. La bibliothèque de l'Institut en conserve un exemplaire.
Il fut décidé que l'on offrirait un exemplaire aux quatorze chefs des demi-brigades qui avaient suivi Bonaparte en Egypte. Mais l'Etat était - déjà - pingre, ces officiers reçurent l'atlas seul, sans les volumes de texte, et dans une édition imprimée sur papier ordinaire. Une seconde édition, dans un format plus petit (in-12°, 2 vol. in-4° dont un d'atlas) a été imprimée la même année. Neuf autres éditions ont suivi, dont la dernière au Caire, en 1990, tirée à 1 500 exemplaires.
Un ouvrage monumental !
Mais ce qui nous intéresse ici, est un autre ouvrage auquel participa le baron Denon et qu'il dirigea : la monumentale Description de l'Egypte, ou recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l'expédition française. Publié par les ordres de Sa Majesté l'Empereur Napoléon le Grand...
Il fut publié d'abord par l'Imprimerie Impériale, puis l'Imprimerie Royale, de 1802 à 1830, comprenant neuf tomes en dix volumes, dans le format, petit in-folio de texte, orné de 36 planches, plus l'Atlas comprenant 11 tomes en 13 volumes en grand in-folio contenant 892 planches dont 72 sont coloriées.. Plus de 80 artistes y ont apporté leur concours et, pour imprimer les planches, la plupart en noir, mais certaines en couleur, il a fallu employer plus de 400 graveurs !
A cause du format exceptionnellement grand des planches, Nicolas Conté a dû inventer une presse spéciale qui fut installée dès 1803 au Louvre. Cet atelier gagna ensuite la rue du Doyenné puis le Collège des Quatre-Nations, que l'Empereur avait attribué en 1805 à l'Institut de France. Dans d'immenses armoires étaient entreposés textes et dessins.
L'ouvrage comporte trois parties :
- Antiquité
- Etat moderne
- Histoire naturelle
Cinq volumes de planches sont consacrées à l'Antiquité et quatre volumes de texte, deux volumes de planches et trois de texte à l'Etat moderne, trois volumes de planches et deux volumes de texte à l'Histoire naturelle. Cette parution nécessita 211 livraisons. Elles ne furent pas régulières, car pour des raisons politiques et financières, la publication dut être interrompue cinq fois et l'ouvrage resta dépourvu de tables. C'est à Charles X que le géographe Edme-François Jomard (1777-1862), secrétaire général de la rédaction, présenta les dernières planches.
Comment ranger dans une bibliothèque, un ouvrage d'une telle dimension ?
Jomard dessina les plans d'un meuble qui pourrait être réaliser sur commande. L'ébéniste parisien Charles Morel réalisa plusieurs modèles de ce fameux meuble « retour d'Egypte ». Nous en connaissons au moins six dont un à la bibliothèque du Sénat offert par Louis-Philippe à la Chambre des Pairs, un autre dans celle de l'Assemblée nationale, un autre encore qui appartenu au Dr Clot-Bey, sans doute offert par le roi Louis-Philippe.
Nous en avons la description : « Ce meuble en acajou et placage d'acajou le dessus à plateau basculant à la Tronchin est muni de deux lutrins adaptés aux dimensions des planches et gravures qui se fixent sur le plateau par un axe métallique. Il est composé d'un tiroir et de deux vantaux ; le tiroir démasque un bureau à quatre casiers ; derrière les vantaux apparaissent 14 rayonnages à roulettes. Le meuble est décoré de frises sculptés par Danton aux motifs de papyrus, cobras, bâtons liés, colonnes serpentines à chapiteaux de masques nubiens, de cartouches ailées aux armes du royaume d'Egypte. Jacob conçut aussi un meuble spécial en acajou et bronzes dorés, pour contenir cette « œuvre digne de la grande Encyclopédie du siècle des Lumières ».
La bibliothèque de l'Institut possède un exemplaire de la Description de l'Egypte mais sans son meuble.
Une seconde édition, dédiée au Roi, c'est-à-dire Louis XVIII, fut publiée par C.L.F. Panckouke de 1820 à 1830, répartie en 24 tomes dans 26 volumes (in-8°) de texte et onze volumes grand in-folio d'atlas. Les planches furent exécutées à partir des cuivres d'origine, mais sans couleur. Cette édition moins coûteuse eut autant de succès que la première ; on la nomme familièrement, « La Description de Panckouke ».
Ecoutez l'émission sur Dominique Vivant Denon , avec Pierre Rosenberg.
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