Quand les Cévennes d’André Chamson s’habillent de beauté...

Frédérique Hebrard, Louis Velle et Catherine Velle, célèbrent la terre d’André Chamson, de l’Académie française
Avec Virginia Crespeau
journaliste

Aux micros de Canal Académie, Virginia Crespeau a réuni trois invités pour fêter la sortie d’un livre, beau par ses textes et ses illustrations : Cévennes de la mer à la lune. Des textes signés Frédérique Hébrard, André Chamson, Catherine Velle, merveilleusement servis par les photographies de Jean-Louis Aubert. Quant à Louis Velle, comédien réputé, il nous fait le plaisir de lire quelques uns des passages les plus émouvants de ce livre. Un moment rare, de littérature autant que de tendresse familiale, où la présence de l’académicien se fait toute proche...

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : pag861
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« Cévennes de la mer à la lune, » est l’évocation d’une terre de lumière, fief de l’Immortel André Chamson qui fut élu à l’Académie française le 17 mai 1956, par 18 voix — celles entre autres de Jules Romains, André Maurois et Georges Duhamel — au fauteuil du baron Seillière; André Chamson, auteur notamment de : Roux le bandit (1925), Les Hommes de la route (1927), La Galère (1939), Quatre mois, Le Chiffre de nos jours (1954), La Superbe (1967), La Tour de Constance (1970)...

« Cévennes de la mer à la lune » raconte l’histoire d’une terre de résistance et de transmission des savoirs, nous en avons pour preuve

Frédérique Hébrard et Louis Velle : la protestante et le catholique...

autour des micros de Canal Académie, la présence de 2 générations issues d’André Chamson : Frédérique Hébrard, sa fille, écrivain, grand prix du roman de l’Académie française en 1987 avec Le harem ; récemment, son ouvrage Les Châtaigniers du désert a été adapté et diffusé sur France 3 ; le DVD du film est sorti en même temps.

La 2ème génération après André Chamson est également présente au studio de Canal Académie en la personne de la petite-fille d’André Chamson : Catherine Velle, fille de Frédérique Hébrard et Louis Velle, dont le dernier livre vient d'être retenu comme "Livre de l'année" aux Etats-Unis par la Fédération des Alliances françaises.

Catherine Velle : son roman "Soeurs chocolat" élu comme "livre de l’année" par la Fédération des Alliances françaises des USA.



Cette jolie réunion familiale organisée à Canal Académie autour de la personnalité d'André Chamson est complétée par la présence du gendre de l'académicien : Louis Velle, comédien, auteur, scénariste qui fera lecture au cours de l'émission de plusieurs textes d'André Chamson tels que : "Je suis de ce pays autant qu’on peut l’être, je tiens cette terre par les cimetières et les sillons".

Frédérique Hébrard nous confie :"Ces paroles d’André Chamson, mon père, je puis les dire à mon tour, mais, pendant près d’un demi-siècle, je n’ai pas osé aborder les Cévennes dans mes livres, je n’ai pas osé raconter ce qui était pour moi le Royaume de Papa. Pourtant, il me l’avait offert, ce Royaume, l’année de mes quatre ans. Parce que je venais d’apprendre à lire, il m’avait fait cadeau de deux livres : la Bible et les Mille et Une Nuits. Le Livre devait m’enseigner la Sagesse. Le Conte devait me permettre de rester folle.

André Chamson, élu à l’Académie Française le 17 mai 1956



Puis mon père prit ma petite main dans la sienne et me transporta sur la Montagne par un de ces jours miraculeux où l’on voit, loin, très loin, au fond de l’horizon, briller, comme une blessure d’acier : la Mer. Il me fit prendre place sur un rocher de granit qui semblait jailli à l’instant de l’herbe rase et me dit : « Te voilà assise sur la ligne de partage des eaux ». Je regardai autour de moi, ne vis ni ligne ni eau, et je compris que nous venions d’entrer dans le Merveilleux. Il m’expliqua que c’était là, là où je me trouvais assise, que la petite goutte tombée du ciel devait choisir...
— Choisir quoi, Papa ?
— La Méditerranée ou l’Atlantique, la tuile romaine ou l’ardoise
fine, la vigne ou le blé...
Pauvre petite goutte contrainte de choisir... je la plaignais et, du haut de mes quatre ans, ma décision fut vite prise.
— Moi, je choisis tout.
— Tout ? demanda mon père.
— TOUT.
— Alors, regarde...
Il me désigna la blessure d’acier qui vibrait au loin sous le soleil et me dit :
— Tout commence avec la Mer des Origines.


Les Bouzèdes, Mont Lozère
Photo Jean-Louis Aubert




Maman, elle aussi, veut m’apprendre les Cévennes. Elle est née à Anduze, elle a passé ses étés à Valleraugue, chez son grand-père tailleur d’habits. Elle m’emmène à l’Hort de Dieu, le Jardin de Dieu, sous l’Aigoual. Le Jardin est beau comme une fête. Je regarde ses fleurs, éblouie, j’ai envie de voler comme le papillon qui couvre un buisson d’aubépine de ses baisers... Brusquement Maman saisit ma main et me désigne de douces herbes parcourues d’un frisson sinueux.
— Prends garde au serpent !
Ce qui me prouva que nous étions bien au Paradis !
Le calme revient dans le Jardin et parmi les fleurs. Je regarde. J’admire. Je demande :
— C’est Dieu qui a semé tout ça ?

L’ouvrage de Frédérique Hébrard est partu aux éditions Plon.

Maman reste silencieuse avant de me dire qu’Il a été aidé par un Monsieur Fabre qui s’occupa de planter les arbres des Cévennes en un temps où elles étaient plus pelées que la Lune, et par un Monsieur Flahaut qui se chargea des fleurs du Jardin.
Maman est libre-penseur. Avec ferveur et piété. Mes parents sont ce qu’on appelle des protestants-sociologiques. Des protestants qui ne

vont plus au Temple mais restent protestants, comme des Juifs qui ne vont plus à la Synagogue restent enfants d’Israël pour l’Éternité.
Mes parents ne m’ont pas fait baptiser, mais ça, je ne le sais pas encore, je suis trop petite. J’apprends les Cévennes et je lis la Bible qui me parle de la Terre Promise que je connais bien. J’y vais toujours avec Mémé pour les vacances de Pâques. La Terre Promise se trouve près d’Anduze, là où Maman est née. Sur les bords du Gardon croît l’olivier, pousse la vigne, fleurit le laurier.
Le lait et le miel...Il y a des chèvres, des abeilles, des bergers... la Bible.

Papa, lui, me raconte l’épopée des ancêtres qui taillèrent le châtaignier, arbre de Vie, soignèrent le mûrier de Chine, arbre d’Espoir, montèrent la bonne terre à même leur dos, construisirent les traversiers ou bancels pour la retenir, ouvrirent les béals à flanc de montagne afin de semer le blé et le seigle en altitude. D’année en année, mon père m’ouvre de nouvelles portes, me révèle de nouveaux secrets.
— Tout à l’heure je t’emmène sur la Lune, me dit-il un jour d’été où nous avions pu constater depuis la table d’orientation de l’Observatoire à quel point la terre était ronde. Avant de descendre par la passerelle de fer qui tombe comme d’un grand mât de ce navire de haut bord qu’est l’Aigoual, il me dit :
- « Sylvas nubes ventos inter fulgura impavide student. »
Bien sûr je ne compris pas. Je n’avais pas encore étudié le latin. Alors il traduisit pour moi :
- « Sous la foudre ils étudient sans peur forêts, nuages et vents »."


Signature d’André Chamson de l’Académie Française




Le livre Les Cévennes, de la mer à la lune, est publié par les Editions Alcide, 2010.

Ecoutez aussi d'autres émissions autour d'André Chamson :
- Souvenirs de famille : André Chamson, de l’Académie française
- André Chamson par sa fille Frédérique Hébrard
- Frédérique Hébrard et son père, André Chamson
et sur le livre de la fille de Louis Velle et de Frédérique Hébrard :
- Soeurs Chocolat, de Catherine Velle

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