Redécouvrir Henri Bremond, de l’Académie française
Henri Bremond est l’auteur d’une monumentale Histoire littéraire du sentiment religieux en France, qui fait, en 2008, l’objet d’une anthologie judicieusement choisie par Jean Duchesne, interviewé dans cette émission par Damien Le Guay. Découvrez ce prêtre écrivain, fin lettré, poète, élu à l’Académie française en 1923.
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Enfin ! Ce monument qu’est l’Histoire littéraire du sentiment religieux en France de l’abbé Henri Bremond (1865-1933) est à nouveau accessible. Non pas les onze volumes in extenso mais une anthologie proposée judicieusement par Jean Duchesne.
Jean Duchesne, normalien-agrégé, intellectuel catholique, l’un des membres fondateurs de la revue Communio, enseignant, a dirigé une Histoire chrétienne de la littérature (Flammarion, 1996).
Pendant l’entre-deux-guerres, chacun des volumes de cette Histoire littéraire du sentiment religieux en France, attendu avec impatience, a nourrit des chrétiens soucieux d’en revenir au cœur de la religion, à cette vie intime avec Dieu. Et quoi de mieux que de s’appuyer sur ces écrivains mystiques qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles français, ont vécu de cette intériorité spirituelle ! Ainsi François de Salles, Pierre de Berulle, Vincent de Paul, Marie de l’Incarnation et beaucoup d’autres. L’histoire de la littérature les a oubliés. L’Histoire tout court les a rejetés. Il fallait ce prêtre-écrivain, un temps jésuite, de l’Académie Française, prit dans les tourbillons de la crise moderniste, pour les découvrir. Et pour ceux qui pensent que la France est seulement le pays de la Raison, lisez Bremond !
Henri Bremond : un parcours non conformiste
Il est né à Aix-en-Provence, le 31 juillet 1865. Fils d’un notaire d’Aix-en-Provence, il fit ses études au collège catholique de sa ville natale, puis chez les jésuites. Après avoir fait son noviciat en Angleterre, il fut ordonné prêtre en 1892. De retour en France, il enseigna plusieurs années à Dole, Moulins, Saint-Étienne et Lyon. À partir de 1894, il collabora régulièrement à la célèbre revue jésuite, Études. Son tempérament non conformiste le poussa cependant à quitter l’ordre en 1904, afin de se consacrer pleinement à ses travaux critiques et littéraires. Collaborateur régulier des Annales de philosophie chrétienne, du Correspondant, de la Revue des deux mondes et de la Revue de Paris, il s’imposa rapidement comme l’un des esprits les plus fins et les plus érudits de sa génération.
Les premiers ouvrages qu’il publia : L’Inquiétude religieuse (1901), Âmes religieuses (1902), Thomas More (1904), La Provence mystique au XVIe siècle (1908), Nicole (1909) traitaient essentiellement de questions touchant à la religion et à la spiritualité. Avec son Apologie pour Fénelon (1910), l’abbé Bremond entamait une série de travaux sur le sentiment religieux, à laquelle il allait consacrer une large partie de son existence, et dont le couronnement allait être sa monumentale Histoire littéraire du sentiment religieux en France depuis la fin des guerres de religion jusqu’à nos jours (1916-1936).
Poésie et prière
À partir des années 1920, ses recherches le portèrent vers l’étude de la poésie contemporaine. S’intéressant au romantisme (Pour le romantisme, 1923) et surtout au symbolisme, il écrivit alors de magnifiques essais (La poésie pure, 1926 - Prière et poésie, 1927), dans lesquels il s’efforçait de démontrer la dimension mystique de la poésie et son analogie avec une certaine forme de prière.
La grande école de la critique française
Par la qualité de son œuvre, l’abbé Bremond devait contribuer, au même titre que Ferdinand Brunetière, Émile Faguet, Charles du Bos ou encore Albert Thibaudet, à donner à la critique française du début du siècle ses lettres de noblesse, ce que l’Académie française reconnut, en l’élisant, par 17 voix contre 12 à Camille Jullian, le 19 avril 1923, au fauteuil de Mgr Duchesne qui semblait décidément voué aux ecclésiastiques. C’est Henry Bordeaux qui le reçut le 22 mai 1924.
Dans ses Mémorables, Maurice Martin du Gard a brossé un élogieux portrait du nouvel académicien : « C’était un professeur de belles et saintes lettres, un professeur de plaisir, le goût en personne, avec une passion littéraire effrénée ; vrai poète, sans avoir publié de vers ni même écrit ; s’en trouvait-il d’aussi capables d’aimer la poésie et de la faire aimer, dans cette assemblée sous le préceptorat de Boileau depuis des siècles ? »
Henri Bremond est mort le 17 août 1933.
L'ouvrage intitulé Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France est paru aux Presses de la Renaissance, 835 pages, en 2008.
Ecoutez également avec Jean Duchesne : Benoît XVI, cardinal Ratzinger, et la revue Communio