Jean Lurçat, une oeuvre foisonnante
Jean Lurçat fut un artiste peintre dont les tapisseries, à partir des années quarante furent connues dans le monde entier pour leur « feu ». Son ami Claude Roy disait de lui qu’il était le meilleur pilote de tapis-volant du monde : « ...Rien de ce qui est arrivé à Lurçat et rien de ce qui est arrivé à son pays n’a été absent de son oeuvre. Elle dit magnifiquement les jours de l’Histoire et les jours sans histoire... »
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Jean Lurçat
Jean Lurçat fut élu en 1964, à l'Académie des beaux-arts, au fauteuil XIV, à la suite de Jean Gabriel Domergue. Le nombre de membres de la section peinture ayant été réduit de 14 à 12 par le décret du 23 août 1967, Jean Lurçat n'a pas été remplacé.
Jean Lurçat (1892-1966) fut un peintre d'abord influencé par le cubisme puis par le surréalisme. Il s'est consacré à l'art de la tapisserie pour créer un style très personnel laissant libre cours à son lyrisme, sur des échelles parfois monumentales, sans pour autant abandonner la peinture. Passionné par la vie, les hommes, leurs souffrances et leurs joies, son œuvre tissée célèbre les héros de la résistance, la liberté, le ciel, les astres, les animaux et ceux de son propre bestiaire.
En 1937, Jean Lurçat s'intéressa à l'Apocalypse d'Angers, la plus grande tapisserie du monde tissée au XVe siècle, qu'il considérait comme l'un des plus grands chefs-d'œuvre de l'art occidental. Il en adopta les techniques médiévales pour ses créations.
Des années plus tard, la ville d'Angers, accueillit dans le Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine, l'œuvre maîtresse de Lurçat, Le Chant du Monde, réplique moderne de l'Apocalypse, où il exprime, à la fois, les menaces qui pèsent sur notre monde et la confiance qu'il place en l'homme. Dix tapisseries composent cet ensemble dont la dernière fut terminée après la mort de l'artiste.
Dans l'émission , Simone Lurçat raconte le travail et l'œuvre de celui dont elle partagea la vie à partir de 1944. Son ambition pour l'art de la tapisserie, son rapport aux autres, son goût du travail collectif. Elle évoque sa rencontre avec lui, dans le Lot, au cœur du maquis et les années heureuses passées à Saint Céré où Jean Lurçat avait construit un atelier à sa dimension, dans sa propriété des Tours Saint-Laurent.
Les livres d'artistes à l'honneur
Pendant quelques semaines du printemps 2007, les lecteurs de la bibliothèque de l'Institut ont pu admirer, dans les vitrines d'exposition, quelques livres d'artistes dont la plupart appartient à l'Académie des beaux-arts. Ces livres, réalisés par des académiciens aujourd'hui disparus, constituent un fonds particulier à l'image de la diversité des membres de l'Académie des beaux-arts.
Jean Lurçat a illustré de nombreux ouvrages de bibliophilie. Parmi les poètes et les écrivains, il choisit Walt Whitman, Philippe Soupault, Jules Supervielle, La Fontaine, Romain Rolland, Jean Giono et d'autres encore.
Trois exemples de ce travail sont présentés et commentés au cours de cet entretien par Simone Lurçat :
- La fable du Monde de Jules Supervielle, 34 lithographies originales de Jean Lurçat, Lausanne : André et Pierre Gonin, 1959, André Kundig imprimeur, 155 exemplaires.
- Domaine, textes et illustrations de Jean Lurçat, Pierre de Tartas, 1957, 16 exemplaires sur japon nacré et 110 sur Auvergne à la main du Moulin Richard de bas. Pierre de Tartas a réalisé pour un groupe de bibliophiles ce bestiaire dont les textes et les illustrations sont de Lurçat. «Jean Lurçat n'a pas reculé devant la considérable besogne de revenir, pinceau à la main, sur chaque planche, ajoutant selon son humeur, une ou plusieurs couleurs; voire même modifiant le dessin de la composition. Ainsi fut assuré à chaque exemplaire de cet ouvrage un caractère particulier et personnel».
- Animalités de Jean Giono et Jean Lurçat, Paris : Bernard Klein. Liés par l'amitié, les deux hommes ont dressé les portraits de figures animales et humaines comme La salamandre, Le serpent, Le tigre, Le cheval-bistrot, The bear, La pouffiasse, Le Minus, Le verrat maquereau, L'oiseau-bleu...
Sur l'avenir de la Fondation Jean Lurçat
Simone Lurçat, veuve de Jean Lurçat, a donné en 2002, une collection d'œuvres de son époux et une somme d'argent destinée au fonctionnement d'une future fondation qui sera abritée, 4 villa Seurat à Paris, dans le quatorzième arrondissement. Cette maison où l'artiste résida, fut construite par son frère, l'architecte André Lurçat. L'idée est de transformer cette villa en un petit musée afin que le public ait accès aux œuvres et archives que Jean Lurçat avaient conservées. La collection comprend des tapisseries créées entre 1925 et 1965, des peintures à l'huile, des gouaches, des dessins, des ouvrages de bibliophilie, des céramiques, des lithographies. Documentation, archives et correspondance de l'artiste avec les galeries, les ateliers, les pouvoirs publics seront aussi, rassemblées en ce lieu.
Dans un second temps, la Fondation pourrait devenir un centre de documentation de la tapisserie contemporaine, art que Jean Lurçat fit renaître de façon emblématique.
Mots de Jean Lurçat
La France et la Jeunesse
Extrait du discours de distribution des prix aux élèves du Lycée de Saint Céré 1964:
"Pourquoi tenterais-je, jeunes amis, durant les quelques minutes qui me sont accordées, de vous dissimuler qu'en 1964 la jeunesse, votre jeunnesse, c'est chose éminement inconfortale. Enivrante, passionnante, mais inconfortable parce que l'ère historique que nous vivons, que vous allez vivre vous, et dans ses prolongements, il faudrait être bien niais pour ne pas déceler dans cette ère présente, un bouillonnement, une irritation, une aspiration des peuples et des races vers un état de justice, de respect; vers un état de confraternité et un état d'alliance et de combativité pour instaurer sur toute la surface du globe une juste répartition des biens matériels et des armatures intellectuelles (...)
Chacun de nous tâtonne sur la surface de la planète; l'homme blanc qui se suppose encore "homo sapiens", et cependant calé et parfois assoupi au milieu de ses fiertés traditionnelles, de ses massacres innomables, de ses préventions intellectuelles et de sa gloutoneries des richesses; en face de cet homme blanc les hommes jaunes et noirs qui viennent, après tant de siècle de silence, de réapparaître sur la scène du monde. Et tous ces nouveaux candidats à la dignité s'égarent souvent mais progressent cependant. Car toute démarche en avant est faite de réussites et d'erreurs étroitement nouées et tressées.
Jeunes gens, ne vous laissez donc pas égarer ou distraire. Soyez attentifs à la conjoncture, à la marche des choses. Sachez, l'esprit en éveil, tanter de deviner et d'aider à dessiner les grands profils de votre destin.
(...)bonne chance jeunes gens, bonne chance jeunes filles; vous êtes chanceux, d'ailleurs vous vivez une aube!"
Pour en savoir plus
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- Musée Jean Lurçat de la tapisserie contemporaine, Ancien Hôpital Saint-Jean, Boulevard Arago à Angers.
- Sur la tapisserie d'Aubuson, cinq siècles d'histoire.
- Sur la Manufacture Tabard
- Gérard Denizeau et Simone Lurçat, Jean Lurçat, catalogue raisonné, Acatos, 1998.
- A Sienne, en Toscane, depuis le XVIe siècle, deux fois par an, les différents quartiers de la ville disputent une course de cheval, assez violente, dont les dates coïncident également avec des fêtes religieuses : c'est le palio qui emflamme les habitants comme les touristes venus assister à l'événement. Cette course a inspiré Le cheval bistrot , dans le livre que Jean Giono et Jean Lurçat ont signé ensemble : Animalités.