Un rossignol a fait Yvonne Printemps
Christophe Mirambeau propose une émission en hommage à Yvonne Printemps, interprète et muse de Sacha Guitry. Avec de nombreux extraits d’archives sonores inédits.
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Yvonne Printemps (1894-1977), figure multiple, portrait à mille facettes. Yvonne enfant, Yvonne début de siècle – premiers pas au music-hall, dans de lestes revues dont les couplets le sont autant. Une enfant à la voix déjà délicieuse, déjà ce joli nez en trompette qui va conquérir Paris, déjà ce corps gracieux et sensuel qui rend les hommes fous.
Yvonne années dix. L’Yvonne du Prince Charmant des Contes de Perrault, de Paul de Choudens, Arthur Bernède – l’auteur de Judex, Fantomas… - et Félix Fourdrain. Yvonne qui quitte les Folies Bergère, l’Olympia et les rôles de revue – pour un petit instant – et fait ses débuts au théâtre lyrique. Les auteurs ont remarqué la jeune artiste qui porte si bien le travesti dans une revue de l’Olympia. Justement, le rôle du Prince Charmant de ces Contes de Perrault semble n’avoir attendu que Mlle Printemps pour l’incarner. L’accueil est triomphal. La critique s’entiche de la jeune artiste, soudain révélée, après de prometteurs débuts à la revue, au monde du théâtre parisien, parlé et chanté. Le magazine Comoedia tresse des couronnes à Yvonne. Le critique Jox de Brux déclare dans Comoedia : « Un rossignol ne fait pas le printemps affirme un proverbe. Par contre , mademoiselle Printemps fait très bien le rossignol. Quelle voix pure, cristalline, si joliment timbrée, si adroitement conduite ! »
La petite Printemps est lancée. Elle est faite pour le théâtre et le théâtre est fait pour elle. Bientôt, le prestigieux théâtre du Palais Royal l’appelle. RIP a été engagé par Gustave Quinson pour écrire la « Revue 1915 ». La guerre a éclaté quelques mois plus tôt, et les soldats qui sont parti la fleur au fusil reviennent – quand ils reviennent – la « gueule cassée ». La Revue 1915 marque la réouverture des théâtres de l’arrière – pour reprendre le mot de Forain accompagnant son dessin : pourvu qu’ils tiennent ! – et le sujet de la revue est avant tout la guerre. Yvonne y paraît, y chante et y séduit, tantôt cantinière, tantôt soldat, tantôt arpète… mais déjà si parisienne.
Et puis, Sacha. Sacha qui découvre Yvonne – Sacha qui recherche des artistes pour sa première revue, co-écrite avec son grand ami Albert Willemetz. Alors, Guitry ouvre l’œil, et le bon, quant à savoir quels artistes seront de la distribution de sa prochaine première. Il y aurait, d’après la rumeur du métier, une « petite » pas mal au Palais Royal. Sacha tombe sous le charme de la môme Printemps. Il faut l’avoir ! sera le titre de la revue... L’avoir… la paix bien sûr. Mais aussi – maintenant que Sacha a fait sa connaissance… la belle Yvonne.
Yvonne vole de succès en succès. Après « Il faut l’avoir », Tout avance… comme le titre de la revue d’Albert Willemetz qu’elle joue au Gymnase quelques semaines après la fin de son contrat au Palais Royal, mais également comme la passion de Sacha pour la môme Printemps. Il est amoureux. Elle est amoureuse… mais elle est amoureuse de Guynemer. Passion dévorante de deux natures de feu, qui s’éteindra avec le décès du héros de l’aviation française, une histoire d’amour qui finit mal, mais baste, comme au théâtre, happy end obligé : Yvonne finit dans les bras de Sacha.
Yvonne Printemps, Mme Sacha Guitry n° 2 à la ville, héroïne des pièces et des revues de Sacha, mais également de ses opérettes. L’Amour Masqué, Mozart, Mariette, La Sadmp, Le Voyage de Tchong Li… les écrins qu’un auteur offre son artiste fétiche, son interprète rêvée, qui possède tous les charmes – dont celui de chanter à la divinité.
Sacha qui vénère son épouse – une Yvonne qu’il a également épousé pour qu’elle l’admire lui -, Yvonne adulée par le public, et devenue en quelques années le parangon, le modèle absolu et à suivre de ce qu’on appelle alors « la parisienne ». Yvonne au panthéon des gloires de Paris, dont elle est l’ambassadrice.
Divette d’exception, la gourmandise et la hardiesse artistique la conduisent à des expériences. Yvonne sait prendre des risques. Chanter les comédies musicales que Sacha lui écrit sur mesure, des comédies chantées brillantes, mises en musique par les meilleurs compositeurs du moment, n’étanche pas sa soif de plaisirs et découvertes artistiques. Yvonne essaie le concert. Avec brio, elle passe l’épreuve devant le tout Paris des mélomanes assemblés en mars 1928.
Au lendemain de sa séparation d’avec Sacha – Yvonne s’est envolée vers d’autres cieux aux bras de Pierre Fresnay – sa carrière, loin de s’arrêter, se diversifie encore. Noël Coward – le « Guitry anglais » - lui écrit sur mesure Conversation Piece. Yvonne triomphe de nouveau à Londres – sans Sacha. Le cinéma l’appelle, et elle y brille de tout son éclat. Peu de films, mais remarquables et remarqués : La Valse de Paris (Marcel Achard), La Dame aux Camélias (Abel Gance) et puis ces immortelles Trois Valses qu’Oscar Straus, Willemetz et Lemarchand lui taillent sur mesure aux Bouffes – Parisiens (1937) avant d’en faire un film culte.
Et puis, Yvonne, qui cesse de chanter en public – ou presque – au faîte de sa gloire, en 1938, pour ne jamais prendre le risque de déchoir.
C’est à une évocation de cette Yvonne chanteuse d’opérette et actrice de revue que vous convie cette émission-là, qui explore cet univers de théâtre musical qui ne fut pas pour peu dans la gloire de l’artiste, avec, notamment, des extraits d’interviews rares d’Yvonne Printemps, Marcel Achard, Albert Willemetz, etc… ainsi que des enregistrement d’époque et quelques reprises modernes des titres qu’elle a marqués de son sceau.
Vous pouvez aussi écouter les émissions consacrées à Sacha Guitry et la comédie musicale :
- Sacha Guitry et la comédie musicale (1/2)
- Sacha Guitry et la comédie musicale (2/2)
Retrouvez le sommaire de nos émissions Sacha Guitry, en partenariat avec la Cinémathèque française et la Bibliothèque nationale de France.