Alfred Foucher et l’Afghanistan, une archéologie militante dans les années 20
En 1922, l’indianiste Alfred Foucher (1865-1952) entre dans l’Afghanistan moderne naissant, quasi inconnu des Occidentaux, indépendant depuis peu. Le roi Amanullah, à la tête du tout nouvel État accorde à la France l’exclusivité des fouilles pour trente ans. Après son arrivée dans le pays, l’archéologue se lance sur les traces d’Alexandre le Grand sur le site de Bactres, "la mère des villes", où le passé prestigieux oscille entre histoire et légendes. Découvrez le déroulement de cette première mission archéologique à travers des archives en grande partie inédites, avec l’historienne Annick Fenet. Alfred Foucher sera élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1928.
À quoi ressemble l'Afghanistan, au lendemain de la Première Guerre mondiale, au temps du roi Amanullah (1919-1929) qui autorisa diverses prospections archéologiques sur les terres de son royaume à Bactres, Bamyan, Haîbak et autres, en privilégiant la France ? Comment les acteurs scientifiques, diplomatiques et politiques de l'époque se rencontrent-ils sur place, dans un pays somme toute objet de convoitises, surtout de la part du Royaume-Uni, sans cesse vigilant sur la délicate question du contrôle de la Route des Indes ?
La mission d'Alfred Foucher sur le terrain, entre 1922 et 1925, marque les débuts de l'archéologie dans ce pays avec la création de La Délégation archéologique française en Afghanistan, la DAFA, toujours existante.
L'Afghanistan, terre de carrefour des influences bouddhiques, grecques anciennes, perses et islamiques, reste un terrain de fouilles privilégié pour les archéologues d'hier et de demain. Citons le seul exemple de Bactres, (Balkh), ville du nord du pays, mentionnée depuis Darius 1er , siège du zoroastrisme, grand centre de diffusion du bouddhisme, puis de l'hellénisme après le passage d'Alexandre le Grand.
La correspondance personnelle, intime de l'orientaliste, indianiste, historien de l'art Alfred Foucher, membre de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres à partir de 1928, éclaire d'un jour nouveau les travaux des savants orientalistes qui travaillaient alors dans des conditions souvent extrêmes avec des moyens qui nous apparaissent aujourd'hui dérisoires. L'auteur de
La vieille route de l'Inde de Bactres à Taxila (1942-1947, Mémoires de la Délégation archéologique française en Afghanistan, t. I et II) et de L'art gréco-bouddhique du Gandhâra (1905), a eu une abondante correspondance. Ses archives comptent plus de 10 000 brouillons de lettres de sa plume et de la main de son épouse, et 2600 lettres reçues. Réservant la teneur de ses travaux scientifiques à l'Académie, ses lettres relèvent davantage de ses rapports avec ses collègues, confrères ou sa femme qui fut sa collaboratrice précieuse.
Annick Fenet dans son ouvrage Documents d'archéologie militante. La mission Alfred Foucher en Afghanistan (1922-1925) avec un avant propos de Paul Bernard, présente 335 lettres croisées concernant la mission de l'indianiste, ainsi qu'un texte inédit sur la Convention archéologique franco-afghane, ne formant qu'une partie de l'immense fonds de cette correspondance, fonds abrité à la Société Asiatique. Historienne des sources antiques, auteur d'une thèse sur Les divinités olympiennes et la mer. Espaces et cultes, elle a effectué le catalogage des archives personnelles d'Alfred Foucher, à la demande de l'académicien Paul Bernard. Cette édition critique et commentée sur cette mission d'Alfred Foucher accompagné de sa femme pour la circonstance, éclaire aussi sur les intentions du gouvernement français qui avait alors envoyé Alfred Foucher avec la mission d'établir la première représentation diplomatique en Afghanistan. Il devait également préparer l'arrivée d'enseignants sur place et organiser les fouilles archéologiques en créant la DAFA. L'historien d'art s'est ainsi fait archéologue et diplomate.
L'ouvrage abordent sept thèmes :
- une présentation technique du fonds A. Foucher ;
- les structures institutionnelles à l'origine de la DAFA (le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Instruction publique, l'Académie des inscriptions et belles-lettres, d'autres sociétés savantes) ;
- le rôle de l'indianiste Émile Senart, maître d'Alfred Foucher ;
- les conditions de vie du couple Foucher sur place ;
- la conception de la mission archéologique selon A. Foucher et les rapports qu'il entretient avec les autres français présents en Afghanistan (professeurs du collège franco-afghan, membres de la nouvelle ambassade) ;
- l'écho de ses recherches en Europe et de ses livres, pendant sa mission et à son retour en France ou à l'étranger lors de ses conférences ;
- le retour à la vie universitaire française et la genèse de son ouvrage phare La vieille route de l'Inde de l'Inde à Bactres durant les années sombres de la Seconde Guerre mondiale.
Cette étude permet de se faire une idée des objectifs scientifiques assignés aux savants de l'époque, au premier rang desquels figurait la recherche de la colonisation grecque à Bactres. Longtemps ignorées, ces archives livrent les pensées de ces acteurs de la première heure, de manière libre et spontanée. La correspondance entre Émile Senart et Alfred Foucher témoigne d'un lien d'attachement mutuel réciproque entre maître et disciple, loin de la politique des décideurs à Paris et dans les chancelleries. Sont ainsi livrés au fil des lettres, leurs réactions devant les découvertes, leur enthousiasme et parfois leur découragement. Cette édition critique montre la genèse de La vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxilla qui demeure une grande référence d'Alfred Foucher. Pourtant, sur le terrain, l'archéologue n'a pas trouvé les éléments qui puissent attester des origines de l'art du Gandhâra, métissage des traditions grecques et indiennes dont il est le spécialiste.
Pour en savoir plus
- Biographie d'Annick Fenet sur le site de la MAE (université Paris Ouest)
- Annick Fenet, Documents d'archéologie militante, La mission Foucher en Afghanistan (1922-1925), avec un avant-propos de Paul Bernard, Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, tome 42
- [Présentation du livre sur le site de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
- Pour se procurer cet ouvrage :
- Librairie De Boccard, 11 rue de Médicis 75006 Paris
Tél. 01 43 26 00 37 ; Fax : 01 43 54 85 83
- Site de la librairie De Boccard
- Courriel : deboccard@deboccard.com
- Présentation du livre sur le site de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
- Société Asiatique, société savante née en 1822
- DAFA, Délégation archéologique française en Afghanistan
- Plusieurs des membres actuels de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres présentent des liens directs avec l'indianiste Alfred Foucher.
- Jean-Sylvain Filliozat, indianiste et orientaliste, vice-président de la Société Asiatique, a connu Alfred Foucher. Jean-Pierre Mahé préside la Société Asiatique qui conserve le fonds Alfred Foucher parmi ses riches collections patrimoniales. L'helléniste Paul Bernard, à l'origine de cette édition critique, a dirigé la DAFA de 1965 à 1980.
Sur Canal Académie
- Pierre-Sylvain Filliozat sur L’Inde d’Alfred Foucher
- Olivier Picard> sur
- Paul Bernard sur Alfred Foucher et Daniel Schlumberger, archéologues en Afghanistan
- Hélène Renard et Marianne Durand-Lacaze -La Société Asiatique