Capturer et stocker le CO2 sous terre
Une des solutions envisagées pour lutter contre l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère consiste à capturer le gaz carbonique émis par des sites industriels, et à le stocker dans des formations géologiques profondes. Mais quelles seront les conséquences à long terme, sur un plan à la fois géologique, environnemental et économique ? Éléments de réponses avec Alain Bonneville, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris.
Capter le CO2 est une mesure qui semble devenir petit à petit indispensable.
Les experts prévoient en effet une augmentation de la température moyenne de 6,3°C, avec des bouleversements brusques.
Si la concentration des gaz à effet de serre est stabilisée, ces émissions augmenteront encore pendant quelques années, compte tenu de l’inertie du système climatique. Il faudra donc s’attendre à ce que les efforts ne soient pas récompensés tout de suite !
Comment faire ? En piégeant et en stockant le CO2 sous terre, vous répondront les industriels...
Cela ne reviendrait-il pas à « cacher les poussières sous le tapis » ?
À vous de voir et de vous faire votre propre opinion en écoutant les explications du scientifique ! Sa position est totalement indépendante des groupes pétroliers et autres industries chimiques.
Quelques éléments pour mieux comprendre l'enjeu de telles dispositions :
Au peloton de tête des industries qui émettent le plus de CO2, on retrouve tous les groupes pétroliers, les aciéries (1,8 tonne de CO2 pour produire 1 tonne d’acier) et les fabricants de ciment (0,9 tonne de CO2 pour produire 1 tonne de ciment).
En France, le stockage du CO2 sous terre n’est pas si récent, il existe depuis 1996.
Les zones de stockage propices sont :
- Le bassin parisien
- Le bassin aquitain
- Le bassin sud–est de Montpellier à Marseille
- La mer Méditerranée, côté Corse et Sardaigne
Par ailleurs, depuis 2008, et pour une période de deux ans, 150 000 tonnes de CO2 doivent être injectés sous terre à la place d’un gisement de gaz naturel épuisé. Il s'agit du bassin de l’Acq, sud-ouest de la France.
Le marché du transport et du stockage géologique est en pleine expansion (société UCLOS et GEOGREEN).
Où stocker le CO2, d'un point de vue géologique ?
- Sous forme dense, le gaz carbonique peut être stocké dans les pores de roches calcaires ou gréseuses. Injecté au-delà de 800 mètres, il peut se transformer à long terme en minéraux carbonatés.
- Dans les aquifères (nappes phréatiques très profondes à l'eau salée supérieure à la salinité de l'eau de mer). Le CO2 se dissout alors dans l'eau.
- Le stocker dans les veines de charbon inexploitées.
Parmi les risques,
- une possibilité de fuite ;
- une réaction géochimique de dissolution ou de précipitation de minéraux.
Que font nos voisins ?
La Norvège :
Depuis 1996, il existe le site de Sleipner en mer du Nord : c’est la première opération industrielle de stockage géologique à des fins environnementales. La zone de stockage est un gisement de gaz naturel, qui contient du méthane mais aussi du CO2.
L'Allemagne :
Depuis 2006 le pays dispose d'une centrale qui produit de l’électricité et capte également du CO2.
L'Ecosse :
Un projet en 2010 de 495 millions d’euros consisterait en une « usine » qui utiliserait du gaz naturel pour le convertir à la fois en hydrogène et en CO2. Le gaz carbonique serait utilisé pour améliorer l’extraction de pétrole à plus de 4 km de profondeur (augmentation de la production de barils de 40 millions sur 15-20 ans).
Le Canada :
Le site de Weyburn combine à la fois stockage du CO2 et récupération assistée de pétrole. À terme l'entreprise devrait stocker 20 millions de tonnes de CO2 tout en produisant 130 millions de barils supplémentaires...
Sous couvert de préoccupations environnentales, certains géants industriels cherchent avant tout une solution pour puiser toujours plus de pétrole.
Parallèlement à cela, le réchauffement climatique est une tragique réalité à laquelle, faute de mieux, le stockage du CO2 sous terre semble être la solution « du moins pire » ; gardons en tête que cette pratique reste une solution d'urgence, et non la réponse adéquate à la pollution atmosphérique dont nous sommes responsables.
Alain Bonneville est géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris où il dirige le Laboratoire de géosciences marines.
Organisée par le Bureau des longitudes, cette conférence ouverte au public s'est déroulée le 4 juin 2008 à l'Institut de France.
En savoir plus :
- Alain Bonneville
- Institut de physique du globe de Paris
- Bureau des longitudes
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