La compétitivité de la maison France en question
Le rapport Gallois ou la compétitivité de la maison France en question : tel est le thème du nouveau rendez-vous du Cercle Turgot. Invités à débattre sur la théorie économique du "choc", à l’épreuve de la doctrine gouvernementale, les économistes Pierre Sabatier et François Meunier délivrent leur vision et quelques axes de réflexion pour mieux comprendre des critères essentiels à un dynamisme français.
Cette émission a été enregistrée le 25 octobre 2012.
Le thème de la compétitivité, oh combien douloureux pour notre politique industrielle et les équilibres de nos échanges extérieurs, est en passe de rejoindre celui des 35 heures par les passions et les postures dogmatiques qu'il paraît devoir susciter, tant dans les rangs de la majorité gouvernementale, que, dans une moindre mesure, au sein de l’opposition partagée entre CSG et TVA sociale. C’est dire que l'histoire ne fait que commencer.
Le paroxysme vient d'être atteint avec les propositions – supposées – du rapport Gallois, commissaire général à l’investissement, récemment investi d'une mission de réflexion présentée par avance comme incontestable. En tant que grand patron (EADS, SNCF) et porteur des idées de gauche.
Celui-ci, compagnon de route de Jean-Pierre Chevènement dont il fut le ministre de la recherche et de la défense, a dû, à la demande des plus hautes autorités de l’Etat, différer à plusieurs reprises la communication de ses conclusions au point que de report en report d’incarner une nouvelle arlésienne.
Le chef de l'état lui-même a fait connaitre sa déception et ses réserves sur un rapport dont les « conclusions n'engagent que son auteur. » Tandis que les ministres de concert dénonçaient par avance les «erreurs stratégiques que pourraient représenter la mise en œuvre d’un choc de compétitivité» pour la croissance et le pouvoir d’achat avec une récession assurée, bien plus qu'avec une hausse des prélèvements obligatoires.
Que proposait, en synthèse, Louis Gallois ?
- 3 milliards de baisse des charges sur les entreprises (20 patronales, 10 salariales pour les salaires allant jusqu'à 3,5 fois le SMIC, c'est à dire supérieur aux propositions du précédent gouvernement), financée par une hausse d'un mélange CSG-TVA et d'une réduction des dépenses publiques.
- Se heurtant à «un lobbying fort des économistes keynésiens», selon ses propres confidences, Louis Gallois avait pourtant proposé simultanément des mesures susceptibles de recueillir le soutien de syndicats en visant à leur donner des voix délibératives dans les conseils d'administrations des entreprises et après avoir beaucoup consulté dans le camp patronal dont il est issu.
Mais rien n'y fait. Ces propositions semblent se heurter à une doctrine économique gouvernementale, ou pire à ses absences et ses fluctuations.
Lorsque l’on croit savoir de surcroît que ses propositions étaient accompagnées d'un plaidoyer pour l’exploitation du gaz de schiste, on comprend que son auteur puisse apparaitre comme un hérétique.
Devant le malaise entrainé par ce revirement et les « couacs de communication » en dépit d'une manœuvre coordonnée de l'exécutif pour enterrer le principe d'un indispensable « choc » de compétitivité, l'exécutif (Jean-Marc Ayrault) affirme que celle-ci ne se résume pas à la baisse des charges salariales et que l'un des facteurs majeurs est l'innovation.
Aussi parle-t-on plutôt de « trajectoire de compétitivité » doux euphémisme pour dire qu'il faut donner (encore) du temps au temps.
Y a-t-il un vrai problème de compétitivité en France. D'où cela vient-il ?
- Le coût du travail et de la productivité avec en filigrane les 35 heures. Une étude récente de la Coface semble attester cette thèse.
- L'insuffisance de recherche et développement de l'innovation de nos entreprises qualifiés de «hors coûts».
- L'insuffisance d'entreprises intermédiaires, les ETI.
Faut-il agir sur l'offre ou la demande et comment s’y prendre tant en France qu'en Europe pour produire de la croissance juste ? Quelle fiscalité pour quel forme de «consensus social» ? Le temps de la production doit-il succéder au temps de la consommation ? Peut-on encore attendre et quels sont les risques encourus pour la crédibilité économique et financière du pays, face aux marchés qui resteront peut-être plus longtemps patients et observateurs ?
Les économistes du Cercle Turgot apportent au micro de Jean-Louis Chambon leurs éléments de réponse.
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