Envisager et dévisager la beauté, par François Cheng, de l’Académie française
Au fil de ses nombreuses activités, la poésie, la calligraphie et surtout l’écriture, François Cheng, de l’Académie française, explore la beauté partout où elle surgit. Mais si celle-ci reste un mystère, il souligne aussi combien l’existence du mal est l’autre mystère de notre existence. Réfléchir et méditer sur la beauté et le mal avec François Cheng : un moment rare, une sorte de cadeau de Noël... Merci, monsieur !
La première diffusion de cette émission a eu lieu fin décembre 2010. Rappelons que le texte ci-dessous est un résumé de la conférence donnée par F. Cheng.
Dans son apparition, la beauté semble un mystère. A la fois unique, observable par tous, chacun en a l’expérience. D’une émotion commune, elle reste cependant entièrement subjective. D’un vol d’oiseaux, d’un défilé de nuages, de fleurs anonymes, ou d’un rayon de soleil, la beauté se lit comme un luxe exclusif, en ce sens qu’elle n’est pas indispensable à la vie. L’univers peut fonctionner sans la beauté, ainsi qu’un monde de robots, où chaque être serait interchangeable.
Mais, ce qui fait de la vie une aventure, réside dans la singularité, la complexité et les différences de chaque être. Chacun se sent habité par une capacité à la beauté et surtout au désir de voir, sentir, toucher la beauté. Quand celle-ci se manifeste, dans la « fulgurance de son élan », elle suscite perception, attirance et exaltation.
Le mot "sens" illustre cette idée du pouvoir d’attraction de la beauté. S’attachent aussi les notions de sensation, direction et signification. La beauté a le don de provoquer en nous les ressentis les plus forts et les plus immédiats, qu’ils soient charnels ou émotionnels. D’instinct, la beauté absorbe. En la suivant, l’individu prend une direction, et donne une signification à son existence.
« La beauté est fondamentale dans la mesure où elle participe aux fondements de notre existence et de notre destin. »
Pourquoi l’univers recèle-t-il de la beauté ? Dès l’origine, la matière contenait en elle-même, une promesse de beauté, apte à aboutir à ces ciels étoilés, ces visages émouvants. Pour autant, que devient la beauté, lorsqu’elle séduit à des fins machiavéliques, qu’elle trompe, entraînant mort et destruction ? Est-ce toujours l’œuvre de la beauté ou est-elle pervertie par la laideur ?
François Cheng entend distinguer l’usage et l’essence de la beauté. Quelle est l’essence de la beauté ? Hormis la beauté formelle de la nature, la beauté physique symbolisée par le culte grec du corps, l’avènement de l’homme, à l’époque baroque, éveille l’idée de beauté de l’âme. Afin de surmonter les conditions tragiques de notre destin, de dépasser les contradictions entre soi et autrui, l’homme affine ses qualités morales et spirituelles. L’empathie, la générosité, la compassion, la miséricorde, l’amour témoignent de la beauté du cœur. Révélées en beaux gestes, ces qualités morales sauvent l’humanité. Les saints de la religion chrétienne, ou encore les artistes, qui dévisagent la beauté, sont les preuves de l’existence de cette beauté de l’âme, et des dons bienfaisants qu’elle procure.
« Tout visage humain quand il est habité par la bonté est beau »
En ce sens, beauté et bonté s’accordent parfaitement ce qui fait déclamer à François Cheng que « la bonté est garante de la qualité de la beauté. La beauté, elle, irradie la bonté et la rend désirable »
Quelques phrases encore...
- Dans notre condition humaine, nous pourrions nous considérer comme une sorte de moisissure mais capable d’émotion, imagination, transmission.
-Par la beauté l’homme tend à la plénitude de notre existence au monde
-Bergson disait : « Le degré suprême de la beauté est la grâce mais par le mot grâce on entend aussi la bonté car la bonté suprême c’est cette générosité d’un principe de vie qui s’étonne indéfiniment
-L’art nous fait pressentir l’éternité de la vie
-L’Homme est le cœur battant et l’œil éveillé de l’Univers vivant et non un être déraciné éternellement solitaire qui dévisage l’univers de l’extérieur, si nous sommes capables de penser l’Univers c’est que l’Univers pense en nous, peut-être notre destin fait-il parti d’un destin plus grand que nous, alors l’Univers prend sens et nous avec lui.
Le conseil de François Cheng, lors de cette conférence au collège des Bernardins, le 19 novembre 2010 :«Il faut sauver les beautés qui sont faites et nous serons sauvés avec»!
En savoir plus :
- [François Cheng de l'Académie française->
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/les-quarante-aujourdhui]
- Collège des Bernardins
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