André Vacheron, cardiologue humaniste
La carrière du cardiologue André Vacheron est indissociable de l’histoire de la médecine et de ses avancées technologiques. Au cours de cette émission, il revient sur sa rencontre avec Jean Bernard et Jean Di Matteo et sur l’arrivée des nouvelles techniques de réanimation et de la médecine nucléaire. La dernière partie de l’émission est consacrée à l’augmentation des accidents médicaux et la judiciarisation de la médecine, thème sur lequel travaille actuellement André Vacheron. dimanche 16 mai 2010 - réf. HAB587
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André Vacheron grandit à Dourges dans le Nord-Pas-de-Calais. Son père, ingénieur des mines, y dirige la fosse numéro 7. L’enfant d’alors garde de bons souvenirs de cette époque d’avant guerre : « Je descendais tout petit au fond de la mine avec l’équipement de mineur. Je visitais les galeries en compagnie de mon père, qui partait tous les jours à la rencontre des miniers. Il était d’ailleurs très apprécié et respecté pour cela », se souvient-il.
Mais lorsque la Guerre éclate en 1939, le chef de famille décide très rapidement de déplacer sa femme et ses enfants dans un petit village d’Auvergne. « Mon père avait vécu une partie de la guerre de 1914, il voulait à tout prix nous éviter ses horreurs ». André Vacheron reste deux ans dans le village, scolarisé à l’école communale. Puis c’est le retour à Paris, alors que sonne le temps de l’Occupation. « Mon père avait quitté les mines du Nord. Il ne voulait pas travailler sous les ordres des Allemands. À Paris, il a accepté un poste d’ingénieur à la direction de la sidérurgie ». André Vacheron entre pour sa part au lycée Voltaire en 1942 et obtient son bac à 17 ans.
Pendant un temps, il songe à entrer à l’École navale, mais sa mauvaise vue le disqualifie aux concours d’entrée. Il opte alors pour la médecine.
La première année est difficile : « À la sortie de la Seconde Guerre mondiale les enfants n’étaient pas bien nourris, les gens avaient besoin de soins. Les stages hospitaliers occupaient toutes les matinées, les cours, tous les après-midi ». L’année de médecine est validée pour le jeune étudiant, mais touché par une tuberculose pulmonaire, il est envoyé au sanatorium de Saint-Hilaire. « Je n’ai pas baissé les bras, j’ai passé mes trois années de médecine là-bas et je suis revenu à Paris en 4e année de médecine ».
Fragilisé par la maladie, on lui prédit un avenir de médecin de sanatorium mais André Vacheron conteste ! Il met les bouchées doubles dans les études. Parmi, les concours, il prépare celui de l’internat des hôpitaux de Paris. À la fois sélectif est prestigieux, l'admission à ce concours ouvre la voie royale du professorat. En 1959, il fait partie des 180 reçus parmi les 1888 candidats.
La rencontre de Jean Bernard et de Jean di Matteo
C'est ainsi qu'André Vacheron entre dans un internat pluridisciplinaire, changeant de service tous les 6 mois. C’est à ce moment-là qu'il rencontre sa femme. C’est aussi à cette période qu'il rencontre Jean Bernard et Jean di Matteo, respectivement les papes de l’hématologie et de la cardiologie.
« Jean Bernard m’a appris à développer la rigueur du raisonnement, la hiérarchisation des problèmes et l’attention à l’autre, les gestes qui réconfortent, les mots qui redonnent espoir. Il visitait tous les malades et j’ai appris à faire de même, même quand j’étais devenu le chef d’un service de 71 lits à Necker. Il m’a appris à recevoir les familles, à dialoguer avec les patients, à recevoir les confidences. Il avait une formule choc : « Le grand malheur pour un malade, c’est d’être soigné par un médecin ignorant ». Un vrai médecin doit être un humaniste, pas seulement un technicien. »
Une autre personne scelle le parcours d’André Vacheron, Jean di Matteo : « C’est lui qui m’a transformé en cardiologue. Il avait été formé par Charles Laubry et Pierre Soulier. Je l'ai rencontré alors qu’il était le patron d’un petit service, celui des bains-douches à l’Hôtel-Dieu. Même s’il n’était pas encore professeur à l’époque, son ouverture d’esprit, son intelligence m’ont décidé à le suivre. Il m’a appris la clarté et la concision, deux éléments qui permettent la transmission de la connaissance ».
C’est ainsi qu’André Vacheron devient cardiologue et crée un service de cardiologie à Necker avec Jean di Matteo. Entré en 1964 à Necker comme interne, il devient petit à petit une étoile montante de la médecine cardiaque.
En 1970 il obtient la chaire de cardiologie de l’université René Descartes et succède à Jean di Matteo en 1981. Il a 41 ans lorsqu’il devient agrégé. Pendant 18 ans, il conçoit de nouvelles unités et de nouveaux laboratoires. Il ouvre à Necker une unité de réanimation de 13 lits et le succès arrive vite : « Le SAMU nouvellement créé nous apportait les infarctus, les syncopes en insuffisance cardiaque. Nous avons développé toutes les techniques de réanimation avec les chocs électriques, la défibrillation, les pacemakers. Nous avons sauvé des gens, des cœurs qui étaient trop bons pour mourir ».
Les techniques d’exploration évoluent aussi. On réalise les premières radiographies des coronaires, on dilate les artères coronaires rétrécies, tout cela s’accompagnant d’une activité de recherche. Jean di Matteo est à cette époque l’un des pionniers de la cardiologie nucléaire avec l’arrivée de la scintigraphie et de l’échographie cardiaque par ultrasons.
Prévenir les insuffisances cardiaques, les hypertensions et les infarctus
Parallèlement à ses activités de cardiologue, André Vacheron préside de 1987 à 1991 la Fédération française de cardiologie, institution qui a en charge la prévention des maladies cardiovasculaires.
« Nous nous sommes battus contre les quatre bourreaux du cœur : le tabac, le cholestérol, l’hypertension artérielle et la sédentarité ».
Mais il y a encore du pain sur la planche pour que ces conseils simples soient pris sérieusement en compte pour beaucoup de patients. Cependant, le cardiologue ne croit pas en la peur comme vecteur de prévention : « J’explique à mes patients les risques qu’ils encourent, que les taupinières de graisses risquent de se déposer dans leurs artères et que l’hypertension non traitée quotidiennement risque de provoquer un accident cérébral. Maintenant il m’arrive d’être plus dur avec les cas récalcitrants, comme ceux qui viennent me voir pour des problèmes cardiaques et continuent de fumer. Sachez que le tabac tue la moitié de ses adorateurs ».
Autre fer de lance d’André Vacheron : la sécurité alimentaire, sujet sur lequel revient le cardiologue au cours de l’émission.
Enfin, depuis plusieurs décennies, André Vacheron s’intéresse plus particulièrement aux accidents médicaux des professionnels de santé ; dans le viseur, les anesthésistes, les chirurgiens et les gynécologues obstétriciens. « En France, par an, on estime que 150 000 accidents graves et évitables surviennent lors d’un séjour hospitalier. Pire, il y aurait plus de 10 000 morts !
Il faut distinguer deux choses dans les accidents : l’aléa thérapeutique où le médecin n’est pas fautif, et l’erreur active, liée à une défaillance humaine (surdosage, administration d’un mauvais médicament, mauvaise poche de sang). Dans ce dernier cas, ce sont plusieurs maillons de la chaîne de santé qui sont en cause.
Parallèlement, on observe une judiciarisation croissante des sinistres. Auparavant la famille n’attaquait pas le médecin. Aujourd’hui, les choses ont changé, les magistrats frappent de plus en plus forts les médecins. Dans certaines spécialités, comme la gynécologie obstétrique, les professionnels de santé paient désormais des assurances de l’ordre de 20 000 à 30 000 euros par an ».
Écoutez les détails de la carrière du professeur André Vacheron, membre de l'Académie nationale de médecine, membre de l'Académie des sciences morales et politiques.
En savoir plus :
- André Vacheron, membre de l'Académie des sciences morales et politiques
- André Vacheron sur Canal Académie
- Fédération française de cardiologie (prévention)
- Société française de cardiologie
- la FCD, Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution