Danièle Sallenave : ses prédécesseurs sur le 30 ème fauteuil de l’Académie française
Quels furent les prédécesseurs de Danièle Sallenave sur le 30e fauteuil de l’Académie française ? Ils ne furent que 15 puisqu’elle en est le 16e titulaire, et seulement quelques uns d’entre eux sont restés célèbres. Découvrez-les grâce à Mireille Pastoureau qui établit, pour chaque nouvelle élection à l’Académie, un document offrant une courte biographie de chacun des académiciens du fauteuil.
1. Honorat de BUEIL, seigneur (dit marquis) de RACAN (1589-1670). Admis à l’Académie française dès 1634.
Plus connu sous le simple nom de « Racan », il était issu d'une ancienne famille de la noblesse tourangelle. Son père trouva la mort au service d’Henri IV. Le jeune orphelin fut élevé par son cousin, le comte de Bellegarde, grand écuyer de France. Nommé page à la Chambre du roi, il n’avait, dit-on, guère d'atouts pour briller à la Cour. Selon Tallemant des Réaux, il était "mal fait", avait "la mine d'un fermier », était mal soigné et très distrait ; il bégayait et avait un défaut de prononciation qui lui faisait prononcer les -r- comme des -l- et les -c- comme des -t- : “Je suis Latan, page de la Chamble d'Henli Tatlième”.
Racan conserva longtemps une image de naïf et de maladroit. Tallemant des Réaux, dans ses Historiettes, rapporte plusieurs anecdotes au sujet de sa distraction ; il aurait notamment plusieurs fois donné l'aumône à des amis, « les prenant pour des gueux ».
Racan aimait avant tout faire des vers et le grand événement de sa vie fut sa rencontre avec François de Malherbe que le roi attacha en 1605 au service du duc de Bellegarde. Le jeune Racan devint l’élève du grand Malherbe (1555-1626), maître de la langue française et poète officiel de la Cour. En souvenir de cette longue amitié, Racan consacra plus tard des Mémoires à son maître (1672). Il choisit la carrière des armes par tradition familiale, mais il n’y brilla pas et fut heureux de quitter définitivement l’armée en 1639. Il résidait principalement dans son château situé « moitié en Touraine, moitié en Anjou », qu’il reconstruisit entièrement en 1636. Une fois les travaux achevés, il obtint une déclaration du roi par laquelle cet ancien château de La Roche-au-Majeur s'appellerait désormais La Roche-Racan.
C’est là qu’il composa un long poème encore célèbre aujourd’hui, Stances sur la retraite, alors qu’il n’avait que trente ans. Il y vante les mérites d’une vie simple à la campagne, loin du tumulte et des intrigues de la Cour.
Stances. « Tirsis il faut penser à la retraite/ La course de nos jours est plus qu’à demi faite/ L’âge insensiblement nous conduit à la mort/ Nous avons assez vu sur la mer de ce monde/Errer au gré des flots notre nef vagabonde/ Il est temps de jouir des délices du port…
- lire la suite sur le site de la Bibliothèque de l'Institut de France, rubrique Actualités : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
2. Abbé François-Séraphin RÉGNIER-DESMARAIS (1632-1713). Élu en 1670 et secrétaire perpétuel en 1683.
Né à Paris, Régnier-Desmarais fit ses études chez les chanoines de Sainte-Geneviève, puis au collège de Montaigu. En 1662, il accompagna à Rome le duc de Créqui, ambassadeur de Louis XIV, comme secrétaire d'ambassade chargé de la correspondance italienne. Il prit alors une grande part à la négociation de "l'affaire des Corses". De retour en France, il sollicita, en récompense des services rendus en Italie, une pension royale, et obtint le Prieuré de Grammont. Cette faveur l'amena à prendre l'état ecclésiastique.
Sa connaissance des langues étrangères le fit élire à l’Académie en 1670, sans qu’il eût encore rien publié. Il devint le troisième secrétaire perpétuel, nommé en 1683, à la mort de Mézeray, et fut chargé de défendre les droits de l’Académie dans l’affaire Furetière. Il participa à la rédaction et à l'édition du Dictionnaire de l'Académie, qui avait pris du retard et parut enfin en 1694. Il fit paraître en 1705, indépendamment de l’Académie, un Traité de la grammaire françoise, lequel tente de présenter une synthèse des connaissances grammaticales du XVIIe siècle, mais n'innove guère par rapport aux grammaires qui l'ont précédé.
Son discours de réception n’a pas été conservé. Il avait été surnommé l’ «abbé Pertinax» à cause de son amour pour la dispute. Régnier-Desmarais a laissé par ailleurs des poèmes en français, en italien, en espagnol et en latin dont les deux livres de la divination de Cicéron.
3.Bernard de LA MONNOYE (1641-1728). Élu en 1713. Poète, philologue.
Né à Dijon, où il résida jusqu’à l’âge de 66 ans, Bernard de la Monnoye fut élève des Jésuites où il se distingua par ses dons littéraires. Il accepta d’étudier le droit, comme le voulait son père avocat et débuta au parlement de Dijon en 1662, mais prétexta des ennuis de santé pour se consacrer entièrement à la littérature.
Il fut le premier lauréat de l’Académie pour le prix de poésie en 1671, sur le thème de l’abolition du duel, poème que Voltaire considérait comme un chef d’oeuvre. Il obtint encore ce prix avec la Gloire des armes et des lettres sous Louis XIV, l'Education du Dauphin, les Grandes choses faites par le roi en faveur de la religion. Il triompha cinq fois en tout et le bruit courut que ses juges l'avaient fait prier de s'abstenir désormais du concours, dont sa supériorité écartait trop de rivaux. Les titres de ses vers confirment l’appréciation portée par Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, dans son ouvrage récent sur la compagnie ( Des siècles d’immortalité. Paris, Fayard, 2011, p. 55) : « le concours de poésie offrit aux poètes l’occasion de rivaliser de flagornerie ... »
La Monnoye avait une réputation d’excellent philologue ; il connaissait parfaitement le latin et le grec, l’italien et l’espagnol, ainsi que le patois bourguignon. Il traduisit en latin son poème du Duel, affirmant qu’il préférait cette forme à l'original. Les Noëls bourguignons qu’il publia sous un pseudonyme connurent un grand succès dès leur apparition. Pour contredire les détracteurs qui critiquaient sa connaissance imparfaite de ce dialecte, il composa aussi un Glossaire des mots bourguignons les plus difficiles à entendre. La Monnoye choisit le pseudonyme de Guy Barôzai, dénomination par laquelle on désignait les riches vignerons de la Cote, porteurs de bas à coins de couleur rosé. Le nom de l’imprimeur, Abran Lyron de Modene est, lui aussi, imaginaire. Ce livre eut au moins 14 éditions, certaines contenant de la musique imprimée.
Les 40 fauteuils
Son élection à l’Académie, à l’unanimité, offrit une particularité intéressante car elle est à l’origine des « fauteuils ». Trois cardinaux, membres de l'Académie, souhaitaient lui donner leur suffrage, mais, dans les assemblées, le directeur, le chancelier et le secrétaire avaient seuls des fauteuils. L’étiquette faisait à leurs éminences une loi de ne point se confondre avec la foule sur des sièges inférieurs, ce qui les empêchait d'assister aux séances et de donner leurs voix à leur protégé. Louis XIV leva cette difficulté, en faveur de l'égalité académique, en accordant quarante fauteuils à la compagnie.
Ruiné par le système de Law en 1720, La Monnoye dut vendre les médailles qu’il avait reçues en prix de l’Académie ainsi que sa bibliothèque, dont l’acquéreur lui laissa l’usage jusqu’à sa mort.
4. Michel PONCET de LA RIVIÈRE (1672-1730). Élu en 1728. Homme d’Église.
Dans sa récente histoire de l’Académie, Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel, souligne que, dans la première moitié du XVIIIe siècle, les prélats sont encore majoritaires à l’Académie et que, sans que cela soit prescrit par les statuts, « la religion scande la vie académique et les idées hétérodoxes en sont bannies.» En 1730, ils sont au nombre de vingt et un, mais s’effaceront ensuite, supplantés par les philosophes. Michel Poncet de Rivière est le neveu de Michel II Poncet de la Rivière, évêque et comte d’Uzès de 1677 à 1728. Il fut évêque d’Angers en 1706 et prédicateur. Il a laissé des discours, sermons, oraisons, harangues et lettres paroissiales, ainsi qu'une Oraison funèbre de très-haut, très-puissant et très-excellent prince Mgr Louis, Dauphin, prononcée dans l'église de l'abbaye royale de Saint-Denys, le dix-huitième juin 1711.
5. Jacques HARDION (1686-1766). Élu membre pensionnaire de l’Académie des inscriptions en 1728 et membre de l’Académie française en 1730. Historien.
Personnage assez mal connu. Après des études à Tours, sa ville natale, il vint à Paris suivre des cours de grec au Collège de France. Le 3 septembre 1727, il fut nommé garde de la bibliothèque particulière du roi à Versailles, sous les ordres de l’abbé Bignon, bibliothécaire du roi en titre. Cette bibliothèque discrète, composée d’une petite galerie et d’un grand cabinet aux portes recouvertes de glaces, était située au deuxième étage dans les Petits appartements. L’architecte Gabriel père avait travaillé à son aménagement et elle fut achevée en 1729. Elle fut constituée avec des livres restés des monarques précédents ou bien apportés de la Bibliothèque royale à Paris.
Hardion est aussi qualifié à plusieurs reprises de garde des médailles du cabinet du roi à Versailles. Il dut se montrer zélé, car on rapporte qu’il fit rendre par lavement au baron de Stosch un cachet de Michel Ange que ce dernier avait avalé pour le dérober. L’Almanach royal de 1757 donne à Hardion le titre supplémentaire de « garde du cabinet des livres à la suite de la cour ». Une fois installé à Versailles, Hardion devint familier de Mesdames, les trois filles de Louis XV, à qui il donna des leçons d’histoire et de littérature qui duraient au moins une heure par jour.
Il est l'auteur d'une Nouvelle histoire poétique, et deux traités abrégés : l'un de la poésie, l'autre de l'éloquence en 3 volumes, parue en 1751, et d'une Histoire universelle sacrée et profane en 18 volumes, parue entre 1754 et 1765, la première composée « à l'usage de Mesdames de France », la deuxième « par ordre de Mesdames de France ». Il est également traducteur de Théocrite et d'Anacréon et a écrit pour l'Académie des inscriptions des dissertations sur des sujets tels que la rhétorique grecque, l'oracle de Delphes et le saut de Leucade.
La mésentente de Hardion avec Voltaire est attestée par plusieurs sources. Voltaire rapporte que « Hardion aurait dit en grec et en latin, chez le Dauphin », qu’il fallait se garder de lui donner une chaire au College royal » . Hardion possédait lui-même beaucoup de livres. Il laissa, à sa mort, une bibliothèque de près de 23 000 livres.
6. Antoine-Léonard THOMAS (1732-1785).
Élu en 1766.
Dans son ouvrage, Hélène Carrère d’Encausse souligne combien le contenu et le ton des discours de l’Académie changèrent au milieu du XVIIIe siècle, marquant une nette prise de distances de la compagnie avec le pouvoir royal. Le panégyrique du souverain ne fut plus le sujet unique du prix de poésie, et fit place à un éloge des hommes illustres de la nation. Antoine-Léonard Thomas, dit-elle, fut le « héros de ces discours » car, avant d’être élu, il obtint cinq fois le prix d'éloquence de l'Académie avec les éloges du maréchal de Saxe, du chancelier d'Aguesseau, de Duguay-Trouin, de Sully et Descartes, et fut aussi lauréat du prix de poésie en 1762. Le brillant Thomas, que H. Carrère d’Encausse qualifie de « trublion impénitent », fut l’un des artisans de la transformation de l’Académie qui se divisa, partagée entre le parti des philosophes et celui des dévots. Ami des philosophes, Thomas était un habitué des salons de Madame Geoffrin – qui le pensionnait ainsi que d’autres académiciens -, de Mlle de Lespinasse et de Mme Necker. Dans le premier éloge qu’il prononça, l’Éloge du Maréchal de Saxe, il multiplia les hardiesses, qualifiant l’Académie d’ « un corps de citoyens qui joint les vertus aux lumières » et critiquant à mots couverts le roi et son gouvernement. Dans son discours de réception, qui avait pour sujet De l'homme de lettres considéré comme citoyen, il affirma l'indépendance nécessaire à l'homme de lettres. En 1770, son éloge de Marc-Aurèle, défense de la philosophie et de la liberté, fut interdit d’impression.
Et les femmes ?
Son Essai sur le caractère, les moeurs et l’esprit des femmes dans les différens siècles, Paris, Moutard - Lausanne, François Grasset, 1772. 8° P 86 B (4) fut étudié par Elisabeth Badinter qui pense que ce livre dans lequel Thomas livre cette interrogation célèbre : « Si aucune femme ne s’est mise à côté des hommes célèbres, est-ce la faute de l’éducation ou de la nature ? » et pour lequel Thomas fut unanimement moqué par ses contemporains, mérite de l’intérêt et qu’il inaugure les débats sur la nature de la femme.
7. Jacques-Antoine-Hippolyte de GUIBERT, dit « le comte GUIBERT » (1743-1790).
Élu en 1785. Général, auteur dramatique.
Il y a un demi-siècle, Roger Caillois écrivait : « Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert a laissé quelque trace dans l’histoire de la littérature française, non pour avoir écrit, mais parce qu’on lui écrivit : en effet, la réputation des tragédies qu’il composa et, parfois, fit représenter, ne lui survécut pas. Au contraire, les lettres d’amour que lui adressa Mlle de Lespinasse garantissent à un nom obscur une gloire durable, quoique de reflet »
Aujourd’hui, le comte de Guibert est surtout reconnu comme un grand tacticien militaire, un penseur politique et un réformateur. Ses écrits militaires influencèrent le jeune Napoléon Bonaparte qui leur emprunta plusieurs principes de tactique.
Né à Montauban, Guibert appartenait à la petite et récente noblesse de province, de sorte qu’il dut faire ses preuves sur le terrain pour acquérir un rang élevé dans l’armée. A l'âge de treize ans, lorsqu’éclata la Guerre de sept ans, le jeune Guibert accompagna son père, officier, comme aide de camp ; tous deux furent affectés à l’état-major du maréchal de Broglie qui demeura leur protecteur. Pendant les cinq années qui suivirent la fin de la guerre, entre 1763 et 1768, Guibert perfectionna seul son instruction, notamment par la lecture. Il nota : « L’éducation qu’on se donne a de si grand avantages sur celle qu’on reçoit ! On y emploie toutes les forces de sa volonté, on manie son esprit soi-même, on sent par conséquent quand il faut l’appliquer ou le reposer. On sait se créer, mieux qu’aucun instituteur ne saurait le faire, la méthode la plus sûre pour hâter ses progrès… »
Madame Necker écrivit de lui : « M. de Guibert avait reçu, en naissant, non seulement tous les avantages de la mémoire et les facultés de l’intelligence, vivacité, activité, imagination, en un mot tous les présages des talents supérieurs… on admirait en lui des facultés merveilleuses et absolument individuelles, et qu’aucun homme, avant lui, n’avait encore possédées : par exemple, la puissance de doubler l’usage du temps, et d’être aussi instruit à vingt ans qu’on l’est à quarante. »
En même temps qu’il composait son célèbre Essai général de tactique (1772), il écrivait sa première tragédie, le Connétable de Bourbon, mais rencontra peu de succès comme auteur dramatique.
Publié anonymement, son Essai général de tactique fit regarder Guibert comme le premier théoricien militaire de l’époque. Interdit en France, il connut un grand succès en Angleterre et en Allemagne et fut même traduit en persan. Guibert souhaitait contribuer à améliorer l’armée et l’État. Il donne des conseils techniques mais dénonce aussi les abus, tels que le luxe, et préconise des réformes, notamment pour améliorer la condition des soldats.
- Lire la suite sur la participation de Guibert aux opérations militaires en Corse, et sur ses relations avec Madame de Necker, sur le site de la Bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités :
http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
Conformément à la décision prise par l’Académie française de ne pas organiser d’élections depuis le début de la Révolution, il ne fut pas remplacé. Les académies furent supprimées en août 1793.
8. Jean-Jacques-Régis de CAMBACÉRÈS (1755-1824).
Nommé membre de l’Institut en 1795 (classe des Sciences morales et politiques) puis membre de deuxième classe en 1803 ; exclu en 1815.
Cambacérès fut le deuxième personnage de l’État sous le Consulat et l’Empire. Né en 1755 dans une famille de la noblesse de robe, il se distingua comme conseiller de la Cour des aides de Montpellier, cour souveraine qui jugeait en appel des affaires fiscales. Il ne quitta sa ville natale qu’à près de quarante ans, une fois élu comme député de l’Hérault à la Convention. Favorable à la Révolution, déjà apprécié pour sa compétence et son zèle, il présida le comité de législation de la Convention puis, après Thermidor, le Comité de Salut public rénové. Élu député au conseil des Cinq-Cents, l’assemblée législative mise en place en septembre 1795, il en devint le secrétaire, puis le président. En mai 1797, il ne fut pas réélu au Conseil des Cinq-Cents et, pendant deux ans, se tint à l'écart de la vie politique. Ses succès de jurisconsulte lui permirent alors de tisser un précieux réseau de relations. Bonaparte lui était presque inconnu lorsque ce dernier revint de la première campagne d’Italie. C’est lors d’une séance publique de l’Institut, à laquelle ils se trouvaient tous deux, que le général victorieux se rapprocha de lui et lui dit son souhait de le revoir.
En juillet 1799, Cambacérès fit son retour sur la scène politique en devenant ministre de la Justice. Au lendemain du coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799), cette fonction le conduisit quotidiennement chez Bonaparte et, un mois plus tard, il devint le Second Consul de la République, choisi par Bonaparte. De quinze ans l'aîné de ce dernier, Cambacérès devint son conseiller privilégié, « à peu près le seul civil à être intime avec le vainqueur de Marengo … » comme l’écrivit récemment Jean d’Ormesson.
Pendant quinze ans, de 1800 à 1814, Cambacérès oeuvra activement à la création des institutions qui réorganisèrent la société. Il chercha à favoriser l’instauration d’un ordre légal, et se préoccupa particulièrement de codifier le droit en un ensemble unifié et cohérent, pour remplacer la diversité des règles anciennes et les innovations hâtives de la Révolution. Dès la Convention, il effectua un travail considérable et présenta successivement trois projets de Code civil, d’abord à la Convention, en 1793 et 1794, puis sous le Directoire, en 1796, mais qui, prématurés, ne purent aboutir. Sous le Consulat, l’autorité de Bonaparte imposa la rédaction et l’adoption du Code Civil de 1804 auquel son nom demeure lié. Cambacérès intervint aussi dans la discussion, des autres codes napoléoniens et inspira les réformes de l’organisation et du fonctionnement de la justice.
Cambacérès, que l’Empereur avait nommé duc de Parme, prince, archichancelier, membre et président du Sénat, du Conseil d’État et de la Haute Cour impériale, Grand-Aigle de la Légion d'honneur, ministre de la Justice à nouveau aux Cent-Jours, fut entraîné dans la chute de Napoléon.
Il resta aussi célèbre pour ses dîners succulents et fastueux, son goût du cérémonial, des titres et des décorations.
Exclu, proscrit...et membre de l'Institut
Nommé par le Directoire membre de l'Institut le 20 novembre 1795, dans la classe des Sciences morales et politiques, il fit partie de la deuxième classe à l'organisation de 1803. Il fut exclu et proscrit par l'ordonnance royale du 23 juillet 1815, et son fauteuil fut attribué en 1816 au vicomte de Bonald. À sa rentrée en France en 1818, il fut rétabli dans ses titres et ses droits, mais il ne retrouva pas son fauteuil d’académicien.
- Lire la suite qui détaille l'évocation de la création de l'Institut national en 1795, sur le site de la Bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités :
http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
9. Louis-Gabriel, vicomte de BONALD (1754-1840).
Nommé par ordonnance membre de l’Académie française en 1816. Homme politique, philosophe, publiciste.
Monarchiste et catholique, Louis-Gabriel-Ambroise de Bonald était issu d'une longue lignée de juristes rouergats et fut la grande voix des légitimistes. Après des études au collège de Juilly, chez les Oratoriens, il servit comme mousquetaire jusqu’à la suppression de ce corps en 1776, puis revint sur ses terres. En 1785, il devint maire de Millau.
Lorsque la Révolution survint, il en fut d’abord partisan mais, rapidement, le sort fait à l’Église catholique choqua ses sentiments religieux et il émigra avec ses deux fils aînés à Heidelberg, où se trouvait l’armée du prince de Condé.
C’est là qu'il se découvrit une vocation d’écrivain. Il s’inspira des volumes emportés avec lui : Tacite, Bossuet, Montesquieu et Rousseau. Son premier ouvrage est la Théorie du pouvoir politique et religieux, imprimé en 1796 à Constance. Il y annonce dès le début son intention : « Je crois possible de démontrer que l’homme ne peut pas plus donner une constitution à la société religieuse ou politique, qu’il ne peut donner la pesanteur aux corps ou l’étendue à la matière. »
En 1797, il rentra clandestinement à Paris et réapparut officiellement après le coup d'État du 18 brumaire. Fontanes, directeur du Mercure de France, l’appela à collaborer à sa publication. Bonald fréquenta également Louis-Mathieu Molé et Chateaubriand. En 1800, il publia son Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social puis en 1801, Du divorce, dans lequel il plaide pour l’indissolubilité du mariage. En 1802 parut la Législation primitive, en même temps que le Génie du Christianisme de Chateaubriand.
Il se retira alors sur ses terres, tout en continuant à publier au Mercure de France et au Journal des débats. En 1806, suite à un article intitulé « Réflexions philosophiques sur la tolérance des opinions », il reçut une réprimande de Fouché. L’intervention de Fontanes auprès de Napoléon suffit à la faire lever. Cependant, Bonald, fervent royaliste, refusa l’offre de Napoléon de faire réimprimer sa Théorie du pouvoir s’il retirait le nom du roi. En 1807, il déclina également le poste de directeur du Journal de l’empire, puis celui de conseiller de l’Université en septembre de l’année suivante. Il accepta ce poste en 1810 sous les demandes pressantes de Fontanes.
À la Restauration son combat pour la monarchie valut à Bonald une reconnaissance officielle et une grande influence à ses idées. Créé chevalier de Saint-Louis, il joua un rôle politique actif, fut député, puis pair de France, tout en poursuivant une carrière de publiciste. Dès 1815, élu à la Chambre des députés par le département de l’Aveyron, il proposa une loi interdisant le divorce traité de « poison révolutionnaire ». La loi Bonald qui est votée le 8 mai 1816 rétablit la séparation de corps et resta en vigueur jusqu’en 1884.
Bonald, chef de file du traditionalisme, prônait une société « de droit divin ». Dans ses nombreux ouvrages, il s’attaqua à la Déclaration des droits de l'homme, au Contrat social de Rousseau et aux innovations sociales et politiques de la Révolution pour prôner le retour à la royauté et aux principes de l'Église catholique romaine. Le droit est, dans sa pensée, une idée génératrice d'anarchie. Il serait même prudent que ce mot ne fasse pas partie du vocabulaire de la vie politique. L'idée de liberté individuelle apparaît comme destructrice de l'ordre social et politique ainsi que des hiérarchies.
Il abandonna la politique en 1830 et mourut en 1840.
10. Jacques-François ANCELOT (1794-1854).
Élu en 1841. Poète, romancier, auteur dramatique.
Né au Havre, il était le fils d’un greffier qui s’ennuyait au tribunal de commerce et apprenait Racine par cœur. Il reçut une solide culture classique et produisit ses premiers vers dès l’âge de treize ans. Un oncle maternel, commissaire général de la Marine, l’obligea à faire carrière dans les bureaux du ministère, mais ne put le détourner de sa vocation littéraire. Celle-ci fut renforcée par son mariage avec une femme de lettres, Marguerite Chardon qui, sous le prénom de Virginie, anima un célèbre salon littéraire parisien.
Ancelot et son épouse étaient tous deux de fervents royalistes, partisans de la branche aînée des Bourbons, mais leur salon s’ouvrit à tous les courants. Certes, les premières années, Madame Ancelot accueillit, dans le petit appartement qu’elle et son mari louaient rue de Seine, dans l’ancien hôtel de La Rochefoucauld, un certain nombre de romantiques militants. Mais après 1824, lorsque ce salon déménagea au 7 de la rue d’Argenteuil, il évolua en raison de la prudence d’Ancelot, dont les goûts classiques et les profondes convictions légitimistes faisaient un « homme du juste-milieu littéraire », « ni figue ni raisin », selon les termes de Gaspard de Pons . Le succès de ses tragédies le rapprochait de plus en plus sensiblement du camp classique. « Leur salon », écrit Sophie Marchal, « devint, à la fin des années 1820, un cercle littéraire qui refuse les fracas partisans de l’innovation littéraire et se veut une sorte de vitrine d’une littérature reconnue, officialisée par le succès autant qu’institutionnalisée par l’Académie. Il gagne ainsi progressivement en respectabilité et en influence ce qu’il perd en audace. Sous la monarchie de Juillet, il est à son apogée ... Le salon Ancelot trouve alors sa spécificité en rassemblant des personnalités très différentes, voire même opposées… » Les personnalités les plus diverses y croisent l'élite littéraire (d'Alfred de Vigny, Victor Hugo, Mérimée, Charles Nodier ou Stendhal jusqu'à Alphonse Daudet, dans les dernières années), artistique (des peintres comme Eugène Delacroix, Jean-François Heim, mais aussi des personnalités du monde théâtral comme mademoiselle Mars ou Rachel) et politique (du duc de Raguse à Guizot).
Sous la Restauration, Ancelot connut une belle réussite comme auteur dramatique. En 1819, sa tragédie Louis IX, dédiée à Louis XVIII, avec Talma dans le rôle principal, eut un grand succès. Elle lui valut une pension de 2 000 livres sur la cassette du roi et le titre de bibliothécaire du roi à Meudon. Trois éditions de la pièce furent rapidement épuisées. Les deux pièces suivantes, Le Maire du Palais, tragédie créée au Théâtre-Français le 16 avril 1823, et Fiesque, tragédie adaptée du Fiesco de Schiller, créée à l’Odéon le 5 novembre 1824, lui apportèrent le grade de chevalier de la Légion d’honneur et une place de bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal (1824-1830).
La carrière d'Ancelot se trouva brutalement remise en cause par la Révolution de 1830. Cela n’empêcha pas le salon de son épouse, situé au 5, rue Neuve-Saint-Roch entre 1828 et 1834, puis 15, rue de Joubert, de devenir, dans les années 1830-1850, le lieu à la mode où se faisaient et se défaisaient les succès et les réputations. L’entreprenante Virginie incita son mari, privé de sa place et de sa pension, et découragé par l’échec d'une nouvelle tragédie, le Roi fainéant (1830), à consacrer son talent à des compositions d'un genre moins élevé, mais plus lucratives.
- Lire la suite : les souvenirs de Mme Ancelot, le succès de son époux avec comédies et vaudevilles et son élection à l'Académie française, sur le site de la bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
11.Ernest LEGOUVÉ (1807-1903). Élu en 1855. Poète, romancier, auteur dramatique, essayiste.
Né à Paris, Ernest Legouvé était le fils d’un poète membre de l’Institut, professeur de poésie latine au Collège de France, Gabriel-Marie Legouvé (quatrième fauteuil de l’Académie), mort en 1812. Ernest Legouvé raconte dans ses souvenirs qu’il alla pour la première fois à l’Académie à l’âge de six ans, pour assister à la réception du successeur de son père. Il y retourna seize ans plus tard, lorsqu’il obtint le prix de poésie de l'Académie avec la Découverte de l'Imprimerie et nota que rien n’avait changé. Il fit des études de droit mais se considérait avant tout comme « un faiseur de pièces de théâtre et de vers ».
Il commença par publier en 1832 un curieux recueil de vers intitulé Les Morts bizarres. Il s’essaya ensuite au roman mais connut davantage de succès comme auteur dramatique. Il écrivit plusieurs pièces de théâtre, seul ou en collaboration. Avec Eugène Scribe, il donna ses deux meilleurs ouvrages : Adrienne Lecouvreur, qui triompha à la Comédie-Française en 1849, et Bataille de dames. En 1854, le succès de sa tragédie Médée, qui le rattache à la réaction néoclassique aux excès du romantisme, fut pour beaucoup dans son élection à l'Académie française l’année suivante.
En raison de ses qualités d’ « homme de famille », il s’était vu confier l’article «Femmes» dans l’Encyclopédie nouvelle. Son article ayant été bien accueilli, il en fit un livre et obtint d’en tirer un cours au Collège de France sur l'histoire morale des femmes, cours qui commença en avril 1848. Ce cours connut un succès éclatant et fut applaudi par cinq cents auditeurs. Il le développa ensuite par des conférences sur les droits des femmes et l'éducation progressiste des enfants, et publia des ouvrages remarqués comme La Femme en France au XIXe siècle, Messieurs les enfants, Conférences parisiennes, Une éducation de jeune fille. En 1881, il fut nommé directeur des études de l’École normale de Sèvres et inspecteur général de l'Instruction publique.
Legouvé était aussi passionné d'escrime, et il s’en explique dans ses Souvenirs : « J’aime l’escrime, d’abord à titre de Français, parce que c’est un art national, un fruit du pays comme la conversation...".
Lire la suite sur le site de la Bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
12.René BAZIN (1853-1932).
Élu en 1903. Romancier, essayiste.
Il fut à la fois juriste et professeur de droit, romancier, journaliste, historien, essayiste et auteur de récits de voyages. Après une licence de droit à Paris, il suivit les cours de la Faculté catholique d’Angers et obtint un doctorat en droit (1877). En 1882, il tint la chaire de droit criminel mais il rapporte : « Si loin que je remonte dans mes souvenirs, je me trouve écrivant des vers, soit au collège, soit, plus tard, entre deux cours de droit, sur un banc du jardin du Luxembourg. Je tenais aussi un journal de mes impressions et de ce qu'on croit être des pensées quand on est jeune. »
Il devint rédacteur en second au journal L'Étoile et commença à rédiger Stéphanette son premier roman, qui fut publié, en 1883, en feuilleton, par L'Union, journal local. Ce roman, ainsi que le suivant (Ma tante Giron, 1885) parut, en un seul volume, en 1884, à la maison d'édition Retaux-Bray, à Paris. À partir de 1885, le succès de son roman Ma tante Giron lui ouvrit les portes du milieu littéraire parisien. Des lectures publiques de ses romans ont lieu à la conférence Saint-Louis, cercle d'étudiants de la faculté catholique d'Angers.
En novembre 1887, il rencontra Ludovic Halévy, membre de l’Académie française, qui l’orienta vers Calmann-Lévy, éditeur célèbre dont la diffusion permit à René Bazin d'élargir son public. Calmann racheta les droits du roman Ma tante Giron, puis publia en mai 1888, en un seul volume, Une tache d'encre, roman qui, grâce à l'influence de Ludovic Halévy, fut couronné par l'Académie française.
Plusieurs fois lauréat de l’Académie française, Bazin publia des livres de voyages et collabora à La Revue des Deux Mondes ainsi qu’à divers autres journaux. Après 1870, il fut l'un des écrivains de la « Revanche » avec Les Oberlé(1901) et Le Guide de l'Empereur. Il fut élu membre de l'Académie française en 1903.
Avec Paul Bourget, Henry Bordeaux et Maurice Barrès, René Bazin fit partie des "4 B", auteurs de référence des milieux traditionalistes de l'époque. Il rédigea la plupart de ses livres dans sa propriété près d'Angers. Ses romans ont le plus souvent pour cadre le milieu rural et paysan de l'Ouest de la France, qu'il évoque avec une grande richesse de vocabulaire.
Il y décrit la lutte du catholicisme et des valeurs traditionnelles contre la ville, le progrès, l'athéisme, la contagion révolutionnaire. Ainsi La Terre qui meurt, publié en 1898, évoque le drame d'un domaine agricole. Ce livre a connu un très grand succès et en 1936 a été un des tout premiers à être filmé en couleurs.
- Lire la liste de ses ouvrages et des précisions sur ses oeuvres, sur le site de la Bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
- Ecoutez sur Canal Académie plusieurs émissions consacrées à René Bazin :
- Les Noëllet, un roman de René Bazin, de l’Académie française
- Madame Corentine : René Bazin aborde le drame de l’enfant d’un couple séparé
13. Théodore GOSSELIN, dit G. LENOTRE (1855-1935).
Élu en 1932. Historien.
Lenotre est le nom de plume de Théodore Gosselin. Il ne comporte aucun accent, par la volonté même de son porteur. Théodore Gosselin fit en effet le choix de son pseudonyme, en juillet 1879, à l’occasion de la publication de son premier article dans les colonnes du Figaro.
Il s’inspira pour cela du nom d’un lointain arrière-grand-oncle, le jardinier André Le Nôtre, mais préféra l’orthographier en un seul mot et sans accent. Et, en guise de prénom, il choisit la seule initiale de son nom de famille, disant lui-même : « Le G. que j’ai mis devant ne signifie ni Georges, ni Guy, ni Gaston, ni même Gédéon, comme certains le croient et le disent, mais tout simplement Gosselin, qui est mon nom de contribuable. »
Âgé de 77 ans à l’époque de son élection, G. Lenotre s’éteignit avant de prononcer son discours de réception. Né à Richemont (Moselle), il avait fait ses études à Metz, chez les Jésuites, où il eut pour condisciple le futur maréchal Foch. Quand l’Allemagne annexa la Lorraine, sa famille choisit la France. Installé à Paris, G. Lenotre entra d’abord au ministère des Finances, comme employé au bureau des statistiques, mais se consacra bientôt à sa véritable passion, l’Histoire.
Lire la suite, notamment sur les ouvrages historiques de G. Lenotre consacrés à la Révolution, sur le site de la Bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
14. Georges DUHAMEL (1884-1966).
Élu membre de l’Académie française en 1935 et de l’Académie des sciences morales et politiques en 1944. Secrétaire perpétuel de l’Académie française de 1944 à 1946 (secrétaire perpétuel provisoire de 1942 à 1944). Médecin, essayiste, romancier, poète, auteur dramatique.
Né à Paris, Georges Duhamel, fils d‘un père pharmacien, puis médecin, et d’une mère herboriste, accomplit, après une licence de sciences, des études de médecine. Ayant trouvé en emploi dans l’industrie pharmaceutique, il choisit en parallèle de donner libre cours à ses aspirations littéraires. Entre 1906 et 1908, il fonda avec son ami le poète Charles Vildrac, qui deviendra son beau-frère, « l’abbaye de Créteil » ou « groupe de l'Abbaye », phalanstère d’artistes regroupant poètes, écrivains, musiciens et peintres. Il marqua son entrée dans la littérature par des poèmes, puis la publication de Des Légendes, des batailles, en 1907, L’Homme en tête et Sur la technique poétique (avec Ch. Vildrac), en 1909, Selon ma loi, en 1911.
Tandis que son théâtre était représenté à l’Odéon, il se vit confier en 1912 une rubrique critique au Mercure de France. Il devint un des auteurs de la maison, qu’il dirigea plus tard pendant quelques années, à partir de 1935.
Durant la Première Guerre mondiale, il s'engagea dans le service actif alors qu'il avait auparavant bénéficié d'une réforme médicale et occupa les fonctions de chirurgien, dans des situations souvent très exposées. Deux recueils de nouvelles naquirent de cette expérience : Vie des martyrs, paru en 1917, et Civilisation (Prix Goncourt 1918) publié sous le pseudonyme de Denis Thévenin car Duhamel ne voulait pas être accusé de profiter de la guerre pour faire de la littérature.
À la fin du conflit il choisit de renoncer définitivement à son métier de médecin pour se vouer entièrement à la littérature et à la défense d’une civilisation à visage humain. Il écrivit alors en 1920, Confession de minuit, qui deviendra le premier tome de son premier cycle romanesque Vie et aventures de Salavin (1920-1932). Entre 1933 et 1945, il publia la Chronique des Pasquier. Ces deux ensembles dominent une œuvre abondante où se mêlent essais et romans.
- Lire la liste de ses autres ouvrages sur le site de la Bibliothèque de l'Institut, rubrique Actualités : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/actualites/actualites.html
En 1935, Georges Duhamel fut élu à l’Académie française, à sa seconde tentative.
Chroniqueur à Candide en 1931, puis au Figaro à partir de 1935, Georges Duhamel, marqué par la guerre, qui avait fait de lui un ardent pacifiste, œuvra un temps pour le rapprochement avec l’Allemagne. Les menées hitlériennes le conduisirent cependant à modifier ses positions et à dénoncer à partir de 1939 le pacifisme intégral et les accords de Munich.
Sous l’Occupation, Georges Duhamel vit dès 1940 une partie de son œuvre interdite par les Allemands qui mirent sur la liste Bernard des ouvrages interdits par la Gestapo trois de ses livres. Quelques mois plus tard, c'est l'ensemble de son œuvre qui fut inscrite sur la liste Otto et il se vit interdit de toute publication en 1942.
Le 5 février 1942, l’Académie dut élire un nouveau secrétaire perpétuel. Avec seulement treize présents, le quorum de vingt n’était pas atteint et il ne pouvait pas y avoir ratification par le chef de l’Etat, protecteur de l’Académie. L’Académie décida donc que l’élection de Georges Duhamel, par douze bulletins, ne serait que provisoire. Hélène Carrère d’Encausse écrit : l'Académie « confia l’intérim du Secrétariat perpétuel à celui qui incarnait le plus la fidélité aux idéaux républicains et qui, dès les premières heures de l’Occupation, en juin 1940, avait manifesté son hostilité au pouvoir né de la défaite» ; il y fit preuve d’une « autorité ferme, mais attachée à ne pas diviser ». Le 12 octobre 1944, il fut élu secrétaire perpétuel en titre mais, ainsi que l’écrit Hélène Carrère d’Encausse, « Épuisé par les tensions internes qu’il s’était toujours efforcé de calmer, par une charge exercée dans des conditions exceptionnelles », il démissionna de l’Académie le 14 février 1946. Désapprouvant les excès de l’épuration, il démissionna aussi du Comité National des Écrivains, où il avait été nommé à la Libération. Georges Duhamel était également membre de l’Académie de médecine depuis 1937 et de l’Académie des Sciences morales et politiques depuis mai 1944.
Après la guerre, il fut nommé, en 1947, président de l’Alliance française et reprit ses voyages en faveur de la culture française. Il rétablit partout de nombreuses écoles de l’Alliance. En 1950, son roman Confession de minuit (1920) fit partie de la liste du Grand Prix des meilleurs romans du demi-siècle regroupant une sélection de douze romans publiés entre 1900 et 1950.
Georges Duhamel, par ses amitiés littéraires et artistiques s'adonna, sur le tard et avec passion, à la musique, en autodidacte éclairé. Il apprit le solfège et la flûte tardivement, et dirigea, pour son plaisir et entre amis, des concerts hebdomadaires à son domicile.
15. Maurice DRUON (1918-2009). Élu en 1966.
- Notice de l’Annuaire de l’Académie française : « Né le 23 avril 1918, à Paris. Ses origines familiales se partagent entre le Languedoc, les Flandres, le Brésil et la Russie. Arrière-petit-neveu du poète Charles Cros ; neveu de Joseph Kessel, membre de l’Académie française. Enfance en Normandie. Études secondaires au lycée Michelet. Lauréat du Concours général (1936). Commence à publier, à l’âge de dix-huit ans, dans les revues et journaux littéraires. Élève des Sciences politiques (1937-1939).
Élève à l’École de Saumur (1940). Officier de cavalerie. Campagne de France. Après sa démobilisation, demeure en zone non occupée, et y fait représenter sa première pièce, Mégarée. Participe à la Résistance. Évadé de France en 1942, traverse clandestinement l’Espagne et le Portugal pour s’engager dans les rangs de la France libre, à Londres. Aide de camp du général d’Astier de La Vigerie, puis attaché au poste « Honneur et Patrie » ; compose, avec son oncle Joseph Kessel, les paroles du Chant des Partisans (1943). Chargé de mission pour le commissariat à l’Intérieur et à l’Information. Correspondant de guerre auprès des armées françaises et alliées jusqu’à la fin des hostilités.
À partir de 1946, se consacre à la carrière littéraire. Reçoit le prix Goncourt (1948) pour son roman Les Grandes Familles, et le prix Prince Pierre de Monaco (1966) pour l’ensemble de son œuvre, auxquels s'ajoutent, en 1998, le prix Saint-Simon, et, en 2000, le Prix Agrippa d'Aubigné.
Membre de la Commission de réforme de l’O.R.T.F. (1969-1970), président de l’Association des lauréats du Concours général (1967-1973 et 1983-1987). Membre du Conseil littéraire de Monaco (1966-1991), du Conseil de la Société des auteurs britanniques, du Conseil supérieur des Archives de France, du Conseil supérieur de la langue française.
Membre du Conseil franco-britannique, depuis 1972, président d’honneur de l’Association France-Italie. Président du Comité consultatif du jury du Prix des Ambassadeurs. Ministre des Affaires culturelles (1973-1974). Député de Paris (1978-1981). Délégué à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (1978-1981). Député à l’Assemblée des Communautés européennes (1979-1980). Membre associé de l’Académie du Royaume du Maroc (1980), de l’Académie d’Athènes (1981), de l’Académie brésilienne des Lettres (1995), de l’Académie roumaine (1996), de l'Académie des Sciences de Russie (2006), docteur honoris causa de l’université York (Ontario), de Boston University, de l'université de Tirana (Albanie).
Maurice Druon a été élu le 8 décembre 1966, en remplacement de Georges Duhamel, au 30e fauteuil de l’Académie française. Élu secrétaire perpétuel le 7 novembre 1985. Démissionne de cette fonction en octobre 1999. Secrétaire perpétuel honoraire à partir du 1er janvier 2000. Mort le 14 avril 2009 à Paris. »
- A écouter sur Canal Académie, plusieurs émissions avec ou sur Maurice Druon, dont : Maurice Druon, un monstre sacré
16. Danièle SALLENAVE (née en 1940).
Élue le 7 avril 2011.
Née à Angers dans une famille d'instituteurs, elle fait ses études secondaires au lycée d'Angers avant d'entrer en classe préparatoire au lycée Fénelon à Paris. Elle est reçue en 1961 à l'École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres (boulevard Jourdan) et à l'agrégation de Lettres classiques en 1964. Nommée au lycée de Beauvais, elle rejoint une équipe de télévision scolaire et universitaire qui réalise des émissions littéraires pour la radio et la télévision à destination des élèves et des professeurs francophones.
En 1968 elle est nommée assistante à l'Université de Paris X Nanterre puis maître de conférences en 1973, et commence une thèse sous la direction de Roland Barthes.
Après avoir publié en 1975 son premier récit, Paysage de ruines avec personnages, elle réoriente son enseignement vers la poétique du récit en littérature et au cinéma et reçoit en 1980 le prix Renaudot pour Les portes de Gubbio. Elle est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages, romans, essais, récits de voyage, pièces de théâtre. Elle a reçu en 1988 le prix du jeune théâtre de l'Académie française, en 2005, le Grand prix de l'Académie pour l'ensemble de son œuvre et le Grand prix Jean Giono, et en 2008 le prix Jean Monnet de littérature européenne. Elle a assuré une collaboration artistique auprès d'Antoine Vitez entre 1976 et 1990. Elle a été membre du comité de rédaction de plusieurs revues, le Messager européen, les Temps modernes et collabore régulièrement au Monde et à Marianne. Un colloque international lui a été consacré en 1999 par l'Université d'Angers.
Elle est membre du jury de plusieurs prix littéraires, dont le prix Femina, le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes et le Prix du Roman Arabe. Elle anime un Festival littéraire annuel à Savennières, près d'Angers, où ses parents étaient instituteurs. Elle participe régulièrement à des opérations dans des collèges autour de la lecture et assure une chronique hebdomadaire sur France-Culture.
A savoir :
Les éléments ci-dessus sont extraits d'un document établi par Mireille Pastoureau, directeur de la Bibliothèque de l’Institut, avec le concours de Ghislaine Vanier, magasinier principal, et de toute l’équipe de la bibliothèque, à l'occasion de l'exposition réalisée pour la réception de Mme Danièle Sallenave.
- Consulter le document : Catalogue déchargeable sur le site de la bibliothèque : www.bibliotheque-institutdefrance.fr.
- Ecoutez sur les académiciens : Des siècles d’immortalités : une histoire de l’Académie française par Hélène Carrère d’Encausse
- Retrouvez Danièle Sallenave sur Canal Académie :
Danièle Sallenave, "Sibir, Moscou-Vladivostock, mai-juin 2010" , carnet de voyage en terre sibérienne
L’essentiel avec... Danièle Sallenave, de l’Académie française