Pierre Léna , un moment essentiel de ma vie
Pierre Léna, membre de l’Académie des sciences, est l’un des scientifiques les plus brillants de sa génération. Il répond à la première question de la série "l’Essentiel avec..." posée par Jacques Paugam : quel a été, à vos yeux, dans votre parcours, votre carrière, votre vie, le moment essentiel ? Écoutez la réponse de cet astrophysicien de renom, qui a gardé, tout au long de sa prestigieuse carrière, ce désir d’apprendre qui l’animait déjà enfant.
1- Dans votre itinéraire professionnel, dans votre carrière, quel a été à vos yeux, le moment essentiel ?
Pierre Léna : Je crois qu’il y en a eu plusieurs : les moments de l’enfance, qui sont très intenses parce que ce sont des sensations qui vont traverser toute l’existence, des émotions devant le monde physique, la lumière, la couleur, le ciel, les étoiles...
Et puis plus tard des moments d’émotions professionnelles, par exemple au foyer des très grands télescopes lorsque l’on passe une nuit au Chili sur une haute montagne et que l’on attend les données avec un instrument que l’on a construit à la sueur de son front durant un certain nombre d’années.
Jacques Paugam : Vous avez été au cœur d’un projet très important, le nouveau télescope européen justement installé au Chili. Est-ce qu’on peut dire que sur ce plan là au moins l’Europe existe, sur le plan de l’astrophysique ?
P.L : Non seulement on peut mais on doit le dire ! Parce que ma génération a vécu l’après-guerre. Au début des années 60 quand je sortais tout juste de l’École Normale Supérieure, notre sentiment était que la France scientifique n’existait quasiment plus. La guerre avait laissé des traces partout, il n’y avait plus de laboratoires.
Mais en même temps un grand mouvement, un immense espoir, est né autour de professeurs à la Sorbonne, Paul Germain par exemple, qui était alors un tout jeune professeur, et Laurent Schwarz. Un objectif se faisait presque évident pour notre génération, encore plus après le retour au pouvoir du général De Gaulle : construire une France et une Europe scientifique qui soit un jour au moins à égalité avec les Etats-Unis.
C’est ce à quoi j’ai consacré une part importante de ma vie professionnelle. Avec notamment la conception puis la construction de ce grand télescope. A ma sortie de l’École Normale en 1960, nous n’avions pas d’instruments ici. J’ai dû partir aux États Unis pour finir ma thèse. C’est seulement là-bas que j’ai pu trouver le télescope pour étudier le soleil, en Arizona. Puis je suis revenu - j’aurais pu rester là bas car les propositions ne manquaient pas - avec la perception évidente qu’il fallait faire émerger l’Europe.
J’étais dans une classe préparatoire au lycée Janson de Sailly qui était tout à fait nouvelle et où l’accent était mis sur la physique et non pas sur les mathématiques. Ce qui était absolument anormal car le concours était complètement dominé par l’ENS et l’école Polytechnique entièrement consacrées aux mathématiques.
Et puis le commissariat à l’énergie atomique qui venait tout juste d’être créé, a immédiatement compris que pour réaliser les ambitions nucléaires de la France, civile et bientôt militaire, cent physiciens c’était un rêve. Et donc cette classe a été ouverte pour former des physiciens français. Beaucoup de mes camarades et moi avons choisi la physique qui nous a été admirablement enseignée. Nous avons été portés par un climat qui a continué car après l’atome, ce fut l’espace. Le but était de faire exister la France spatiale.
J.P : De quand date précisément votre prise de conscience de l’importance clef de ces questions de formation et d’éducation ?
P.L : De toujours. J’ai toujours été passionné par la transmission du savoir. Je pense que ça vient de mon père, qui était un homme fort intelligent et passionné par la science, qui lisait des revues, des livres, mais était autodidacte. Il n’a pas terminé ses études. Il a construit sa vie professionnelle à la force du poignet. L’instruction était ce dont il avait largement manqué. Il voulait qu’aucun de ses six enfants n’en manque. Nous avons été élevés dans un respect du savoir. Sans nous sentir non plus contraints d’apprendre.
Dans l’intégrale de l’émission notre invité répond aux 6 autres questions de Jacques Paugam :
o Qu’est-ce qui est essentiel dans votre domaine d’activité ?
o Qu’est-ce qui est essentiel à dire aujourd’hui sur l’état de la société ?
o Quelle est selon vous la plus grande hypocrisie de notre temps ?
o Quel est l’événement de ces dernières années ou la tendance de ces dernières années qui vous laisse le plus d’espoir ?
o Quel a été le plus grand échec de votre vie ?
o Aujourd’hui quelle est votre motivation essentielle dans la vie ?
En savoir plus :
- Pour découvrir les réponses aux 6 autres questions essentielles, lisez l’intégralité du texte et écoutez en entier l’émission "L’essentiel avec... Pierre Léna, de l’Académie des sciences."
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