Notice sur la vie et les travaux de Jean Cazeneuve
Le 20 octobre 2008, Mireille Delmas-Marty, élue en mai 2007 à l’Académie des sciences morales et politiques, dans la section morale et sociologie, a fait l’éloge de son prédécesseur, Jean Cazeneuve, décédé en 2005.
Selon l’usage à l’Académie des sciences morales et politiques, le nouvel académicien rédige une notice sur la vie et les travaux de l’académicien disparu. Les notices font l’objet d’une publication régulière par l’Académie. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de cette séance exceptionnelle.
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Le 20 octobre 2008, en grande salle des séances de l'Institut de France, Mireille Delmas-Marty a lu la Notice sur la vie et les travaux de Jean Cazeneuve devant ses confrères et de nombreux invités.
Voici les premiers mots de sa lecture qui saisissent l'œuvre et le sens qu'avait voulu donné à sa vie Jean Cazeneuve, dont Mireille Delmas-Marty a dit, ensuite, la joie communicative, la richesse des travaux et des expériences :
«C'est un honneur et un bonheur de tenter de faire revivre devant vous un homme qui a tant aimé la vie. Tout au long de sa longue existence, du 17 mai 1915 au 4 octobre 2005, Jean Cazeneuve a su en effet cueillir les roses de la vie, pour reprendre le titre de l'un de ses derniers livres, emprunté à un célèbre poème de Ronsard afin de suggérer, dit-il, à contre-courant de la sinistrose actuelle, tout un jeu de variations sur la joie et le bonheur.»
Qui était Jean Cazeneuve?
Il entra à la rue d'Ulm en 1937. La guerre interrompit ces études. Fait prisonnier, il réussit à s'évader de Prusse orientale et resta caché dans une cave. De cette expérience, il écrivit dès 1944 La psychologie d'un prisonnier de guerre, son premier ouvrage. De retour en France, il renoue avec un parcours universitaire brillant et diplômé d'une agrégation de philosophie, c'est au final vers la sociologie qu'il s'orienta.
Il prit très tôt connaissance de travaux de Claude Lévi-Strauss et chercha à repérer, durant un séjour de recherche en Égypte, les interférences entre l'islam et les superstitions de l'Égypte ancienne. Devenu chercheur au CNRS, il assura l'intérim de Raymond Aron par deux fois à la Sorbonne et travailla également avec Georges Gurvitch. En 1955, inscrit à l'Université de Harward en ethnologie, il se lança dans l'étude des Zunis, une tribu d'indiens du Nouveau-Mexique. Sa thèse de doctorat soutenue, à l'âge de 48 ans, il obtint la chaire de sociologie à la Sorbonne en 1966. Ses cours ont porté sur la sociologie et sur les communications de masse.
Il fut élu en 1973 à l'Académie des sciences morales et politiques. Mireille Delmas-Marty évoque les symboles de son épée d'académicien sur le pommeau de laquelle figurent symboliquement Athéna, une antenne de télévision et des personnages en rapport avec la culture des Zunis.
En 1974, il devint patron de chaîne de télévision, "chargé de chaîne", comme il aimait à se désigner avec humour.
Avec une cinquantaine d'ouvrages à son actif, allant de la philosophie à la sociologie et à l'ethnologie, Jean Cazeneuve avait un goût marqué pour l'écriture. Homme de lettre, philosophe, intellectuel, il s'est interrogé sur la nature humaine, les rites, les communications, l'audiovisuel. L'auteur de Sociologie de la télévision, des livres Les pouvoirs de la Télévision et Les communications de masse, a pu passer de la théorie à la pratique au cours de sa carrière dans l'audiovisuel.
A partir de 1978, il entama une carrière dans la diplomatie, un vœu de jeunesse enfin réalisé et accepta un poste d'ambassade auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg.
Saisissant le sens et l'esprit des travaux de Jean Cazeneuve, Mireille Delmas-Marty écrit à son encontre : «En revanche, malgré la diversité de son parcours, ou peut-être précisément grâce à une diversité qui ne renie jamais l'essentiel, mais le nourrit d'expériences multiples, l'esprit qui anime l'auteur m'apparaît d'une étonnante unité. L'essentiel est pour lui, me semble-t-il, à travers la question qui deviendra le titre de l'un de ses livres, La raison d'être. Après de longues pages décrivant avec une minutie étonnante les sociétés d'insectes, de fourmis et d'abeilles, Jean Cazeneuve s'interroge sur le passage de l'animalité à l'humanité : Ne sommes-nous pas de super-insectes dupés par une illusoire liberté ?».
Écoutez la retransmission de la lecture de la Notice sur la vie et les travaux de Jean Cazeneuve de Mireille Delmas-Marty où elle trouve avec subtilité et profondeur les fils qui relient les domaines de prédilection de l'académicien disparu.
Pour en savoir plus
- Sa fiche sur le site de l'Académie Jean Cazeneuve
- Sur Mireille Delmas-Marty, membre de l'Académie des sciences morales et politiques
- Sur Mireille Delmas-Marty au Collège de France, chaire d'Étude juridiques comparatives et internationalisation du droit
Ecoutez des extraits du livre de Jean Cazeneuve Du calembour au mot d'esprit, une émission de Canal Académie, en hommage à l'Académicien Jean Cazeneuve
Téléchargez plusieurs émissions sur Canal Académie avec Mireille Delmas-Marty :
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-La mondialisation du droit : vers une communauté de valeurs ?