Simone Veil : Conversation autour d’une vie "très diversifiée" 1/4
Simone Veil, de l’Académie française, retrace les principales étapes de sa vie qu’elle qualifie de "très diversifiée" mais qui, en vérité, reste soutendue par une ligne de conduite constante. Voici la première émission d’une série de quatre, proposée par Virginia Crespeau, pour mieux comprendre les choix effectués par l’une des femmes les plus engagées de notre époque.
Canal Académie a le grand plaisir de proposer 4 émissions de sa série « Le mois de… » consacrées à Simone VEIL qui occupe désormais, grâce à son élection parmi les Immortels, le treizième fauteuil, à l'Académie française, en remplacement de l'ancien Premier ministre Pierre Messmer, décédé en en août 2007.
Tout au cours de ces 4 émissions consacrées à Simone Veil, des lectures de quelques passages extraits de son livre de mémoires : « Une vie » édité chez Stock sont données. Grand succès de librairie, cet ouvrage qui s’est vendu à 600 000 exemplaires sort, en cette nouvelle rentrée littéraire 2009, en format de poche.
Simone Veil, née Simone Jacob le 13 juillet 1927 à Nice (Alpes-Maritimes) fait adopter en décembre 1974, en sa qualité de ministre de la Santé, la « loi Veil » qui autorise l'avortement en France (la promulgation intervenant le 17 janvier 1975).
De 1979 à 1982, elle est la première femme à présider le Parlement européen élu au suffrage universel. Ancien membre du Conseil constitutionnel, elle est élue à l’Académie française en novembre 2008 au premier tour de scrutin.
Lorsque Simone Veil, dans son livre « Une vie » évoque ses parents, elle écrit : « Les années 1920 furent pour eux celles du bonheur. Ils s’étaient mariés en 1922. Mon père André Jacob, avait alors trente-deux ans et Maman, Yvonne Steinmetz, onze de moins. A l’époque, l’éclat du jeune couple ne passe pas inaperçu. André porte l’élégance sobre et discrète à laquelle il tient, tout comme il est attaché à la créativité de son métier d’architecte, durement secoué par quatre années de captivité, peu de temps après son grand prix de Rome. D’Yvonne irradie une beauté rayonnante qui évoque pour beaucoup celle de la star de l’époque Greta Garbo. Un an plus tard naît une première fille, Madeleine, surnommée Milou. Une nouvelle année s’écoule et Denise voit le jour, puis Jean en 1925, et moi en 1927. En moins de cinq ans, la famille Jacob s’est donc élargie de deux à six membres. Mon père est satisfait. La France a besoin de famille nombreuse, juge-t-il. Quant à Maman, elle est heureuse. Ses enfants remplissent sa vie. »
Devant les micros de Canal Académie, Simone Veil confie : « J’ai eu une vie très diversifiée dans ses obligations ; mais en même, c’était dans une certaine ligne qui est restée toujours sous-jacente ; c’est le fait par exemple d’avoir été magistrat parce que j’avais très envie de devenir avocat lorsque j’étais jeune ; mais lorsque j’ai dit à mon mari que je voulais devenir avocat, il m’a dit : « Il n’en est pas question !» parce qu’il trouvait que dans cette profession, on fréquentait des milieux plus ou moins bien… Mais aujourd’hui nous avons 2 fils avocats, donc… Mais ce sont des garçons, donc ce n’est pas la même chose ! J’ai répondu à mon mari : « Bon, tu ne veux pas, ça ne fait rien » Très peu de temps s’était écoulé depuis ma sortie des camps et j’étais très intéressée par ce qui concernait la détention dans les prisons, même s’il ne s’agissait pas là de déportation. Les prisons m’interrogeaient. Je n’étais pas seule dans ce cas ; à l’époque, dans l’administration pénitentiaire, il y avait justement un certain nombre de gens qui avaient été soit déportés soit prisonniers de guerre et qui de ce fait, s’intéressaient à ce qui se passait dans les prisons. Je voulais vous expliquer cela pour dire que ce qui a marqué dès le départ ma vie, c’est d’avoir essayé de faire des choses pour ceux auxquels on ne pense pas toujours. »
Pour son entrée dans la vie professionnelle, Simone Veil devra outrepasser les réflexions qu’elle rapporte dans son livre de mémoires : « Mais vous êtes mariée ! Vous avez trois enfants, dont un nourrisson ! En plus votre mari va sortir de l’ENA ! Pourquoi voulez-vous travailler ? Je leur ai expliqué », écrit-elle «que cela ne regardait que moi. »
Dans l'univers carcéral
Après deux années de stage, et l’obtention d’un concours, Simone Veil devient magistrat affecté à la direction de l’administration pénitentiaire, et ce pendant 7 ans de 1957 à1964.
En pleine guerre d’Algérie, Simone Veil poursuit sa mission et visite les prisons en Algérie, « certaines étaient vivables, mais d’autres pas… C’était la guerre ; et j’ai souvenir à Philippeville d’un directeur de prison qui pour répondre à mes questions sur l’état des lieux et des prisonniers, m’a répondu : «Oh ! Ne vous inquiétez pas, la guillotine est toujours prête, si vous voulez que je vous la montre, c’est possible…» Voilà un peu, dans certains cas, le climat qui pouvait régnait à cette époque-là… »
Même au bout de 7 ans, l’intérêt et l’énergie qui poussent Simone Veil à travailler à l’amélioration de l’univers carcéral ne faiblissent pas mais son environnement familial souffre de son investissement passionné dans cette mission. Une nouvelle proposition lui est faite par le nouveau garde des Sceaux de l’époque : Jean Foyer dont les qualités de juriste étaient reconnues et saluées. C’est ainsi que Simone Veil prend de nouvelles responsabilités à la Direction des Affaires Civiles.
Aux Affaires civiles
Simone Veil écrit dans son ouvrage « Une vie » : « Par rapport à une situation qui n’avait guère évolué depuis le code Napoléon, Jean Foyer a introduit une égalité totale des droits entre les hommes et les femmes, aussi bien en ce qui concerne l’autorité sur les enfants que la gestion des biens. Ces chantiers étaient conduits par un éminent professeur de droit, Jean Carbonnier, par ailleurs sociologue. Travailler à ses côtés m’a fait mieux comprendre combien il est essentiel que le droit prenne en compte les réalités sociales. »
Une femme libre, véhémente, sereine
Une jeunesse-témoin de la souffrance, la barbarie, l’indicible de la déportation - le bonheur de créer une famille avec la joie renouvelée 3 fois de donner la vie, une entrée en mission dans la vie professionnelle pour défendre les droits des « oubliés » de nos sociétés, telles sont les bases « du destin exceptionnel de cette femme politique dont la légitimité est la moins contestée en France et à l’étranger » déclarent les Editions Stock qui proposent donc cette biographie : « une biographie attendue depuis longtemps. Simone Veil s’y montre telle qu’elle est : libre, véhémente, sereine. »
En savoir plus :
Ne manquez pas les autres émissions de cette série...
- Le mois de... Simone Veil : "Shoah" 2/4
- Le mois de... Simone Veil, la rebelle 3/4
- Le mois de... Simone Veil : la condition féminine 4/4