Patrimoine : L’Observatoire de Camille Flammarion, enfin sauvé !
Robert Werner se réjouit de la restauration d’une célèbre coupole, non pas celle de l’Institut de France, mais celle de l’Observatoire de Camille Flammarion. Retour sur un pan d’histoire scientifique qui a bien failli disparaître de notre paysage.
_ Enfin ! Oui, enfin reverra-t-on -tel qu'il fut autrefois- le prestigieux Observatoire de Camille Flammarion à Juvisy-sur-Orge. Abandonné depuis 40 ans, il est donc en train de renaître grâce, une fois encore, aux efforts inlassables et à la passion des membres d'une association, en l’occurrence celle des Amis de Camille Flammarion, qui voulait sauver à tout prix la propriété du célèbre astronome, un ancien relais de poste aux portes de l'Essonne.
Le fondateur, en 1887, de la Société Astronomique de France et l'auteur de plusieurs ouvrages connus dans le monde entier, dont son livre le plus retentissant l'Astronomie Populaire paru en 1879, avait reçu d'innombrables visiteurs dans sa propriété longeant la future nationale 7. S'y rencontraient ainsi, l'empereur du Brésil, le compositeur Camille Saint-Saens, Gustave Eiffel, le savant et mathématicien Henri Poincaré, cousin du président du même nom, le physicien Paul Langevin mais aussi d'autres, anonymes admirateurs de celui qui sut faire aimer l'astronomie dont il fut l'un des plus fameux vulgarisateurs.
Son cher Observatoire qui menaçait ruine depuis près d'un demi-siècle, livré à l'abandon, aux pillages et au vandalisme, fait à présent - et pour commencer - l'objet d'un financement d'un demi-million d'euros, ce qui a permis d'entamer des travaux d'urgence qui ont débuté voici plusieurs mois. Ainsi a-t-on pu assister - avec quel bonheur - à la restauration de la coupole et du corps de bâtiment qui la supporte, ainsi qu'à celle de la grande lunette de 240mm de Camille Flammarion que celui-ci avait pu s'offrir grâce au succès de son Astronomie populaire, et qui avait été fabriquée par les meilleurs spécialistes de l'époque permettant à des dizaines d'astronomes venus du monde entier, d'observer et de découvrir de nombreuses régions de l'Univers.
Convaincus de la nécessité de sauver ce patrimoine, le Conseil général de l'Essonne, la ville de Juvisy-sur-Orge, le Conseil régional et la Direction régionale des Affaires Culturelles, se sont lancés dans une grande opération au terme de laquelle, avec la restauration de la demeure du savant et du parc, l'Association des Amis de Camille Flammarion y verrait bien apparaître un musée de l'astronomie ancienne, qui serait unique en France.
À noter que si la grande lunette a pu être rétablie grâce à un financement public ( 1/3 ), et privé ( 2/3 ), la remise en état de la coupole qui l'abrite, l'a été grâce à un financement public exclusivement. La Société Astronomique de France, créée, je l'ai dit par Camille Flammarion, est propriétaire du lieu, le locataire en étant la municipalité de Juvisy-sur-Orge, par un bail de 99 ans signé entre les deux entités dans les années 1970.
L'ancienne propriété, outre le remarquable Observatoire, recèle aussi un fonds des plus intéressants constitué essentiellement d'une bibliothèque envié par les plus grands musées spécialisés de la planète, et d'un grand nombre d'instruments d'astronomie et d'objets rarissimes, dont un globe de Coronelli et encore une importante collection de photographies...
Le chantier de restauration qui se poursuit avec la rénovation de la partie sud de la terrasse supportant la coupole de l'Observatoire, permet d'envisager un accès du public à cette coupole dès cette année 2011, au sein de laquelle, jadis, Flammarion, perché sur un vieil escabeau en bois, toujours présent, passait des heures en compagnie de tant d'hommes et de femmes enthousiastes comme lui à prendre des milliers de photographies du ciel.
« Nous pouvons même, nous disent, pleins d'espoir, les membres de l'Association des Amis de Camille Flammarion, envisager une activité astronomique après la réhabilitation totale du site », lequel soulignons-le, a, enfin, fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques, par un arrêté ministériel en date du 28 décembre 2009.
Camille Flammarion, est né à Montigny-le-Roi sur le plateau de Langres en 1842, et mort à Juvisy-sur-Orge en 1925. Malade, dès l'âge de 16 ans, c'est au contact d'un médecin passionné d'étoiles qu'il va lui-même accéder au monde de l'astronomie, et être admis, bientôt, à l'Observatoire de Paris. C'est, alors, un jeune homme solitaire, qui observe le ciel tout seul, tout le temps, et se met à écrire des ouvrages sur les splendeurs et les mystères des astres, s'étonnant, je cite « que les habitants de notre planète aient tous vécu jusqu'ici sans savoir où ils sont, et sans se douter des merveilles de l'Univers... ».
À Paris, il installe une lunette, rue Cassini, quand, à la même époque, grâce au don d'un admirateur, ému par sa passion, il va acquérir cet ancien relais de poste du XVIIIe siècle, à Juvisy-sur-Orge, où il passera la plus grande partie de sa vie, habitant aussi à Paris en hiver. Il en fera, progressivement, un observatoire astronomique, qui deviendra célèbre après la publication de nombreux ouvrages de vulgarisation publiés par son frère Ernest Flammarion, fondateur de la maison du même nom. Le grand astronome Perceval Lowell ne tarit pas d'éloges sur son compte, ainsi que le non moins célèbre Antoniadi, l'inventeur des canaux de Mars, et l'abbé Moreux, autre scrutateur du ciel...
Camille Flammarion a un extraordinaire talent de photographe, il immortalise d'innombrables évènements astronomiques, éclipses de lune et de soleil, passage de comètes, étoiles filantes... Des trésors, qui avec sa bibliothèque, sont maintenant en sécurité et n'attendent que la restauration de ce lieu mythique pour réintégrer la magnifique bibliothèque de l'Observatoire.
Le savant, d'abord marié à Sylvie Petiot qui sut lui offrir un foyer chaleureux, le fut en seconde noces à Gabrielle Renaudot, astronome elle-même et qui fit fonctionner l'Observatoire de 1925 à 1962, date de sa disparition. Elle dirigea également la Société Astronomique de France, et la revue « l'Astronomie », deux institutions encore actives à ce jour.
Une fois la restauration du bâtiment, et du parc, accomplis, les visiteurs pourront retrouver la demeure autrefois si joliment meublée de Camille Flammarion. Un lieu de vie familiale, lieu de conservation de ses milliers de livres, un espace muséal - déjà - d'une grande originalité, de réception enfin, pour ses illustres amis et collègues, savants, écrivains, musiciens, peintres, sculpteurs, hommes d'État français et étrangers...Un endroit décoré de boiseries où fut rangé la bibliothèque, avec des tentures, des fauteuils et des chaises de style rococo, chaque pièce étant chauffée par une cheminée de marbre blanc ou noir...Des bustes de bronze trônaient là, montrant Galilée sous des fenêtres aux vitraux multicolores. Au plafond, sur des poutres bleues, étaient incrustés les noms des astronomes les plus célèbres, en lettres dorées...Les ouvertures de pièces étaient encadrées de pilastres boisés, et il y avait un grand poêle en faïence dans une pièce attenante à l'imposante cuisine, tout à côté de celle qui recelait tous les instruments fabriqués par les plus grands opticiens de l'époque. Le savant bichonnait l'horloge astronomique et avait pris soin de garnir les murs de gravures décrivant les planètes observées sur place, et il ne se séparait jamais du grand escabeau de bois verni permettant d'accéder à l'oculaire de la grande lunette, ni des globes de Mars qu'il avait dessinés, ni du globe de Coronelli offert à l'astronome...
Oui, enfin, ce fameux Observatoire revit. Nul doute que les nombreux passionnés d'astronomie retrouvent, ici, l'esprit qui anima le grand savant.
Robert Werner
Rédacteur en chef de la revue Sites et Monuments
Vice-président de la Société pour la Protection des Paysages
et de l'Esthétique de la France
En savoir plus :
- Le site de l'association Les Amis de Camille Flammarion.
- Retrouvez les articles de Robert Werner sur Canal Académie sur le site de l'Académie des beaux-arts
- Et parcourez le site de la Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique en France qui publie la revue Sites et Monuments.