Les académiciens racontent l’Histoire : Louis XIV (1/2)

avec les textes de Pierre Gaxotte, de l’Académie française, et de Jules Michelet, de l’Académie des sciences morales et politiques
Jules MICHELET
Avec Jules MICHELET
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Sur le roi Soleil et son Grand siècle, faut-il se laisser emporter par l’admiration de Pierre Gaxotte ou émettre des réserves en suivant Jules Michelet ? La comparaison des textes de ces deux historiens réputés est fort éclairante. Cette émission est la première d’une série de deux. Ce sont donc au final quatre textes d’académiciens qui seront proposés à votre appréciation.

Louis XIV "un Roi de l’ordre, de l’espérance et de la nouveauté" selon Pierre Gaxotte ou  " un Roi tourné vers le couchant" selon Jules Michelet ?














Pierre Gaxotte était historien et journaliste. Il est né dans la Meuse à Revigny-sur-Ornain le 19 novembre 1895. Après une agrégation d’histoire en 1920, et une licence de sciences, il entama une carrière de professeur d’histoire. Pierre Gaxotte se lia d’amitié avec Arthème Fayard, grâce auquel il fut présenté à Charles Maurras, dont il devint durant quelques mois le secrétaire. L’éditeur Arthème Fayard lui confia ensuite la direction de la collection des « Grandes Etudes historiques » ainsi que la responsabilité de l’hebdomadaire Candide.

l’Académicien Historien Pierre Gaxotte


Pierre Gaxotte fit publier de nombreuses études historiques : La Révolution française, Le Siècle de Louis XIV, le Siècle de Louis XV, Frédéric II, La France de Louis XIV, Histoire des Français, Histoire de l’Allemagne, et en 1965 « Aujourd’hui, thèmes et variations ». Admirateur de la monarchie, il défend dans ses ouvrages une vision traditionnelle et classique de l’Histoire.

Esprit fin, très cultivé et volontiers caustique, chroniqueur au Figaro dans les années d’après-guerre, Pierre Gaxotte a laissé des souvenirs : « Mon village et moi », « Les autres et moi », ainsi qu’un ouvrage sur l’Académie française où il fut élu le 29 janvier 1953. Il fut reçu à l’Académie le 29 octobre 1953 par le général Weygand. Il meurt le 21 novembre 1982.

L'enthousiasme de Gaxotte

Lors de sa parution en 1946 au lendemain de la seconde guerre mondiale, le livre « La France de Louis XIV » de Pierre Gaxotte connut un vif succès. Il fut réédité à deux reprises.

Pour commencer cette émission sur Louis XIV nous avons sélectionné des extraits des premiers chapitres de cette œuvre : Pierre Gaxotte y peint la prise de pouvoir du jeune roi, son portrait physique et moral, l’avènement du roi-Soleil et l’éclat de sa cour. En entrainant le lecteur dans l’entourage du roi, il lui fait revivre le Grand siècle.


Vous pouvez lire l'intégralité des extraits choisis dans le document joint. En voici seulement un passage extrait de « La France de Louis XIV » par Pierre Gaxotte, chapitre 1, « L’Entrée du Roi », et chapitre 2 « La Monarchie ».

« Jules Mazarin mourut le 9 mars I661, en prononçant le nom de Jésus. Le 10, à sept heures du matin, le roi Louis XIV réunit son Conseil.
Ils étaient huit en tout, le chancelier Séguier, le surintendant clos Finances Fouquet, M. de Lionne, les deux Brienne, M. de La Vrillière, M. Le Teiller, qui avait charge de l’armée, et M. du Plessis-Guénégaud, qui s’occupait de la Maison du Roi.

Le Roi se découvrit, remit son chapeau et, debout, se tourna vers le chancelier : « Monsieur, je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que, jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le Cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même. Vous m’aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai… La face du théâtre change ; j’aurai d’autres principes dans le gouvernement de mon Etat, dans la régie de mes finances et dans les négociations au-dehors que n’avait feu M. le Cardinal. Vous savez mes volontés; c’est à vous maintenant, messieurs, à les exécuter »

Il n’en dit pas plus, et le Conseil se sépara. »



Gaxotte a le génie de citer plusieurs phrases du Roi, dont celle-ci, tandis qu'il donne à son fils un sage conseil de gouvernement :
On sait bien que nous ne pouvons pas faire tout, mais nous devons donner ordre que tout soit bien fait et cet ordre dépend principalement du choix de ceux que nous employons. Dans un grand État, il y a toujours des gens propres à toutes choses, et la seule question est de les connaître et de les mettre en place.


Les réserves de Michelet

L’Académicien Historien Jules Michelet



Jules Michelet est né le 21 Août 1798 à Paris, il est mort le 9 février 1874 à Hyères. La famille de Michelet était de tradition huguenote ; son père était maître imprimeur ; sa mère Angélique Constance Millet était originaire d’une famille paysanne des Ardennes. Ses parents s’imposèrent des sacrifices pour envoyer Jules étudier au célèbre lycée Charlemagne, où il se distingua. Il réussit l’agrégation des lettres et fut bientôt nommé professeur d’histoire.


Michelet avait des idées politiques fermes que lui avait transmises son père : un républicanisme fervent teinté de romantisme libre-penseur. Il était avant tout un homme de lettres et un enquêteur sur l’histoire du passé.
Chef de la section historique aux Archives nationales, Michelet se trouvait directement au contact des documents.

Son art de raconter reste un des plus vivants qui aient existé. Ses incessantes recherches dans les sources manuscrites et imprimées étaient des plus minutieuses et laborieuses.

Mais il appartenait à cette école qui pensait que l’histoire devait être avant tout un cours d’enseignement philosophique. Son imagination vivace, ses préjugés politiques et religieux affirmés, lui faisaient tout voir d’un point de vue trop personnel. Sa vision de l’histoire était celle d’un long combat de la liberté contre la fatalité.


« Héros pour Victor Hugo, charlatan si l’on en croit Sainte-Beuve, Jules Michelet n’oubliera jamais qu’il est sorti du peuple, ce peuple dont il fera le grand acteur de l’histoire de France ». L’Académie des Sciences morales et Politiques lui rendra cet hommage.

Dans les années 1830, Jules Michelet entreprit son chef-d’œuvre monumental, l’Histoire de France, qu’il mit trente ans à achever.

Michelet formé par les écrivains classiques français, n’est pas insensible à la grandeur du siècle de Louis XIV.
Mais sur ce règne brillant de mille feux, Michelet jette un sombre regard. Il critique avec virulence cette monarchie absolue et souligne les effets néfastes de ce gouvernement autoritaire.
Le Soleil est à son couchant.


Les grandes eaux nocturnes du Château de Versailles au soleil couchant






Vous pouvez lire l'intégralité des extraits choisis dans le document joint. En voici seulement un passage extrait de « L’Histoire de France au XVIIème siècle, Louis XIV et la révocation de l’édit de Nantes, préface du tome XIII suivie d’extraits du Tome XIV.

« La grande prétention de ce règne est d'être un règne politique. Nos modernes ont le tort de le prendre au mot là-dessus. Le grand fatras diplomatique et administratif leur impose trop.
Une étude attentive montre qu'au fond, dans les choses les plus importantes, la religion prima la politique…

Tout le siècle gravite vers la Révocation. De proche en proche on peut la voir venir. Dès la mort d’Henri IV, la France s’y achemine. Elle ne succède à l’Espagne qu’en marchant dans les mêmes voies. Ni Richelieu ni Colbert n’en peuvent dévier. Ils ne règnent qu’en obéissant à cette fatalité et descendant cette pente.

Ce qui domine, au reste, toute méthode, toute critique, ce qui me semble le point de vue supérieur et essentiel, c’est ce que j’ai dit tout à l’heure pour un des aspects de ce temps, et qui est vrai pour tous, c’est qu’à l’exception de la machine bureaucratique, qui est sa création propre, il achève et finit beaucoup de choses, mais n’en commence aucune.


Louis XIV enterre un monde. Comme son palais de Versailles, il regarde le couchant. »









Écoutez ici le second volet de l'émission : Les académiciens racontent l’Histoire : Louis XIV (2/2)

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