Emile Biasini, bras droit de Malraux
En 1959 Malraux appelait Biasini au ministère de la Culture. Ils fondèrent l’Action culturelle d’où naquirent les Maisons de la culture. Après des milliers de kilomètres parcourus en France et dans le monde, Emile Biasini reste la dernière mémoire vivante d’une époque révolue dont il conserve des souvenirs intenses. Interview à l’occasion du cinquantenaire du ministère de la Culture.
La Culture, « ce langage universel » selon Emile Biasini, 87 ans en 2009, ancien directeur des Arts et des Lettres au ministère de la Culture (anciennement le ministère des Affaires culturelles), « doit résonner dans tous les coins du monde, même les plus reculés ».
De cet adage naquit un engagement éternel de cet homme pour la Culture. On se souvient de ses activités comme secrétaire d'Etat chargé aux Grands travaux du Louvre, de l'architecture de la BNF ou encore de la direction de l'ORTF en 1967 où il introduisit la télévision couleur. A-t-on pourtant pris la mesure de son action qui fut, selon le décret du 24 juillet 1959, de « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, assurer une vaste audience au patrimoine culturel et favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit qui l’enrichissent ». Vaste programme.
« Je ne possède rien et j’en suis fier. J’ai tout donné » nous dit-il. Il a un caractère bien trempé. Vif comme le feu, il parle dans un rythme saccadé. « Je suis un homme de terrain, indépendant, pas un intellectuel ni un homme politique ». Est-ce pour cela qu’il pense avoir été oublié alors que la France célèbre en 2009 le cinquantenaire de la création du ministère. « On résume tout à Malraux mais j'ai aussi beaucoup compté ! ».
C'est un beau jour de l’année 1959 que le philosophe lui demande d’entrer à son cabinet. En pleine décolonisation, Emile Biasini abandonne prématurément l’Afrique, continent où il passe dix années à mettre en place la politique de colonisation. Administrateur depuis la fin de la guerre, il est spécialisé dans l’établissement des rapports culturels avec les territoires destinés à devenir indépendants. Des centres culturels et autres lieux de rencontres et d’échange, il en fait son credo. Convaincu de leur efficacité, il en crée partout où il passe : « la brousse, je l’ai sillonnée en long et en large ». Il contribue aussi à la mise en place des premières stations de radio. Cette expérience « tout-terrain aux idées larges » est remarquée par Malraux dès 1958.
Les deux hommes diront plus tard que les Maisons de la culture sont la plus grande réalisation de l’Action culturelle. Elles avaient pour ambition de donner au public les moyens de « se confronter directement avec les œuvres, sans préparation didactique, sans jugement de valeur ni classe sociale ». Pour se faire, il était nécessaire de privilégier les réalités locales, humaines et culturelles. Les particularités aussi. Les 19 Maisons de la culture construites alors dépendaient de critères bien précis selon l'environnement local. Le rapport Action culturelle. An I rédigé en 1962 indiquait bien qu’« il ne servirait à rien de vouloir à tout prix décider que ce qui se passe à Bourges doit aller à Poitiers et ce qui est à Villeurbanne se déplacer à Lyon ». Emilie Biasini, très engagé, parcourt les chemins de France, sacrifie ses week-ends et gère les paniques quotidiennes. Il va à la rencontre des français pour comprendre l'état réel de la Culture en France.
Il aime à reprendre la phrase de son ancien collègue et ami Gaëtan Picon, compagnon de route de Malraux : « La vie culturelle est à la connaissance ce que la vie politique est à l’histoire ». Héritier de personne, Biasini est brutalement remercié par Malraux à la fin de l'année 1966. Pourquoi ? Personne ne le sait. En garde-t-il une amertume ? « J'aimerais que l'on se souvienne que s'il y a eu une théorie à la mise en place de la Culture en France, j'ai largement contribué à la pratique de celle-ci...»
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