Le chancelier de l’Institut de France et le secrétaire perpétuel de l’Académie française, en visite en Haïti (1/3)

Avec Gabriel de Broglie, de l’Académie française et de l’Académie des sciences morales et politiques
Gabriel de BROGLIE
Avec Gabriel de BROGLIE de l’Académie française,
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Le secrétaire perpétuel de l’Académie française et le chancelier de l’Institut de France se sont rendus en Haïti, cette île surnommée "la perle des Antilles, défigurée dévastée en 2010 par un séisme meurtrier. Ils se font ainsi les messagers de relations et de communications fraternelles avec le peuple haïtien, tout en veillant à la reconstruction de bibliothèques détruites par le tremblement de terre. Dans cette première émission d’une série de trois, le chancelier de Broglie raconte l’état dans lequel il a trouvé Haïti et en rappelle les principaux moments historiques.

Gabriel de Broglie, Chancelier de l’Institut de France et Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie Française, se sont rendus en Haïti du 5 au 8 septembre 2012, pour visiter les programmes de reconstruction mis en œuvre par l’association Bibliothèques Sans Frontières, BSF, laquelle a obtenu le grand prix culturel de la fondation Louis D. Ce prix important d’un montant de 750 000€ fut en effet attribué à cette ONG, en 2010, suite au terrible séisme qui endeuilla dramatiquement celle que l’on appela au cours des siècles « la perle des Antilles ».




La France et son Institut, en la personne de Madame Carrère d’Encausse et Mr. de Broglie, veillent fraternellement et matériellement à la belle santé de la vie culturelle en Haïti






Canal Académie a le plaisir de recevoir le Chancelier Gabriel de Broglie pour recueillir dans un premier temps ses impressions et réactions à la suite de ce voyage.

« C’était là mon premier voyage en Haïti ; j’étais allé plusieurs fois dans les Antilles, pas toutes , par exemple, plusieurs fois à Porto-Rico, mais en Haïti jamais. Ce fut donc pour moi, une découverte, avec tout de même une idée, un présupposé qui est l’histoire d’Haïti, une histoire qui m’intéresse beaucoup car elle nous fait plonger dans les racines même de la Révolution française".

Les Antilles sont un vaste archipel situé dans la mer des Caraïbes qui forme un arc de cercle de 3500Km de long depuis Cuba jusqu’au large du Venezuela, couvrant environ 235 000 Km² de terres émergées pour 42 millions d’habitants.



Carte d’Hispaniola






La république d’Haïti est l’un des pays de ces grandes Antilles ; sa capitale est Port-au-Prince ; la population d’Haïti est estimée à 10 millions d’habitants avec nombre de citadins et une population majoritairement chrétienne.
Port-au-Prince est peuplée par deux millions et demi d’habitants, suite à un important exode rural qui se poursuit d’ailleurs ; il y a donc une grande concentration de population dans cette capitale, qui avant la catastrophe du séisme, était une ville d'importance. L’île était belle avec ses paysages, ses architectures de villes aux vestiges anciens tout à fait intéressants et que l’on ne peut retrouver et contempler dorénavant que dans des livres, parus avant 2010.

Le désastre est arrivé en janvier 2010, un séisme épouvantable qui a atteint surtout la région de Port-au-Prince. 200 000 morts, en quelques instants, et des millions de sans-abris ; la terre a tremblé si violemment, que certains quartiers ont été entièrement dévastés, d'autres ont heureusement mieux résisté.


"Pendant que nous étions là-bas, la terre a continué de trembler ; il y a eu des secousses la nuit" raconte le Chancelier de Broglie.

Haïti comme tout le reste de l’île d’Hispaniola se trouve en effet dans une zone sismique très active, entre deux plaques tectoniques, la plaque nord-américaine au Nord et la plaque caraïbes au Sud.

Et notre invité de poursuivre son récit :

"Ce qui est frappant, c’est que le centre-ville a été très éprouvé et démoli ; en revanche, les collines tout autour, ont été, en partie épargnées. Or, les belles habitations se situaient-là, sur ces collines environnantes ; il s’est donc produit non seulement un dramatique événement, mais en plus une sorte d’injustice sociale.
C’est un pays cruellement, désespérément éprouvé, que nous avons découvert ; ce n’était plus la perle des Antilles, mais un pays qui fend le cœur, tant on se sent porté par un mouvement de sympathie envers ces terres et ces populations excessivement pauvres ; oui, à cause de ce séisme, Haïti est devenu l’un des pays les plus pauvres de la planète..."

Madame Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie Française et Monsieur Gabriel de Broglie, Chancelier de l’Institut de France, à Port-au-Prince, en Haïti du 5 au 8 septembre 2012, pour visiter les programmes de reconstruction mis en œuvre par l’association : Bibliothèques Sans Frontières

Nous sommes restés à Port-au Prince, car on ne peut circuler aux alentours, les routes sont en trop mauvais état ; il est déjà très difficile de circuler dans Port-au-Prince.
Deux ans après, Haïti reste en détresse. Les problèmes de sécurité dans la ville ne sont toujours pas résolus.


Quelques mots d'histoire

Historiquement parlant, Haïti a des pages communes avec notre histoire de France. Tout commence avec la découverte de Christophe Colomb qui en découvrant les Antilles pense découvrir l’Amérique. L’Île fut espagnole d’abord et s’est appelée longtemps Hispaniola.

Puis, vers 1640, des flibustiers français débarquent sur l’Ile de la Tortue, au nord-ouest d’Haïti, à l’époque même où se créait à Paris l’Académie Française (1634) ; donc il est à noter que la langue française existe de façon très ancienne en Haïti.
Ces flibustiers français étaient sans aucune organisation sociale ; cependant, à partir des traités de Ryswick, signés en 1697 qui mirent fin à la Guerre de la ligue d'Augsbourg entre Louis XIV et la Grande Alliance, le Roi de France exerça sa souveraineté sur la moitié de l’île ; il y eut donc, à partir de ce moment-là, une séparation politique verticale sur l’île qui fut coupée en deux : avec, à l’ouest l’Espagne, à l’Est, la France ; Haïti devint l’une des Antilles françaises, surnommée : la perle des Antilles. Cette très belle contrée a été considérée pendant longtemps, comme une terre d’investissement formidable avec un grand nombre de plantations de canne à sucre et autres denrées.

L’agriculture y étant florissante, il était devenu très à la mode, pour les Français aisés de Paris, de Versailles, d’acheter des plantations en Haïti ; certaines qui subsistent encore, ont gardé leurs noms d’autrefois. Jusqu’à la Révolution, ce fut une économie florissante.

Mais on ne peut manquer d'évoquer la révolte des esclaves car l’esclavage est un phénomène qui a marqué profondément l’histoire d’Haïti.

"Devant ces pages historiques, reconnaît Gabriel de Broglie, nous ne pouvons qu’être émus, elles suscitent en nous tant d’interrogations. Et je dois dire que l’une de mes découvertes en Haïti, est celle

Toussaint Louverture, en uniforme de Général de la Révolution, chasse les Français et libère les esclaves en Haïti

de cette conscience historique immanente ; le rappel du souvenir de tous ces évènements terribles qu'Haïti a connus est encore très présent dans la conscience de la population et de son élite intellectuelle. Tous parlent, évoquent ces évènements historiques avec douleur, romantisme, poésie. Il y a une verve poétique en Haïti qui frappe beaucoup, un goût du langage, de l’imagination, très vivants, très présents, malgré les siècles écoulés. Le témoignage des souffrances d’une ancienne société qui s’est révoltée. Toussaint Louverture s’est révolté au nom des principes de la Révolution. C’est magnifique. En invoquant ces principes et en portant l’uniforme d’un général de la Révolution, Toussaint Louverture a chassé les Français, une première fois, puis libéré les esclaves. Cela a été la première abolition de l’esclavage.

Acte écrit de Toussaint Louverture contre l’insurrection de 1801.

Le consulat envoya une armée pour reconquérir Haïti et rétablit l’esclavage. Les révoltés reprirent leur révolte et l’emportèrent une seconde fois. Sans me laisser aller à des anecdotes, je voudrais dire qu’au moment où les armées du consulat furent défaites, il y avait au sein même de ces armées, une légion polonaise enrôlée dans l’armée française, qui débarqua en Haïti. Or, cette légion polonaise se rendit vite compte qu’il lui était demandé de lutter contre des esclaves qui venaient d’obtenir leur libération. Ses soldats se sont alors souvenus que nombre d’entre eux avaient été aussi des esclaves, mis en esclavage par des Russes ; ils passèrent du côté des esclaves haïtiens et les aidèrent et soutinrent dans leur révolte. Cette fraternisation polonaise reste présente dans les souvenirs des Haïtiens d’aujourd’hui ; les armées du consulat défaites rembarquèrent et l’indépendance d’Haïti fut proclamée en 1804. Ce qui a fait dire à certains Haïtiens qu’Haïti est le seul pays au monde à avoir vaincu Napoléon… Première république noire au monde, Haïti a continué de vivre son indépendance très sérieusement, très consciencieusement si je puis dire.



Le Mupanah en Haïti





"Il y a un lieu qui est très extrêmement émouvant à visiter qui s’appelle le Mupanah ; c’est un monument au centre d’Haïti. Il est fragile mais n’a pas été touché par le tremblement de terre. C'est à la fois un monument national, un panthéon, un arc de triomphe avec aussi une partie musée des beaux-arts.

Après cette première émission qui nous a permis de découvrir à notre tour, Haïti, le Chancelier de l’Institut de France, Gabriel de Broglie, fera le point, au cours de deux autres émissions, sur l’action engagée par l’ONG « BSF », une action rendue possible grâce à l’attribution du Grand Prix Louis D. de l’Institut de France.

« Au lendemain du séisme, le monde entier a été vraiment atterré, et toute la communauté internationale s’est demandée ce que l’on pouvait faire pour venir en aide à Haïti ; l’Ambassade de France, une belle villa haïtienne avait été complètement détruite par le séisme ; l’Ambassadeur avait mis son jardin à disposition pour établir des camps de toile et accueillir les sinistrés. La communauté internationale a essayé de venir au secours d’Haïti, les organisations non gouvernementales, bien sûr, l’ONU, l’UNESCO, les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, l’Union Européenne, mais le pays qui a le plus fait pour Haïti, c’est la France ; beaucoup d’actions ont été engagées pour lui porter secours.

L’Institut de France a dans sa vocation des actions de bienveillance, de générosité, de mécénat aussi ; apprenant qu’il n’y avait plus de bibliothèques en Haïti, qu’elles avaient été détruites, notre premier mouvement a été de dire : nous allons nous porter à ce secours là ; essayons de sauver les livres pour que la culture, la littérature, la transmission des connaissances et du savoir continuent de vivre au sein du peuple haïtien. »



Gabriel de Broglie, Chancelier de l’Institut de France poursuivra le récit de sa visite et de son voyage en république haïtienne, au cours de deux autres émissions sur Canal Académie diffusées très prochainement.


Ecoutez d'autres émissions sur Haïti :

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