Autour de l’affaire Servet : Calvin et la liberté de penser

Les regards croisés du pasteur Vincent Schmid et du philosophe Olivier Abel
Avec Virginia Crespeau
journaliste

L’affaire Servet pose un cas de conscience : peut-on tuer au nom de la doctrine chrétienne ? Vincent Schmid, pasteur à la Cathédrale Saint-Pierre et Olivier Abel, professeur d’éthique à la Faculté de théologie protestante de Paris, sont réunis devant les micros de Canal Académie pour évoquer le Réformateur Jean Calvin ainsi que Sébastien Castellion qui prit la défense de Michel Servet.

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : rc505
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Cette émission nous fait découvrir comment l’affaire Michel Servet fit exploser le débat dans le monde protestant autour de la question : peut-on tuer pour défendre une doctrine chrétienne ?
Une question toujours d’actualité.

Sébastien Castellion
(1515-1563)


Quand les Genevois tuèrent Servet, ils ne défendirent pas une doctrine, ils tuèrent un homme écrivit Sébastien Castellion pour prendre la défense de Michel Servet, médecin, géographe, mathématicien, astrologue espagnol qui fut arrêté, jugé et condamné au bûcher pour hérésie, en 1553 sur recommandation de Calvin ; prudent toutefois, Castellion publia le Traité des hérétiques sous un pseudonyme.
Des siècles plus tard, l’écrivain Stefan Zweig, en pleine montée du nazisme, prendra clairement le parti des humanistes contre Calvin en écrivant « Où est la liberté de penser quand le bûcher sanctionne l’expression d’une idée différente. La liberté du chrétien n’est-elle pas un fondement de la Réforme ? »

Comment Calvin réagit-il à ce cas de conscience ainsi posé par l’affaire Michel Servet ?

Pour Vincent Schmid « il faut rappeler que Castellion est de la génération qui vient après celle de Calvin, Calvin est donc l’ainé ; jeune étudiant à Lyon, Sébastien Castellion lit l’ouvrage à succès de Calvin Institution de la religion chrétienne, première édition, il est ébloui comme nombre de ses contemporains ; il tente de rencontrer Calvin à Strasbourg, et là-bas, il va pouvoir faire partie du séminaire que dirige Calvin pour former les futurs pasteurs, pendant cette période de bannissement de Genève.

De retour à Genève, Calvin va créer le Collège, une école préparatoire à la théologie ; pour assurer la direction du collège, il pense à Mathurin Cordier qui n’est pas disponible ; Calvin fait donc venir à Genève Sébastien Castellion et lui confie la direction du collège.
Mais très rapidement les choses vont se détériorer… Castellion veut avoir sa propre édition de la Bible, il veut devenir pasteur mais n’a pas les mêmes idées que Calvin sur plusieurs points ; il va donc devoir quitter Genève et s’exiler ; à partir de là il y a une rupture qui va dégénérer, s’envenimer plus gravement à partir de l’affaire Servet ; l’amitié entre Calvin et Castellion ne durera en conséquence qu’un certain temps.

Stefan Zweig
(1881-1942)

A propos de la citation de Zweig, une remarque : lorsque Zweig écrit en 1936 au moment de la montée du nazisme, il se sert de cette histoire comme d’une parabole pour raconter un vécu qui lui semble contemporain mais il faut toutefois veiller à l’anachronisme même si Zweig est un grand écrivain, là n’est pas la question. Lorsque Zweig dit que la liberté de penser appartient à la Réforme, elle appartient à la Réforme aujourd’hui au 20ème siècle, ce qui n’était absolument pas le cas au 16ème siècle, ni Calvin ni les autres grands réformateurs n’ont voulu d’aucune façon établir la liberté de penser ou de croire dans leurs églises ; c’est quelque chose qui est venu par la bande, par le retour du « réfouler » de cette source humaniste à laquelle la Réforme s’était nourrie et qu’elle avait ensuite avec une certaine ingratitude rejetée. C’est cela, la problématique Castellion ».

Oliver Abel : « Le drame, ce que Castellion reproche à Calvin après l’exécution de Servet, c’est de n'avoir pas été cohérent. Calvin n’a pas pratiqué ce qu’il avait dit, ce à quoi il avait appelé les chrétiens ; tous les arguments de Castellion sont des arguments empruntés à Calvin… Calvin homme de pouvoir, homme d’église, homme politique ne va pas faire ce que l’on attendait qu’il fît dans le cadre de l’affaire Michel Servet ; ce fut un choc pour ses contemporains et pour tous ses amis. »

Cette émission nous fait découvrir comment l’affaire Michel Servet fit exploser le débat dans le monde protestant autour de la question : peut-on tuer pour défendre une doctrine chrétienne ?
Un e question qui reste toujours d’actualité.

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