Patrick de Carolis reçu sous la Coupole du quai Conti à l’Académie des beaux-arts
Il n’y a rien de plus beau que de donner à ses enfants des racines et des ailes disait Romain Gary. Sincère et belle maxime qu’a fait sienne, et un peu nôtre via la télévision, Patrick de Carolis en créant le magazine culturel bien connu, « Des racines et des ailes ». Le nouvel académicien est "installé" au sein de l’Académie selon les mots en usage dans cette compagnie. Ici point de réception ou d’éloge mais une installation. Un mot qui vous sied peu comme le souligne son confrère Hugues Gall qui l’accueille lors de cette belle cérémonie sous la Coupole, dans la section Membres libres de l’Académie des beaux-arts. "Libre" un mot qui lui est cher, en accord parfait avec son prédécesseur André Bettencourt auquel il rend un vibrant hommage.
Le mercredi 12 octobre 2011 Patrick de Carolis a donc été installé au sein de l’Académie des beaux-arts sous la Coupole de l’Institut de France où il a été élu, plusieurs mois auparavant, dans la section des « membres libres » le 5 mai 2010 au fauteuil d’André Bettencourt.
Une section peut-être moins connue du grand public que la section de peinture, de sculpture, de gravure ou de photographie. Elle tire son origine de la section d'histoire et théorie des arts, créée en 1815. Elle regroupe des artistes non représentés dans les autres sections et des personnalités émérites du monde de l'art et de la culture. Actuellement, huit noms se partagent cette section : Michel David-Weill, Pierre Cardin, Henri Loyrette, François-Bernard Michel, Hugues R. Gall , Marc Ladreit de Lacharrière, William Christie et désormais Patrick de Carolis.
Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de cette séance sous la Coupole, au cours de laquelle vous entendrez Hugues Gall, élu comme Patrick de Carolis dans la section des membres libres de l’Académie en 2002, prononcer ce qu’on appelle « le discours d’installation » du nouvel académicien.
Puis en réponse, selon l’usage, vous pourrez écouter le discours de Patrick de Carolis, qui retrace la vie et les travaux de son prédécesseur André Bettencourt, homme politique, ministre et grand mécène, décédé en 2007, à qui il succède.
Hugues Gall commence son discours en rappelant les choses qui fâchent et qui soudent ceux qui ont traversé l'adversité : l'annonce de la décision de supprimer la publicité sur les chaînes du service public par le Président de la République Nicolas Sarkozy le 8 janvier 2008, fut un indéniable coup dur pour Patrick de Carolis, alors président de France Télévisions, et une révolution pour tout le paysage de l'audiovisuel français. C'est dans l'écriture et la poésie que le journaliste de formation trouve refuge. Une action salvatrice qu'il a découverte depuis longtemps car poètes, vers et poésies sont ses amis depuis l'enfance.
Mais quel mots choisir pour le définir ? Journaliste, producteur, chef d'entreprise, écrivain, poète, danseur dont il a l'élégance et la rigueur, lui qui faillit en embrasser la carrière ? Hugues Gall retrace son parcours qui débute en 1973 à Inter 3 (ancêtre de France 3). Il a alors vingt ans. En 2010, il quitte France Télévisions et se ressource dans l'écriture de son roman historique La Dame du Palatin. Entre temps, il connaît, l'expérience de La Cinq puis la direction de l'information sur M6. En 1997, il crée et anime le magazine culturel Des racines et de ailes jusqu'en 2005. Mais il est aussi Directeur du Figaro Magazine de 2001 à 2004.
Il crée, en 2001, le festival Les Éclectiques de Rocamadour autour de la danse, de la musique et du théâtre. Les arts vivants, qu'il a toujours chéris ayant découvert la danse classique dès son plus jeune âge, le Conservatoire d'art dramatique à 14 ans, occupent dans sa vie, avec l'écriture une place centrale. Parler de Patrick de Carolis sans parler d'Arles serait presque une faute, tant il aime ce pays où il est né en 1953, celui qui fascina Van Gogh et que chanta le félibre Mistral, un amour qu'il partage avec son confrère académicien Lucien Clergue.
Extraits du discours d'Hugues Gall
ÉCLECTISME : le voilà votre choix.
Mais avant d’être le passeur, pour être le bon truchement, il fallait être l’ami et le confident.
Le confident de ceux qui savent, hommes de culture et de connaissance, souvent rebutés par l’insupportable accelerando du temps télévisuel, et par le niveau intellectuel – si l’on peut dire – de la plupart des programmes.
L’ami des publics, ensuite, souvent étrangers à ces temples du savoir ou de la culture dans lesquels ils se sentent souvent de trop, faute de codes, faute de guides. Il fallait leur en rendre les clefs. Il fallait, je vous cite, « rendre l’intelligence intelligible ».
Car vous l’avez, vous, ce respect, cet amour du grand public qui manque tant aux chapelles. Vous êtes proche de ce Van Gogh qui résumait sa quête, dans un merveilleux raccourci :
« Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens ».
Et lorsque l’on vous demande votre maxime, vous répondez simplement : « Toujours partir de l’humain, car seul ce qui est humain peut être directement partagé ». Ce n’est pas une pirouette de journaliste, c’est votre conviction profonde, c’est aussi votre engagement personnel. N’êtes-vous pas totalement impliqué dans la démarche de CARE France dont vous êtes l’administrateur bénévole ?
En juillet 2005, alors que vous veniez d’être élu président de l’audiovisuel public, tout ce que Paris compte de malicieux, de jaloux et d’intrigants, se gaussait, « son programme, c’est… Des racines et des ailes ». Ils ne croyaient pas si bien dire : c’est sans doute sur cette expérience que vous avez bâti, et avec quel succès, l’essentiel du programme éditorial de France Télévisions.
Patrick de Carolis a rendu hommage à André Bettencourt en commençant son discours par renouer avec la chaîne du temps, avec celui qu'il n'a pas connu, en évoquant le discours sous la Coupole de son prédécesseur en 1992, un héritage d'honneur que se transmettent l'un et l'autre les membres de la Compagnie.
Normand d'origine, André Bettencourt (1919-2007) fut aussi un jeune journaliste de vingt ans qui collabora à la presse pétainiste où il écrivit des propos antisémites qu'il a considérés plus tard comme une faute. En 1943, il s'engage dans la Résistance au Rassemblement National des Prisonniers de guerre. C'est là qu'il rencontre François Mitterrand. Le 9 mai 1944, lorsque le général De Gaulle forme un gouvernement d'unanimité nationale, Henry Fresnay est nommé Ministre des Prisonniers, réfugiés et déportés. Sur les conseils de François Mitterrand, il appelle André Bettencourt à son cabinet.
S'ensuit une carrière politique, ministre de Pierre Mendès-France, du Général De Gaulle et de Georges Pompidou. Sénateur pendant vingt ans, il a servi sa terre natale, comme le rappelle Patrick de Carolis, possédant de façon innée "le sens du pays". Il épouse Liliane Schueller dont le père chimiste et homme d'affaire a fondé l'Oréal. Passionné d'art et proches des artistes, il fut un très grand mécène. En témoignent les prix de sa fondation, la Fondation Bettencourt-Schueller, distribués chaque année aux artistes, et la création de la galerie Artcurial.
Extrait du discours de Patrick de Carolis
Dans un livre-souvenir qu’il destinait à ses proches, André Bettencourt écrira : « le regard tourné vers ma femme que je souhaite conclure ces souvenirs. Elle a été toute ma vie. […] Liliane avait tout. Il était difficile d’apporter à une femme qui avait tant. J’ai choisi l’amour et la douceur […]. »
Peu de temps après son mariage, André Bettencourt est associé à la direction de la firme l'Oréal.
Déjà, il cherche la beauté, comme une promesse de bonheur, un regard neuf posé sur le monde. Il la trouve d’abord dans l’entreprise de son beau-père. L’Oréal devient l’un des symboles de l’élégance française, accompagnant chacune des évolutions de la société, démocratisant la beauté, offrant le raffinement des soins corporels à toutes les femmes.
Sa fille, Françoise, son unique enfant, est l’autre amour de sa vie. Il aimait sa pureté et sa droiture, qualités si rares et si précieuses.
Quand l’un d’eux disparaît, c’est un peu de la magie du monde qui s’évanouit.
L’art révèle nos émotions profondes et nos vérités dormantes. Il est la clé à la fois de notre intériorité et de notre universalité. «Vivre vraiment, nous rappelle Edgar Morin, c’est vivre poétiquement». Oui, je le crois, l’art est la poésie de la vie.
Plus que jamais, les Français ont besoin de cet oxygène-là : la culture d’une société, c’est l’art qu’elle respire. Certes, le mécénat est essentiel mais il ne peut, à lui seul, combler toutes les carences. L’Etat doit assumer son rôle et fixer le cap de la politique culturelle de la nation.
Dans ce cadre, André Bettencourt avait compris l’importance de la télévision. Lors de son passage rue de Valois, c’est lui qui initie, avec son directeur de cabinet Gabriel de Broglie, aujourd’hui Chancelier de l’Institut, la première charte entre l’ORTF et le Ministère de la Culture.
Parmi les invités sous la coupole de l'Institut de France, ce jour-là, Bernadette Chirac avec laquelle Patrick de Carolis a écrit un livre d'entretien, Bernadette Chirac avec Patrick de Carolis, Conversation. Lilianne Bettencourt et sa fille Françoise Bettencourt-Meyers étaient réunies sous la Coupole pour écouter l'hommage rendu à André Bettencourt par l'académicien.
Pour en savoir plus
- Patrick de Carolis sur le site de l'Académie des beaux-arts
- Hugues Gall sur le site de l'Académie des beaux-arts
- [Erik Desmazières sur le site de l'Académie des beaux-arts
->http://www.academie-des-beaux-arts.fr/membres/actuel/gravure/index.html]
Patrick de Carolis interviewé sur Canal Académie :
-La Dame du Palatin, un roman de Patrick de Carolis : La belle Arlésienne épargnée par Néron
Hugues Gall interviewé sur Canal Académie :
-Hugues Gall, de l’Académie des beaux-arts, et l’opéra