Le mythe de Thésée et la musique de Lully, par Danièle Pistone, correspondant de l’Académie des beaux-arts

Une tragédie à grand succès, tombée dans l’oubli, puis remise au goût du jour...
Avec Danièle PISTONE
Correspondant

Parmi les 14 tragédies lyriques que composa Jean-Baptiste Lully (1632-1687), on trouve Thésée (1675) sur laquelle se penche dans cette émission, Danièle Pistone, correspondant de l’Académie des beaux-arts. Cette émission fait partie d’une série présentant trois mythes grecs dans l’art, la littérature, la musique : Prométhée, Narcisse, Thésée. De nombreux académiciens, écrivains, peintres ou musiciens, se sont en effet inspirés de la mythologie dans leurs œuvres.

C'est devant Louis XIV et sa Cour que Jean-Baptiste Lully (1632-1687) composa Thésée. Représenté à l'Opéra de Paris jusqu'en 1779, cette tragédie a ensuite disparu après un siècle de représentation ! Pourquoi ? Pour Danièle Pistone, «le goût artistique est un mouvement pendulaire, d'abord on aime quelque chose, puis après on l'oublie...», cependant si cette pièce de Lully est restée au répertoire tant de temps cela montre la force des œuvres du compositeur. Mais cette longévité est également due à la qualité de son livret. Réalisé par Philippe Quinault (1635-1688), ce livret a été de nombreuses fois repris comme par exemple par Haendel, et il a continué a inspirer les artistes . Danièle Pistone souligne cette curiosité contemporaine qui l'a remis au goût du jour.

Peut-on parler de Thésée comme d'un opéra novateur?

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)

A cette question la musicologue souligne l'importance de l'époque à laquelle Lully commence à écrire ses ouvrages. En effet, alors que les compositions de ses compatriotes italiens règnent sur la période baroque, Lully va imposer un style qui vient davantage de l'héritage hexagonal. Il reprend l'Académie de musique et va accorder plus d'importance à la pastorale, aux chœurs, aux ballets. C'est un style qui doit ses particularités aux répertoires préexistants, mais aussi au type de fonctionnement de l'opéra français. L'opéra italien est un opéra qui fonctionne sur le principe de la stagione, de la saison, autrement dit vous ne pouvez jamais avoir beaucoup de chœurs, de ballets car cela coûte très cher. De plus, dans le mode d'organisation de la tragédie lyrique à la française tel que le conçoit Lully, il y a déjà une innovation fondamentale, c'est le principe de ce privilège opératique français dont bénéficie Lully, il faut i rappeler que ce principe vient de la cour, car c'est bien l'opéra de Cour, qui est d'usage pendant des années. Le prologue, par exemple, doit être un hymne au Roi-Soleil. Le prologue dans Thésée, se déroule dans les jardins du château de Versailles dans lesquels des allégories se plaignent de l'absence du roi Louis XIV.
Danièle Pistone nous rappelle également l'importance qu'accordait Lully au langage : «Le langage qu'il utilise, dans le style solennel pointé rappelle également cet opéra d'hommage au suzerain soleil.»


Gravure de Chauveau, livret de Thésée, Paris, Christophe Ballard, 1675, (collection particulière)



Un renouveau dans l'opéra d'aujourd'hui?

Pour Danièle Pistone, c'est dans le domaine de la scène lyrique qu'on a pu observer le plus d'innovations avec notamment le théâtre musical dans les années 1960. «L'opéra de déclaration lyrique, loin de la réalité a commencé à plaire de moins en moins et donc le théâtre musical est devenu un genre nouveau en France, et puis à la fin des années 80 début 90 on est revenu à un opéra plus classique». Soyons-en certains, il y aura toujours des innovations dans l'opéra, notamment avec l'utilisation de l'électronique. Sans cesse, de nouveaux langages apparaissent. En atteste l'opéra Les Paladins de Jean-Philippe Rameau, joué en 2004 au Théâtre du Châtelet, dans lequel chorégraphies et vidéographies se succèdent. Cependant, l'innovation ne passe pas seulement par le répertoire, mais aussi par la mise en scène. Ainsi, Danièle Pistone rappelle la mise en scène d'un opéra de Richard Wagner, dans lequel les héros arrivent sur scène par ascenseur.

Quoi qu'il en soit, le mythe de Thésée perdure et le personnage de Thésée intéresse toujours : «l'opéra Dédale (1995) d'Hugues Dufourt, par exemple, qui porte sur l'architecte du labyrinthe, laisse une part belle à Thésée...» : le mythe de Thésée est une source d'inspiration perpétuelle.




















En savoir plus:




- D'autres auteurs se sont inspirés de ce thème. Il est intéressant de revoir les œuvres antiques telles "la vie de Thésée" dans La Vie des Hommes Illustres de Plutarque (éditions Charpentier) ou l'Hippolyte d'Euripide, mais aussi de consulter des auteurs classiques comme Racine et son Phèdre ou contemporains avec L'Amour de Phèdre de la dramaturge britannique Sarah Kane.


Il est surtout important de ne pas négliger le mythe de Thésée dans l'Art. S'il a été un sujet passionnant pour les compositeurs, comme par exemple le Teseo (1713) de Georg Friedrich Händel, il a surtout amplement inspiré peintres et sculpteurs.


Regardez quelques ouvrages antiques comme l'amphore d'Euthymédès représentant Thésée enlevant Hélène (vers 510 avant J.-C., Munich) et consultez un vaste ensemble d'œuvres traitant du sujet : Combat des Lapithes et des Centaures : L'enlèvement de Deidamie, sauvée par Thésée (1636-1637, musée du Prado) de Pierre Paul Rubens, Thésée retrouve l'épée de son père (1638, musée Condé de Chantilly) de Nicolas Poussin, Thésée combattant le Minotaure (1843, musée du Louvre) d'Antoine-Louis Barye, Minotaure (1886, musée Rodin) d'Auguste Rodin ou encore Ariane et Thésée (1890, musée Gustave Moreau) de Gustave Moreau.


- Pour aller plus loin n'hésitez pas à consulter le Dictionnaire amoureux de la Grèce de Jacques Lacarrière :

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