Jules Michelet : La République des oiseaux et La mer
Si Michelet est passé à la postérité comme historien et héraut de la République, découvrez-le ici comme écrivain naturaliste, avocat plaidant pour les oiseaux et les baleines, nos "frères inférieurs". Témoignant d’une lucidité quasi prémonitoire, Jules Michelet invite, dès 1850, les hommes à des comportements moins excessifs vis-à-vis de la nature...
Si les Éditions de l’Herne sont connues par leurs célèbres « Cahiers de l’Herne », de gros volumes consacrés à de grands auteurs, - et tout récemment Canal Académie a évoqué le Cahier Michel Déon, avec Michel Déon lui-même (Les passions de Michel Déon, de l’Académie française : lecture, écriture, peinture... et quelques autres aussi !) -, leur collection de « Carnets » mérite amplement l'attention. Car elle propose, dans de petits formats, moins de 100 pages, des textes d’auteurs, textes inédits, retrouvés, republiés, bref des textes précieux.
Cette collection est dirigée par Laurence Tacou, la présidente des éditions de l’Herne Les Cahiers de l’Herne, des monographies de référence et par François L’Yvonnet, invité de cette émission, qui est professeur de philosophie pour les classes préparatoires à Versailles et qui a assuré la présentation de ce Carnet de Michelet.
Intitulé la République des oiseaux, ce Carnet offre en vérité deux textes, La République des Oiseaux et La Mer dans lequel Michelet, c’est une surprise, se penche sur le sort des baleines.
On connaît Michelet comme historien, comme "héraut" de la mythologie républicaine : François L'Yvonnet situe ici ces textes surprenants dans l’œuvre de Michelet.
Rappelons que Michelet, né à Paris en 1798 et mort en 1874, était membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Il y avait été élu le 24 mars 1838 dans la section Histoire, bien sûr. Après avoir enseigné cette discipline dans plusieurs grands établissements, il a tenu la chaire d’histoire et de morale au Collège de France. Mais ses idées politiques vont le priver de cette chaire et de sa charge d'archiviste.
Son Histoire de France comporte 17 volumes, publiée entre 1833 et 1846. Mais son œuvre ne se limite pas à cela.
- La République des oiseaux a été publié en 1856. C'est une sorte de parabole sur la notion d'apprentissage et donc une réflexion sur l'éducation. A partir de l'exemple des oiseaux, l'auteur, très justement informé au demeurant sur les comportements et les mœurs des animaux, médite sur les rapports de l'individu et du groupe.
- La mer, paru en 1861, est un vigoureux plaidoyer en faveur des baleines (déjà menacées d'extinction à l'époque à cause de la chasse au harpon... on apprend aussi qu'en 1725, huit femelles s'étaient échoués près de l'embouchure de l'Elbe, même scène en 1784 en Bretagne). Michelet révèle une profonde sensibilité naturaliste. Il plaide pour un droit de la mer ! Écoutez-le :
« La mer, qui commença la vie sur ce globe, en serait encore la bienfaisante nourrice, si l'homme savait seulement respecter l'ordre qui y règne et s'abstenait de le troubler. »
Il se montre d'une lucidité totale : une lucidité prémonitoire, écrit François L’Yvonnet dans sa présentation. Lucide sûrement car la nature pour Michelet n’est pas que beauté et douceur, elle offre aussi des côtés tragiques qu'il ne manque pas de rappeler.
Cette grande figure laïque, qui fut, pour les insurgés de 1848 une sorte de conscience, ce prédicateur républicain impénitent, celui qui a ressuscité des pans entiers de notre histoire médiévale (dont la figure de Jeanne d'Arc) considère "nos frères d'en bas", les animaux, sans condescendance. Voici Michelet devenu, autant qu'Hugo, "Ami des bêtes", l'avocat des humbles sans parole...
À écouter aussi nos émissions, avec François L'Yvonnet, sur deux autres Carnets de l'Herne concernant des académiciens :
- Soliloque du prisonnier de Charles Maurras
- Le despotisme démocratique selon Tocqueville