Lucien Clergue évoque les Etats-Unis : Clergue in America 1961-2010, une exposition en pays d’Arles
L’œuvre du photographe Lucien Clergue est suffisamment dense pour être présentée sous plusieurs angles. Cet arlésien de naissance, co-fondateur des Rencontres internationales de la photographie d’Arles, a séjourné, plusieurs fois aux Etats-Unis entre 1961 et 2010. L’exposition au Palais de l’Archêché à Arles, du jeudi 31 mars au dimanche 1er mai, présente 150 photographies du premier photographe à être entré à l’Institut, au sein de l’Académie des beaux-arts : entretien avec l’artiste Clergue in America.
Lucien Clergue a abordé plusieurs thèmes qu'il a su renouveler : les nus féminins, le paysage, le portrait. On lui doit de formidables photographies de la Camargue, des Gitans de son pays, de la tauromachie, des œuvres en surimpressions, des portraits de Picasso et de tant d’autres.
L'exposition au palais de l'Archevêché, place de la République à Arles du jeudi 31 mars au dimanche 1er mai, présente près de 150 œuvres sélectionnées par la commissaire d'exposition Anne Clergue, sa fille, à partir des innombrables clichés pris par le photographe au cours de ses nombreux séjours en Amérique.
Lucien Clergue entretient avec l’Amérique des liens profonds. Pourquoi et comment le Musée d’art moderne de New-York, le MoMA décide–t-il, en 1961, de faire confiance à ce jeune photographe de 27 ans en lui proposant de présenter sa première rétrospective ?
Un mécène suisse prend en charge les frais d'avion de notre jeune photographe désargenté et le couple Picasso et Jacqueline offre le voyage à sa fiancée Yolande, qu’il épousera par la suite. Lucien Clergue a rencontré en 1953 à ses jeunes débuts le vieux maître incontesté de l’art moderne qui voyait en lui un artiste en devenir. Le soutien du "maestro" fut déterminant pour le jeune photographe pour qui peinture et musique sonnaient d'un commun accord capable de nourrir sa fibre photographique.
A son arrivée à New-York, il se précipite pour admirer sur place Guernica de Picasso. Lucien Clergue voit que la toile -dont il nous dit dans cette interview, combien elle est proche d'une photo noire et blanc- voisine avec des photographies. Une cohabitation inconnue en France à la même époque. Une idée qu’il retiendra. Pendant plus de quarante ans, le MoMa a accueilli la toile que Picasso refusait de voir exposer en Espagne au temps du franquisme. Le peintre avait émis le souhait qu’elle y demeure, jusqu’à ce que la démocratie advienne en Espagne. On peut aujourd’hui l’admirer au musée de la Reine Sofia à Madrid.
A son retour en France, Lucien Clergue fait part à Jean-Marie Rouquette du statut de la photographie dans les musées américains. Tous les deux sont ainsi à l’origine de l’orientation photographique du Musée Réattu, une première en France pour l’époque.
Tout de suite, lors de ce premier séjour, certaines photographies du jeune Clergue sont achetées. Grâce à cet argent, il prolonge son séjour et photographie la ville avec un Rolleiflex 6X6 et son premier Réflex 24X36, donné sur place par la société Minolta.
Lucien Clergue est invité au MoMa par Edward Steichen, photographe, galeriste et conservateur au MoMA de 1947 à 1962 qui lui a acheté 9 photos avant l'exposition : 8 nus et 1 oiseau mort, une reconnaissance avant l'heure par l'auteur de The family of man (1953), dont la renommée et l'autorité dans le monde de la photo est alors internationale.
Robert Franck, reconnu alors comme le grand photographe de la société américaine pour la réalisation de sa série Les Américains en 1958 et William Eugene Smith, connu sous le diminutif de Gene Smith, une icône du photojournalisme, acceptent de venir le rencontrer à l'occasion d'une soirée donnée en son honneur pour sa première exposition au MoMA.
L’aventure de Clergue en terre américaine ne fait que commencer…Il refuse de travailler pour Vogue. Le Nouveau Monde s'offre à lui.
Fidèle à sa ville natale, où il vit toujours et où il y fonda "Les Rencontres de la Photographie d’Arles", lucien Clergue se rend régulièrement aux Etats-Unis, depuis ce premier séjour en 1961.
De ses voyages In America, il a réalisé des milliers de clichés, façonné son destin d’artiste et apporté son regard de méditerranéen en terre américaine. Centaure au pays des building, comme l'atteste cet autoportrait surprenant de 1988, pris à New-York, son rôle de passeur entre la photographie américaine et européenne, dans les deux sens, est indéniable.
Dans cette émission, il évoque encore la magie des lumières de New-York et de celles de Provence, leurs similitudes inattendues et leurs forces créatrices pour son oeil de photographe
Lucien Clergue a exposé dès 1958, à Paris. Mais son exposition de 1961 au Museum of Modern Art de New York, MoMa, marque un véritable tournant dans son parcours d'artiste. L'année suivante, il expose au Musée des Arts Décoratifs, au Pavillon de Marsan du Musée du Louvre. Lucien Clergue est lancé, suivront des expositions personnelles et collectives en France et à l'étranger, notamment aux Etats-Unis et au Japon.
Dans des appartements à New-York, ou dans les déserts de Californie, Clergue photographie des nus féminins, la nature et les signes qu'il y lit. Si la structure de l'œuvre est inscrite par ses longues "sagas", Lucien Clergue accorde une importance nouvelle à la couleur pour les extérieurs et semble réserver le noir et blanc aux intérieurs. Au fil du temps, la couleur s'impose quelque soit l'espace et le peintre-photographe se saisit des couleurs pour mieux dire le monde.
Il explique que la photographie Nu aux ombres (1986), prise au Nouveau Mexique, dans le désert de White Sands qui servit aux essais nucléaires américains, est une sorte d'hommage à cette célèbre photographie d'un de très rares murs encore debout au lendemain de l'explosion d'Hiroshima, et qui avait gardé l'empreinte d'une échelle posée là, comme photographiée par le flash atomique. «C'est pour faire quelque chose dans le même esprit», nous dit-il, qu'il demanda à son modèle de mettre les bras en croix derrière elle, ne gardant que leur ombre dans le cadrage.
Dans la réserve naturelle de Point Lobos en Californie -lieu mythique photographié par Edward Weston (1886-1958), où il s'est rendu de "façon obsessionnelle", dit-il, plusieurs fois, à 2 ou 3 ans d'intervalle- il a réalisé des photos où parlent les rochers et le sable, et l'imagination quand il photographie un nu aux étoiles. En 1983, lors de son dernier séjour, le célèbre photographe américain Ansel Adams -qui devait mourir un an plus tard- l'accompagne. Cette année-là, Lucien Clergue voit des signes de mort à Point Lobos. Il met alors un point final à cette saga des rochers mémorables.
Dans cette émission, il évoque aussi les polaroïds grands formats 50/60 qu'il a réalisés à Boston et les surimpressions qu'il a créées de l'autre côté de l'Atlantique, en 1999 et au début des années 2000.
Pour en savoir plus
- Lucien Clergue sur le site Internet de l'Académie de beaux-arts dont il est membre élu depuis 2006, au premier fauteuil de la section de photographie.
- Anne Clergue, commissaire d'exposition et agent d'artiste
- Ansel Adams, photographe américain (1902-1984), avec lequel Lucien Clergue s'est lié d'amitié.
- Association Lucien Clergue en pays d'Arles, contact : association crée en 2008 afin de maintenir et de conserver l'œuvre de Lucien Clergue à Arles.
- Informations pratiques sur l'exposition, Clergue in America
- Lieu : Palais de l’Archevêché - Place de la république
- Dates : Du Jeudi 31 mars au Dimanche 1er mai 2011
Heure : de 14h à 19h, sauf le lundi (de 13h à 19h pendant la Feria du 22 au 25 avril)
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Catalogue d'exposition, coordination éditoriale Anne Clergue, Clergue in America , Edition Sedicom World Grafic Design / Association Lucien Clergue en pays d'Arles, mars 2011
- Lucien Clergue sur Canal Académie :
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