La vertu des hommes du droit selon le chancelier d’Aguesseau
La vertu : tel était le thème de la journée d’étude organisée le 12 décembre 2007 à l’Académie des sciences morales et politiques à l’initiative du Centre de Recherches en Théorie générale du Droit. Plusieurs académiciens et juristes sont intervenus. Voici l’intervention de l’avocat historien du droit Jean-Luc Chartier : il évoque la figure vertueuse du Chancelier d’Aguesseau et sa conception de la vertu pour les avocats et magistrats.
Henri François d'Aguesseau (né à Limoges en 1668-1751) fut Chancelier de 1717 à 1750 et son opposition à Law lui valut par deux fois la disgrâce. Sa statue se dresse toujours devant l'Assemblée nationale à Paris. Saint-Simon dit de lui qu'il fut le plus grand Chancelier de son temps avec beaucoup de "qualités vertueuses". Voici donc le portrait d'un citoyen qui fut commandeur des ordres du roi pendant plus de 30 ans, bon époux, père excellent, et qui sut admirablement garder les lois et en faire de nouvelles !
C'est dans les oeuvres et les discours du Chancelier d'Aguesseau que l'on trouve les principes qui l'animaient et que l'on peut ainsi ressentir en quoi consistait pour lui la "vertu".
Elle présidait à tous ses travaux et pour la posséder, il fallait faire bon usage de sa raison. réprimer ses passions. D'Aguesseau admettait qu'il puisse exister une vertu naturelle qui fonde les devoirs de l'Homme (et pas seulement ses droits). Son grand principe peut se résumer ainsi : plus on conçoit la perfection, plus on conçoit ce qui peut nous éloigner d'elle.
L'avocat Alain Chartier, historien de cette époque, auteur d'un ouvrage sur Maupou, détaille ici les oeuvres du Chancelier d'Aguesseau, en cite de larges extraits, pour y déceler la vertu dans le droit :
- ses discours d'avocat général
- les Mercuriales de la Saint-Martin (date de rentrée du Parlement, le 11 novembre)
- les instructions pour former un magistrat.
La vertu apparait alors comme l'art de tenir les passions en équilibre.
Pour le Chancelier d'Aguesseau, qui ne cesse d'inciter à la vertu, les avocats et les magistrats ne sauraient exercier dignement leur profession sans vertu. Il les met en garde (notamment contre la cour et les salons), les incite à conserver leur indépendance, à renonce même à la fortune, à ne montrer aucune ostentation, à ne se soucier que du bien du peuple... Bref, la vertu en droit s'identifie à la grandeur d'âme.
Pour écouter les autres intervenants de ce colloque :
- Jacqueline de Romilly La vertu : les Grecs anciens n’ont cessé d’en parler ! par Jacqueline de Romilly
- Hélène Carrère d'Encausse L’Académie française salue toujours la vertu !
- Bertrand Saint-Sernin Les morales de la vertu, de l’antique à la chrétienne
- Jean Tulard La vertu entre le libertinage et la Terreur
- Philippe Malaurie Les dangers de la vertu totalitaire
- à lire aussi: