Les morales de la vertu, de l’antique à la chrétienne
La vertu : tel était le thème de la journée d’étude organisée le 12 décembre 2007 à l’Académie des sciences morales et politiques à l’initiative du Centre de Recherches en Théorie générale du Droit. Plusieurs académiciens et juristes sont intervenus. voici l’intervention de Bertrand Saint-Sernin, de l’Académie des sciences morales et politiques, philosophe des sciences et Théorie de la connaissance. Il établit une comparaison entre les conceptions antiques de la vertu, celle d’Aristote ou de Platon, et les conceptions chrétiennes, celle de saint Augustin entre autres.
Bertrand Saint-Sernin s’est penché sur les théoriciens des morales de la vertu.
Il remarque tout d’abord que ce sont des morales de l’accomplissement. Aristote y consacre une grande part de son Ethique à Nicomaque : chacun doit être fidèle à sa propre vocation.
Il souligne ensuite que ce sont des morales de la véracité : chacun doit rechercher le bien pour lui-même et pour les autres. Les morales de la vertu ont alors une dimension politique puisque la recherche du bien d’autrui est encadrée par le droit et les institutions.
Bertrand Saint-Sernin développe ensuite la notion de « juste milieu ». Il propose un exemple : devant un cas d’urgence, les secours se doivent d’agir rapidement mais il faut veiller à ne pas les épuiser. Il convient donc de développer un système qui allie rapidité et sécurité, donc un « juste milieu ». C’est ainsi que les morales de la vertu sont attentives à la fois au bien de l’individu et au bien collectif.
Aristote met en évidence les vertus mais aussi la disposition d’esprit pour y parvenir. La vertu est liée à la recherche du bien, elle mobilise les talents, les forces dont on dispose en vue de reculer les limites du possible, elle aide à atteindre le bien comme but transformé en tâche à accomplir.
Bertrand Saint-Sernin aborde également la différence entre la vertu antique et la vertu chrétienne. Il se réfère à Saint Augustin qui, dans La cité de Dieu cite de nombreux auteurs antiques stoïciens et reprend l’exemple du bateau en danger : pour Aulu Gelle (II ème siècle ap.J.-C.), est vertueux celui dont le jugement ne se trouble pas face au danger ; pour un chrétien, fait preuve de vertu celui qui pense d’abord à sauver autrui.
Abordant la question de la véracité dans les morales de la vertu, Bertrand Saint-Sernin évoque tour à tour « la mauvaise foi », le sens de la lucidité sur soi-même et à l’égard des autres et il fait référence à Kant qui a réfléchi sur cette véracité : « l’être humain a beaucoup de peine à épurer ses intentions ». Il évoque ensuite les moralistes français Montaigne, Pascal, Chamfort, la Bruyère et même Nietzsche pour lequel le mensonge à soi-même est une maladie chronique de l’âme ; le seul moyen d’arriver à la guérison est de pratiquer d’innombrables petits actes de vertu.
Enfin, Bertrand Saint-Sernin revient à Platon, détaillant sa conception d’une connaissance parfaite, mélange de l’intellect (nous) et des perceptions les plus belles.
Il rappelle que la vertu n’est pas l’apanage du sage et que les morales de la vertu insistent sur l’interaction entre les êtres.
Se montrant fin connaisseur de Thucydide, et reprenant la lecture de Platon en grec, l'académicien des sciences morales et politiques, philosophe des sciences, rejoint ainsi l'académicienne des Inscriptions et belles lettres et de l'Académie française Jacqueline de Romilly !
Pour écouter les autres intervenants de ce colloque :
- Jacqueline de Romilly La vertu : les Grecs anciens n’ont cessé d’en parler ! par Jacqueline de Romilly
- Hélène Carrère d'Encausse L’Académie française salue toujours la vertu !
- Jean Tulard La vertu entre le libertinage et la Terreur
- Jean-Luc Chartier La vertu des hommes du droit selon le chancelier d’Aguesseau
- Philippe Malaurie Les dangers de la vertu totalitaire
- à lire aussi: