"Paix et guerre" de Raymond Aron, relecture 50 ans après (2/2)
Dans cette retransmission des Entretiens de l’Académie des sciences morales et politiques du lundi 5 novembre 2012, sont exposés plusieurs points de vue sur la fécondité de la pensée de Raymond Aron. Ecoutez ici les interventions de Thierry de Montbrial, spécialiste des relations internationales, et de Jean-David Levitte, diplomate, tous deux membres de l’Académie.
Cette retransmission fait suite à la première partie Relecture de Raymond Aron, "Paix et guerre entre les nations", 50 ans après (1/2) dans laquelle vous pouvez écouter les points de vue de l'historien Georges-Henri Soutou, du philosophe Pierre Hassner et de l'économiste par Jean-Claude Casanova. Sont retransmis ici deux autres points de vue complémentaires, celui de Thierry de Montbrial et celui de Jean-David Levitte.
Les textes ci-dessous sont des résumés rédigés par la rédaction de Canal Académie. L'intégralité des textes des intervenants sera publiée ultérieurement par l'Académie.
-1- Le point de vue du théoricien des relations internationales par Thierry de Monbrial
L'académicien intervenant commence par rappeler "qu'il vient de loin", son parcours ayant commencé par l'étude des mathématiques avant de se spécialiser (en 1973) dans celle des relations internationales (et de diriger le Centre d'analyses et de prévisions du Ministère des Affaires étrangères). Il exprime son admiration pour Aron tout en critiquant quelques points de ses théories. "Paix et guerre" lui avait été offert d'ailleurs par Aron lui-même. Il en garde le souvenir d'une multiplicité de "pépites" ! Sa première lecture a donc été une initiation, marquante à jamais, aux relations internationales.
Puis, l'intervenant critique le plan du livre avec lequel il ne s'est jamais senti à l'aise : théorie, sociologie, histoire, praxologie.
Enfin, il reprend plusieurs notions de Aron avec lesquelles il marque un certain désaccord.
Ecoutez l'intégralité de l'intervention de Thierry de Montbrial pour connaître les détails de son développement.
-2- Le point de vue du diplomate par Jean-David Levitte
L'intervenant (qui fut conseiller des relations internationales à l'Elysée, ambassadeur à Washington et qui est fin connaisseur des questions diplomatiques) a commencé par une anecdote : comment il a rencontré Raymond Aron, en 1975, avec Jean-Paul Sartre (qui n'approuvait guère ses idées), dans le bureau de Valery Giscard d'Estaing... puis il a souligné combien cet ouvrage "Paix et guerre" qui a marqué les esprits, reste aussi profondément marqué par son temps. Il était rédigé dans un monde bipolaire (avec menace nucléaire) qui a bien changé. Aussi Jean-David Levitte entreprend-il un rappel de l'état du monde en 1962 : bipolarité, affontement idéologique, volonté d'expansion territoriale (Corée, Vietnam...), menace nucléaire, et les prémices de décolonisation, le tiers monde en marche, la rupture Moscou-Pékin, la réémergence de l'Europe, le Concile Vatican II... C'est donc à une extraordinaire transformation du monde que l'on a assisté en 5 décennies.
Jean-David Levitte développe ces changements majeurs :
- démographique (de 3 milliards en 62 à 7 milliards en 2012)
- économique (décollage de l'Asie...)
- géopolitique (fin du communisme, mondialisation, etc)
- historique (accélération du temps, guerres, nouvelles puissances...)
Puis il s'interroge : Si Raymond Aron écrivait son livre aujourd'hui en 2012, quelles seraient les données majeures qu'il prendrait en compte ? Il aurait écrit un autre livre centré sur d'autres menaces. Mais il en reste au moins trois : la menace nucléaire qui n'a pas disparu ; le concept de puissance qui a beaucoup évolué ; et l'action internationale qui s'est terriblement complexifiée. Le monde est confronté à des défis nouveaux et globaux qui imposent des concessions pour régler les problèmes, qui exigent une forme de gestion collective (face aux maux nouveaux comme le climat, l'environnement, la biodiversité par exemple). Mais force est de constater que face à des menaces existentielles, la gouvernance mondiale se montre faible et quasi impuissante du fait que les nations restent centrées sur leurs intérêts particuliers.