Jean-Baptiste Biot, le savant méconnu du XIXe siècle
Jean-Baptiste Biot fut à la fois mathématicien, physicien et astronome au XIXe siècle. Jeune savant, peut-être trop jeune, il fut vertement critiqué par ses confrères de l’Académie des sciences comme François Arago, ou Charles Sainte-Beuve de l’Académie française. Certains l’accuseront même d’être un « charlatan travailleur » ! Pourtant, il aura laissé son nom à plusieurs lois physiques. Son biographe Jean-Paul Poirier, lui aussi académicien des sciences, réhabilite la mémoire de l’astronome à travers une biographie publiée chez Hermann.
Jean-Baptiste Biot (1774 - 1862) fut à la fois membre de l’Académie des sciences à 29 ans, professeur de physique mathématique au Collège de France à 26 ans et devint plus tard membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres puis membre de l'Académie française à 82 ans, devenant ainsi l’Académicien élu à l’âge le plus avancé !
Notre savant touche-à-tout a laissé son nom à plusieurs lois physiques (dont la loi de Biot et Savart notamment) et fut le premier à démontrer en optique que les liquides pouvaient dévier le plan de polarisation de la lumière. Il laissa aussi derrière lui un traité d’astronomie de renommée internationale.
Pourtant, il fut critiqué par ses pairs et demeure aujourd’hui inconnu du grand public ; à tort selon Jean-Paul Poirier, physicien, membre de l'Académie des sciences et qui lui a consacré une biographie homonyme [[Jean-Paul Poirier, Jean-Baptiste Biot (1774-1862) : Un savant méconnu, éditions Hermann, 2011]].
Des éloges qui se transforment en critiques
Pour échapper au travail de commerçant auquel le destine son père, Jean-Baptiste Biot commence par s’engager comme canonnier et part dans l’armée du nord dans la campagne meurtrière de Hondschoote (1793). Dans sa besace, il garde cependant un traité de géométrie qu'il consulte régulièrement.
Retourné à la vie civile quelque temps plus tard, il fait son entrée à ce qui s'appellera prochainement l'École polytechnique. Son professeur de mathématiques n'est autre que Gaspard Monge, fondateur de cette grande école.
Le très jeune savant se fait vite remarquer pour la qualité de ses recherches. Laplace lui demande de présenter à la première classe de l’Institut son mémoire sur les « équations aux différences mêlées ». Il est acclamé et est nommé deux ans plus tard, en 1800, professeur de physique mathématique au Collège de France. Trois ans plus tard, il devient membre de la section de géométrie de l’Académie des sciences, et part la même année en mission sur ordre du ministre de l’Intérieur pour enquêter sur la chutes de météorites dans la commune de l’Aigle (dans l’Orne) (Ecoutez notre émission sur la météorite de l'Aigle).
En 1806, et pendant deux ans Jean-Baptiste repart en mission avec François Arago, lui aussi Académicien des sciences. Ils travaillent ensemble au prolongement de la méridienne en Espagne. La définition du mètre étant liée à la longueur du méridien terrestre, il fallait donc déterminer avec précision cette longueur. (Consultez notre émission sur la méridienne de France et les aventures de François Arago avec Jean-Baptiste Biot contées dans Histoire de ma jeunesse).
Malgré ce voyage avec l'autre jeune poulain de l'Académie, François Arago, très vite, leurs relations s'enveniment.
Leurs querelles portent sur la paternité de découvertes scientifiques, notamment sur la polarisation rotatoire sur laquelle travailla François Arago. Dans l'impasse, Arago laisse ses travaux de côté, lesquels sont repris par Jean-Baptiste Biot. Ce dernier comprend et décrypte le phénomène...
Biot est également critiqué par Charles Sainte-Beuve allant même jusqu'à dire qu'il est un « charlatan travailleur s'octroyant le travail des autres » !
« Il faut bien comprendre que François Arago était un homme populaire, député des Pyrénées orientales, qui avait beaucoup d'idées mais ne les suivait pas. Jean-Baptiste Biot, lui, était sérieux, travailleur voire même ennuyeux ! » commente Jean-Paul Poirier.
Les travaux de Jean-Baptiste Biot
Jean-Baptiste Biot est un chercheur pluridisciplinaire. Il débute comme mathématicien, mène sa première enquête approfondie sur la chute de la météorite à l’Aigle en 1803 et participe à l’une des toutes premières ascensions scientifiques en ballon.
Il est également astronome et rédigea un traité d’astronomie à la réputation internationale sans pour autant avoir jamais travaillé dans un observatoire !
Géodésien, il s’intéresse au prolongement de la méridienne en Espagne. Physicien, il se penche de près sur les questions liées à la propagation de la chaleur dans les solides, à l’électricité voltaïque, à l’électromagnétisme naissant et à l’optique.
Concernant la propagation de la chaleur, il réalise une expérience à partir d'une barre de métal trempée dans du mercure à une température de 102° C et déduit que « la quantité de chaleur qu’une tranche infiniment mince de la barre reçoit de la tranche précédente, moins celle qu’elle transmet à la tranche suivante soit égale à la quantité évacuée par rayonnement par la surface de la barre, peut s’écrire, en supposant que la température de l’air environnant la barre soit égale à zéro ».
Pour le géomagnétisme, il cosigne un mémoire en 1804 avec Alexandre de Humboldt sur les variations du magnétisme terrestre à différentes latitudes. Ils écrivent à cette époque : « La recherche des lois du magnétisme terrestre est sans doute une des questions les plus importantes que les physiciens puissent se poser. Les observations déjà faites sur cet objet ont découvert des phénomènes si curieux que l’on ne peut s’empêcher de chercher à résoudre les énigmes qu’ils présentent ; mais malgré les efforts tentés à ce jour, il faut avouer avec vérité que nous ne savons absolument rien de leurs causes ».
En optique, il est le premier à démontrer l'existence de la diffraction de la lumière. Il démontre en effet que les liquides peuvent dévier le plan de polarisation de la lumière.
Le XIXe siècle voit aussi naître les débuts de la photographie et notre personnage de l'histoire des sciences y porte un grand intérêt. Consultez notre émission sur les premières photos scientifiques conservées à l'Institut de France.
Jean-Baptiste Biot l'orientaliste
Non content d'être à la fois physicien, mathématicien, géodésien... Jean-Baptiste Biot est aussi un orientaliste.
Lors de l'expédition d’Égypte dans un petit village appelé Dendérah
sont retrouvés les vestiges d’un temple voué à la déesse Hathor. À l'intérieur s'y trouve un mystérieux zodiaque. Cette découverte agite le monde de l'époque car elle démontre que les civilisations antiques s’intéressaient déjà à l’observation du ciel et avaient réalisé une cartographie de toute une constellation.
C'est vers 1820 que le zodiaque est ramené en France pour être étudié (Il se trouve aujourd'hui dans la salle 12 bis des antiquités égyptiennes au Louvre). Jean-Baptiste Biot, l'astronome, contribue alors à dater le zodiaque en fonction de la disposition des planètes.
Jean-Baptiste Biot s'intéresse également au rite des Zhou (Tecou-li) dynastie chinoise très ancienne.
« Edouard Biot fils de Jean-Baptiste se met à apprendre le chinois après avoir fait fortune avec une compagnie de chemin de fer. Il commence à traduire le rite des Zhou avant de mourir assez jeune. Très affecté par le décès de son fils, Jean-Baptiste Biot décide de poursuivre le travail d'Edouard avec l'aide de Stanislas Julien, professeur au Collège de France. C'est après cette traduction que Jean-Baptiste Biot fait son entrée à l’Académie des inscriptions et belles-lettres peu après son fils défunt » nous explique Jean-Paul Poirier.
Élu à l'Académie française à l'âge de 82 ans, il représentait l'alliance entre les lettres et les sciences auxquelles était attaché le scientifique.
Jean-Paul Poirier est physicien émérite de l’Institut de physique du globe de Paris, membre du Bureau des longitudes comme l’a été jadis Jean-Baptiste Biot, membre de l'Académie des sciences.
En savoir plus :
- Jean-Paul Poirier membre de l'Académie des sciences
- Jean-Paul Poirier sur Canal Académie
Consultez la Lettre de l'Académie des sciences n°28 consacrée à la sciences en caricatures. Une page est consacrée à Jean-Batiste Biot.
Jean-Paul Poirier, Jean-Baptiste Biot (1774-1862) : Un savant méconnu, éditions Hermann, 2011