Science-Fiction par Michel Pébereau : "Forteresse" et "Heptagone" de Georges Panchard
Plongez aujourd’hui dans l’univers sombre et passionnant à la fois, des romans Forteresse et Heptagone de l’auteur suisse Georges Panchard. Michel Pébereau vous présente dans sa chronique « Science-Fiction » ce thriller haletant, à l’intrigue politiquement incorrecte, qui entraîne le lecteur abasourdi dans un avenir dur, noir et brillant.
Dans l’avenir qu’imagine Georges Panchard, l’économie mondiale est dominée par de gigantesques multinationales qui se combattent sans merci, et le plus souvent sans scrupules, et qui sont aussi en conflit de pouvoir avec des États affaiblis, soumis à des églises ou à des sectes. Pour prévenir les attentats, leurs sièges sociaux sont transformés en véritables forteresses.
La vie du dirigeant d’un de ces empires est menacée par un contrat lancé par l’« Union des États bibliques américains » qui règne sur une partie des anciens États-Unis. Le responsable de sa sécurité est alerté, et découvre le nom de code du procédé qui est censé venir à bout de ses défenses : « fantôme ».
Au même moment, un industriel suédois est assassiné par un de ses collaborateurs qui prend la fuite. On apprend que les deux hommes travaillaient à la mise au point d’un système électronique, « Ghost » justement : on sait seulement que ce système peut être utilisé à des fins meurtrières et qu’il serait indétectable par les dispositifs de sécurité existants.
Pour neutraliser cette menace, le chef de la sécurité part à la recherche de l’assassin. Celui-ci est également pourchassé par une policière italienne en charge de l’enquête sur le meurtre, et par un combattant ninja employé par une entreprise japonaise. Mais la chirurgie esthétique permet au fuyard de brouiller les pistes. Les enquêtes s’entremêlent ; les scènes d’action et les rebondissements se succèdent sans relâche ; plusieurs histoires parallèles finissent par converger vers un dénouement inattendu, et pourtant, George Planchard paraît bien pessimiste quand à l’évolution de notre société : les progrès de la technologie, de la biologie et de la médecine servent la violence et le crime ; obésité et religiosité minent la société américaine ; quête du pouvoir et volonté de puissance font disparaître les repères éthiques.
Mais dans ce monde caricatural, il y a toujours quelques hommes et femmes qui ont le sens de l’honneur, du devoir, de la compassion, de l’amitié. Et les forces de l’inconscient sont toujours présentes pour réanimer la mémoire, le remords, pour détruire les forteresses des souvenirs refoulés.
Heptagone se déroule dans le même univers que Forteresse. On y suit successivement sept (hepto) de ses principaux personnages : le ninja, le chef de la sécurité de l’industriel assassiné, la policière italienne, l’assassin, la maîtresse de l’industriel, le chef des services de sécurité des États bibliques américains et un modeste citoyen américain, obèse et très croyant.
L’histoire personnelle de ces personnages, avant et après les évènements contés dans Forteresse permet de mieux les cerner et d’analyser leur personnalité, de comprendre leurs motivations. Elle donne surtout à l’auteur l’occasion d’expliquer comment le monde en est arrivé à l’avenir effrayant qu’il a imaginé : la création aux États-Unis d’un État biblique totalitaire et belliciste qui a provoqué la sécession de la Californie et de l’État de New York et la fuite en masse des citoyens attachés à leurs libertés ; la guerre civile dans une Europe bouleversée par la montée de l’Islam ; la fabrication de « ninjas » par des techniques biologiques dans un Japon recroquevillé sur son passé.
Ce sont deux livres importants, qui donnent à penser tout en entraînant le lecteur dans des intrigues fort bien construites. Il me semble indispensable de les lire dans l’ordre de leur parution : la découverte de Forteresse est un choc.
Georges Panchard est né en 1955 à Fribourg. Il est juriste dans l’administration suisse. Il avait jusqu’alors publié quelques nouvelles. Ce sont ses deux premiers romans. Il y a un signe de leur intérêt qui ne trompe pas. C’est la première œuvre francophone sélectionnée par Gérard Klein pour sa fameuse collection « Ailleurs et Demain » depuis 20 ans. La précédente était « Le jeu du monde », de Michel Jeury.
Georges Panchard
Forteresse
(370 pages - 20 € - publié en 2005)
Heptagone
(470 pages - 22 €)
2012
Éditions Robert Laffont
collection Ailleurs et Demain
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