Comment capturer le CO2 émis dans l’atmosphère, par Claude Allègre (1/3)
La séance de l’Académie des sciences du 19 mai 2009 était consacrée à la séquestration du CO2. En effet, une des solutions envisagées consiste à capturer le gaz carbonique émis par des sites industriels, et à le stocker dans des formations géologiques profondes. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de cette séance en trois parties. Dans cette première partie, retrouvez la présentation générale de Claude Allègre de l’Académie des sciences, Eric Favre du Laboratoire des Sciences du Génie Chimique et Alain Bonneville, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris.
Le taux de CO2 dans l’atmosphère a beaucoup fluctué au cours des grandes ères géologiques, ce dernier se transformant au cours du temps en carbonate, en d’autres termes, en "petits cailloux".
C’est ce que tentent aujourd’hui de faire les chercheurs : stocker le CO2 dans des réservoirs souterrains étanches (d'anciennes poches de gaz naturel ou de pétrole) et le comprimer de manière à ce qu’il se solidifie. Nous transformerions ainsi une partie de notre pollution atmosphérique en calcaire.
Aujourd'hui, plusieurs sites de stockage existent déjà (en Norvège, en Allemagne, au Canada, aux Etats-Unis et peut-être bientôt en France), mais tous restent à l'état expérimental. Car il demeure encore bien des questions sur lesquelles les scientifiques tentent d'apporter des réponses :
- Comment piéger ce CO2 pur ? (la pollution atmosphérique n'est pas uniquement composée de gaz carbonique)
- Comment s'assurer de l'étanchéité des réservoirs vides ? Et quel système d'injection serait le plus approprié ?
- Enfin que devient ce CO2 une fois stocké ? peut-il réellement se solidifier ?
Dans cette première partie, les intervenants suivants s'intéressent plus particulièrement à la capture du CO2 et de son injection sous terre.
Écoutez l'introduction générale de Claude Allègre, co-organisateur de cette séance avec Vincent Courtillot.
Suivent dans l'ordre les interventions d'Eric Favre et d'Alain Bonneville.
Nous vous invitons à télécharger les visuels des deux conférenciers pour suivre leurs explications.
Ecoutez la suite de la séance sur la séquestration du CO2 :
- Stocker le CO2 sous terre en lieu sûr (2/3)
- Où stocker le CO2 ?(3/3)
La capture du CO2 : problème et solutions
Eric Favre, du Laboratoire des Sciences du Génie Chimique ENSIC,
Nancy-Université
L’application de la technologie de capture, transport et stockage géologique (CTS) du dioxyde de carbone à partir de points d’émissions à fort tonnage (centrales thermiques, sites industriels..) pourraient constituer, au niveau mondial, un levier important en vue de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, la mise au point d’un procédé de capture efficace, économique et respectant les contraintes en termes de pureté et de taux de récupération du CO2
constitue un enjeu majeur, dans la mesure où l’étape de capture concentre 60 à 80% du coût global de la chaîne technologique globale CTS. Quelques démonstrateurs, mettant en jeu les technologies de capture dites de première génération (absorption gaz liquide en post-combustion dans un solvant chimique de type amine, ou oxycombustion par exemple) sont en déjà en opération et de nombreux projets sont à l’étude ou ont été officialisés à travers le monde.
Par ailleurs, un très grand nombre de concepts sont étudiés en parallèle à l’échelle laboratoire ou pilote sur la base d’innovations dans le domaine de la chimie (solvants, liquides ioniques), des matériaux (adsorbants solides, membranes) ou des procédés (cycles thermochimiques, hydrates…), afin de concevoir les dispositifs de deuxième génération, présentant des performances améliorées. Une dépense énergétique ne dépassant pas 2 GJ par tonne de CO2
récupéré constitue un des objectifs clés de ces travaux ; en effet, ce paramètre conditionne, pour les centrales thermiques, la pénalité énergétique et l’augmentation du coût de l’électricité.
Plus généralement, la consommation d’énergie associée à la capture influe fortement sur le coût de la tonne de CO2 récupérée (avec un objectif affiché pour l’Union Européenne de 20 € par tonne au lieu des 40 à 60 euros avec les technologies actuelles).
Au cours de sa conférence, Eric Favre nous donne un état des différentes options envisagées en termes de procédés de capture du CO2 et sur les enjeux scientifiques et verrous technologiques qui leur sont associés.
Les expériences de stockage en cours : bilan
Alain Bonneville, Laboratoire de Géosciences Marines, Institut de Physique du Globe de Paris
Le CO2 peut être stocké sous forme gazeuse, solubilisé dans l'eau, sous forme de composé ionique et sous forme de carbone.
Il peut être stocké dans des aquifères salins profonds (eau non potable) ainsi que dans les veines de charbon non exploitées, à ceci près qu'on connaît encore très peu les potentiels de ces zones de stockage.
Utiliser les anciens gisements d'hydrocarbures comme "réservoirs" offre plusieurs avantages :
- ces gisements sont étanches
- ils sont connus géologiquement
Injecter du CO2 dans les veines de charbon pourrait permettre par la même occasion de récupérer du méthane.
Enfin, pour les aquifères salins profonds, ils sont encore mal connus et leurs tailles souvent gigantesques s'avèrent pour l'instant encore trop compliquées à gérer.
Il existe déjà plusieurs usines de stockage un peu partout dans le monde. Le premier a vu le jour en 1996 à Sleipner en Norvège. Il stocke le CO2 dans un aquifère salin profond.
Celui de Weyburn au Canada qui a vu le jour en 2000, est surtout l'objet d'études approfondies sur le sujet.
Une usine de stockage s'est ouverte également à In Salah en Algérie. Il injecte entre 2000 et 3000 tonnes par jour de CO2.
Enfin le site "CO2 Sink" en Allemagne fait office de laboratoire grandeur nature. Ce site (qui à la différence des autres, n'est pas industriel) élabore un guide de bonnes pratiques de stockage du CO2.
Les scientifiques sur place observent parallèlement la "migration" du gaz carbonique, son comportement en profondeur. Ils cherchent aussi à conserver l'intégrité de la couverture et du réservoir.
Au total, sur 9 sites existants, plusieurs millions de tonnes de CO2 ont déjà été injectés sous terre.
Mais il faudra encore 5 à 10 ans de recherches avant de passer à l'échelle industrielle.
En savoir plus :
Retransmission de de la séance en trois parties :
Ecoutez la suite :
- Stocker le CO2 sous terre en lieu sûr (2/3)
- Où stocker le CO2 ?(3/3)
A écouter également sur Canal Académie :
Capturer et stocker le CO2 sous terre, avec Alain Bonneville de l’Institut de physique du globe de Paris
- et avec Claude Allègre L’Essentiel avec... Claude Allègre, de l’Académie des sciences
- La science et la vie, de Claude Allègre, de l’Académie des sciences
- L’université française vue par Claude Allègre
- Claude Allegre de l'Académie des sciences