Malheur aux vaincus ! La prise de Rome par les Gaulois

avec Dominique Briquel, correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres : Le mythe derrière l’histoire
Avec Anne Jouffroy
journaliste

La prise de Rome par les Gaulois, en 390 avant J.C., n’est pas une légende. Mais la tradition historique n’aurait-elle-pas amplifié cet événement ? Les récits transmis sur les oies sacrées du capitole, l’épée de Brennus, l’incendie de Rome, seraient-ils, eux, légendaires ? Quel vieux schéma mythique aurait transfiguré la réalité ? Ecoutez Dominique Briquel, correspondant de l’Académie des inscriptions et belles lettres, auteur de La prise de Rome par les Gaulois, lecture mythique d’un événement historique.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : hist714
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La prise de l'Urbs par les Gaulois ne se place plus à une époque où ce que les textes racontent sur l'histoire de Rome peut paraître a priori sujet à caution, comme c'est le cas pour les débuts de la période royale. Elle se situe à une période beaucoup plus basse et, donc, en un temps largement historique.
Cependant, Dominique Briquel, a analysé les récits des historiens grecs et latins (Plutarque, Denys d'Halicarnasse, Tite-live, Diodore de Sicile, Cicéron -pour ne citer qu'eux) et considère qu'il s'agit du «dernier épisode historique donnant lieu à une telle élaboration légendaire ». Il pose, clairement, la question des modalités de la conservation des structures de pensées indo-européennes dans les premiers siècles de Rome.


Des éléments qui reflètent une réalité historique

Dominique Briquel précise : «  Quelle que soit la version dont on part, on se trouve de toute façon en présence d'un récit complexe, aux péripéties nombreuses, qui insère le fait brut de la prise de Rome dans une série d'épisodes, ce dont on ne saurait faire abstraction lorsqu'on pose la question de l'historicité de la tradition. La question est loin de se limiter au seul fait de savoir si, oui ou non, la ville a été prise par les Gaulois au début du IVe siècle av. J.C. -question à laquelle il est évident de répondre par l'affirmative : c'est à travers tout cet enchevêtrement d'événements multiples qu'il est nécessaire de faire la part de l'authentique et de l'imaginaire.
La transformation de l'événement ne s'est pas limitée au travestissement de la défaite, pour en faire un grand moment de l'histoire de Rome où, pour faire face à l'ennemi barbare, la cité a su trouver en son sein des héros qui ont lavé la honte de la chute de la ville. Loin de minimiser la prise de la cité, la tradition en a fait un désastre sans précédent où -à la seule exception du Capitole- la ville a péri dans les flammes : cette catastrophe est à l'origine d'un nouveau départ pour la Ville, une sorte de refondation.
 »


Une crise eschatologique issue du modèle indo-européen


Rome, délivrée de l'ennemi qui a failli la rayer définitivement de la carte, peut dès lors être reconstruite. Elle renaît, lavée de ses fautes passées par le feu purificateur.
La reconstruction se fait sous l'égide de l'illustre Camille -un second Romulus.

Les historiens de l'Antiquité, dans leurs récits aux accents religieux et épiques, ont transposé le vieux schéma mythique que l'on retrouve chez plusieurs peuples indo-européens où était relatée la victoire des dieux sur les démons lors de la crise eschatologique qui verra leur affrontement à la fin du monde.


Dominique Briquel, correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres




Dominique Briquel, professeur à l'UFR de latin de l'université Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, est spécialiste du monde étrusque et des débuts de l'histoire de Rome.


Retrouvez Dominique Briquel sur Canal Académie dans les émissions :

- Les Étrusques (1/2) : Le fameux mystère d’une civilisation restée proche de nous
- Que devons-nous à l’écriture et à la religion des Etrusques ? (2/2)

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