Roger CAILLOIS
Né à Reims, le 3 mars 1913.
Issu d’une famille de la petite bourgeoisie rémoise, Roger Caillois fit ses études secondaires au lycée de Reims, où il eut comme professeur d'histoire-géographie Georges Bidault. Il se lia également pendant ses années de lycée à Roger Gilbert-Lecomte et au groupe du « Grand Jeu ».
Installé à Paris avec sa famille à la fin des années 20, il fit à Louis-le-Grand son hypokhâgne et sa khâgne, condisciple de Jacques de Bourbon Busset, André Chastel et Pierre Grimal Admis à l'École normale supérieure en 1933, il fut proche un temps des surréalistes, avant de rompre avec le mouvement en 1934.
Agrégé de grammaire, auditeur à l'École pratique des hautes études, où il assista aux conférences de Georges Dumézil, Alexandre Kojève et Marcel Mauss, Roger Caillois allait développer une pensée originale, nourrie de sociologie et d'anthropologie, vouée notamment à l'exploration du sacré. Auteur, dès avant la guerre, de deux essais intitulés Le Mythe et l'Homme et L'Homme et le Sacré, Roger Caillois fondait en 1938 avec Georges Bataille le collège de Sociologie. Son nom, à cette époque est lié à plusieurs activités de l'extrême-gauche antifasciste.
Sa rencontre avec la femme de lettre argentine Victoria Ocampo devait le conduire, en juillet 1939, à quitter la France pour l'Argentine, où il demeura toute la durée de la guerre. Il soutint activement outre-Atlantique le combat contre le nazisme en fondant la revue Lettres françaises en 1941, ainsi que l'Institut français de Buenos-Aires. De 1945 à 1946, il fut également le successeur de Raymond Aron à la rédaction de La France Libre.
De retour en France à la Libération, Roger Caillois devait renoncer progressivement à ses engagements politiques pour se consacrer à son œuvre et à ses activités littéraires. Devenu fonctionnaire de l'Unesco en 1948, il effectua de nombreux voyages à travers le monde, et contribua à faire découvrir au public français la littérature latino-américaine, en lançant chez Gallimard la collection « Croix du Sud ».
En 1952 il fondait enfin Diogène, revue à vocation internationale et pluridisciplinaire financée par l'Unesco, qu''il dirigea jusqu'à sa mort avec l'aide de Jean d'Ormesson.
Son œuvre, qui doit beaucoup à l'exploration des mondes poétiques de l'imaginaire et du fantastique, constitue un apport essentiel et parfaitement original à la critique littéraire et aux sciences humaines du XXe siècle. On citera entre autres : Le Rocher de Sisyphe, Puissance du roman, Babel, Poétique de Saint-John-Perse, L'Incertitude qui vient des rêves, Les Jeux et les Hommes, Puissances du rêve, Au cœur du fantastique, Anthologie du fantastique, La Pieuvre, Essais sur la logique de l'imaginaire, Approches de l'imaginaire, Le Fleuve Alphée.
L'homme enfin, fasciné par l'univers minéral, consacra plusieurs ouvrages aux pierres et à la gemmologie.
Roger Caillois fut élu à l'Académie française le 14 janvier 1971 au fauteuil de Jérôme Carcopino, qu'il emporta au second tour par 16 voix contre 11 au romancier Henri Queffelec. C'est René Huyghe qui le reçut, le 20 janvier 1972, l’accueillant sous la Coupole en ces termes : « Vous êtes, monsieur, un des plus curieux esprits de notre temps, des plus autonomes, des plus rétifs à ses entraînements. »
À propos des séances du dictionnaire, cet esprit non conventionnel avouait à ses proches que, pour rompre la monotonie des débats, il lui arrivait de proposer des mots qui n’existaient pas et de leur prêter des étymologies si convaincantes que ses pairs manquaient parfois de les accepter...
Mort le 21 décembre 1978.