François Weyergans : ses prédécesseurs sur le 32ème fauteuil de l’Académie française

avec Mireille Pastoureau, conservateur général, directeur de la bibliothèque de l’Institut de France
François WEYERGANS
Avec François WEYERGANS de l’Académie française,

40 fauteuils à l’Académie française, dont chacun a une histoire étant donné la notoriété de ses occupants au fil des siècles, et ce depuis 1635 ! Peu à peu, Canal Académie complète la liste de l’histoire de ces fauteuils, grâce à Mireille Pastoureau, conservateur général, directeur de la bibliothèque de l’Institut qui la rédige et organise, au moment de chaque nouvelle élection, une exposition de quelques trésors, objets et livres, que possède cette bibliothèque. Voici celle du 32 ème fauteuil aujourd’hui occupé par François Weyergans.

Le 16 juin 2011, François Weyergans a été reçu sous la Coupole au trente-deuxième fauteuil de l’Académie française, et a prononcé l’éloge de Maître Maurice Rheims. Vingt-et-unième titulaire de ce fauteuil, il y fut précédé par des personnalités variées, évoquées ici par Mireille Pastoureau. Cette émission est la 11 ème d'une série consacrée à l'histoire des fauteuils de l'Académie française (voir en bas du texte les autres émissions).



1 - Le tout premier titulaire est célèbre : Claude Favre de Vaugelas ( 1585-1650).
Admis à l'Académie française dès 1634, connu comme grammairien. Ses Remarques sur la langue françoise utiles à ceux qui veulent bien parler et bien escrire, lui demandèrent trente ans de travail. C'est une longue suite d'observations sur la langue, se succédant sans ordre précis : prononciation, forme d'un mot, conjugaison, construction d'un verbe, orthographe, genre d'un nom, sens d'un mot ou d'une expression, place des mots dans la phrase, etc. Il veut donner non pas des règles mais « le bon usage ». Il devint responsable du Dictionnaire de l'Académie en 1639 mais lorsqu'il mourut, en 1650, ses créanciers nombreux firent main basse sur les manuscrits, ce qui priva l'Académie des papiers indispensables à la publication du premier dictionnaire.


2 - À Vaugelas succéda Georges de Scudéry, le frère de Mademoiselle. 1598-1667, élu à l'Académie en 1650. Il était lié à tous les grands noms de la littérature du XVIIè siècle, en particulier à Corneille. Il fut gouverneur du fort de Notre-Dame-de-la-Garde près de Marseille.


3 - Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau (1638-1720), lui succède, élu à l'Académie française en 1667 et membre honoraire de l'Académie des sciences en 1704. Ce militaire se fit remarquer par son habileté aux jeux de cartes ! Il resta académicien durant 53 ans. Son journal sur la vie quotidienne à la cour, qui ne sera publié en intégralité qu'au XIXème siècle, servira de modèle à Saint-Simon.


4 - L'arrière petit-neveu de Richelieu, Louis-François-Armand du Plessis de Richelieu (1696-1788) fut lui aussi élu à l'Académie française (en 1720) et membre honoraire de l'Académie des sciences (en 1731). Il fut élu à l'Académie à 24 ans, sachant à peine l'orthographe ! Fontenelle, entre autres, lui rédigea son discours de réception... Mais il se montra valeureux soldat s'illustrant à la bataille de Fontenay (1745).


5 - Le duc et pair François-Henri d'Harcourt (1726-1802) s'illustra dans les armées du roi, et devint lieutenant général des armées en 1762. Il est le dernier descendant de la branche d'Harcourt-Beuvron. Élu en 1788, il écrit quelques pièces et un traité sur les jardins puis il émigra en 1790 à Aix-la-Chapelle sous le prétexte médical d'aller y prendre les eaux. Il fut considéré comme émigré et ses biens confisqués.


6 - Le second frère de Bonaparte, Lucien, s'intéressait vivement à la vie littéraire et fut nommé (et non pas élu) à l'Académie française en 1803, et son appartenance familiale lui valut d'en être exclu en 1816. Il ne siégea donc pas longtemps à l'Académie, s'exila en Italie où le pape érigea pour lui en principauté la terre de Canino. Rallié à son frère pendant les Cent Jours, il fut proscrit de France à la Restauration et termina ses jours en Italie. La bibliothèque de l'Institut possède un lot de près de 900 lettres adressées à Joseph Bonaparte (roi de Naples puis d'Espagne) dont plusieurs de Lucien.


7 - Louis-Simon Auger (1772-1829) fut le septième titulaire de ce fauteuil, nommé lui aussi à l'Académie française en 1816 et Secrétaire perpétuel en 1826. Ce journaliste et auteur de théâtre eut une fin tragique : il disparut... et l'on ne retrouva son corps que bien des jours après, flottant dans la Seine loin de Paris.


8 - Son remplaçant fut Charles-Guillaume Etienne (1777-1845) dont la vie académique fut mouvementée : élu en 1811, il en fut exclu en 1816 puis réélu en 1829 ! Les pièces théâtrales de cet auteur dramatique célèbre à son époque ne sont plus jouées aujourd'hui...


9 - Alfred de Vigny (1797-1863) lui succéda élu en 1845, alors âgé de 48 ans et déjà fort célèbre. Sa notoriété lui valait amis et ennemis... il dut se présenter 4 fois avant d'être élu à l'Académie. La bibliothèque possède un exemplaire précieux des poèmes de Vigny, annoté de la main de sa mère qui juge Héléna, sévèrement... ce qui n'émeut pas le poète qui avoue en effet que ce poème de jeunesse était fort mauvais !


10 - Camille Doucet (1812-1895), poète et auteur dramatique, fut élu en 1865 et devint Secrétaire perpétuel de l'Académie en 1876. L'Académie admettait volontiers des auteurs « légers » et Doucet fut en effet un vaudevilliste qui autorisa, en tant que directeur de l'administration des théâtres, les cafés-concerts.


11- Le savoyard Charles-Albert Costa de Beauregard (1835-1909) lui succède. Il tenait son prénom du roi de Savoie dont il composa une biographie. Il servit dans l'armée savoyarde contre la France, ce qui fit hésiter l'Académie à l'élire.


12 - Le franc-comtois Hippolyte Langlois (1839-1912) compte parmi les militaires que l'Académie aime voir siéger parmi les membres. Il fut élu en 1911, reçu par Emile Faguet, mais il mourut peu de temps après. Toute sa carrière et son oeuvre sont militaires...


13 - Emile Boutroux (1845-1921) fut élu à l'Académie des sciences morales et politiques (en 1898) avant de l'être à l'Académie française (en 1912). Philosophe et historien, on lui doit des oeuvres consacrées tant à la philosophie antique qu'à la philosophie allemande. La bibliothèque conserve bon nom de notes et de manuscrits de lui.


14 - Pierre de Nolhac (1859-1936) lui succéda, élu en 1922. Cet Auvergnat (né à Ambert) se pencha surtout sur l'histoire de l'art et de l'humanisme italien du XVIè siècle. Entré comme conservateur adjoint au musée de Versailles en 1887, il s'attacha à redonner à ce lieu son lustre d'antan. Son action au musée du château de Versailles fut déterminante.


15 - Un homme d'église, comme l'Académie aime en compter en son sein, lui succède : Georges Grente (1872-1959). Evêque du Mans, cet historien fut l'auteur de nombreux récits de voyages, d'hagiographies et d'ouvrages d'éducation. Mais son nom reste surtout attaché au Dictionnaire des lettres françaises (7 volumes publiés en 1951 et 1972) dont il assuma la direction, ouvrage connu sous la dénomination « Le Grente ».


16 - Henri Massis (1886-1970) fut élu à l'Académie en 1960. Essayiste, critique littéraire, historien de la littérature, il fréquenta tous les hommes de lettres de l'entre-deux guerres. Il s'attacha à Maurras sans pour autant rédiger dans son journal, se rallia au Maréchal Pétain sans devenir collaborateur (ce qui fait qu'il n'eut pas, après la guerre, de problèmes pour rester académicien).


17 - Georges Izard (1903-1973) lui succède, élu en 1971. Il fut à la fois un homme politique engagé et un avocat célèbre. Il épousa la fille de son ministre, sœur du cardinal Daniélou. Son nom fut associé à la défense de grandes affaires, celle de V.Kravchenko contre les Lettres françaises, ou celle de Claudel assigné par Maurras.

18 - Robert Aron (1898-1975) fut élu en 1974, et fit partie des groupes de jeunes intellectuels opposés aux dictatures. On lui doit une Histoire de Vichy, une Histoire de la Libération, et une Histoire de l'Épuration. À la fin de sa vie, revenu à sa foi juive, il se consacra au dialogue entre juifs et chrétiens. Élu le même jour que Maurice Schumann, Aron mourut cinq jours avant sa réception sous la Coupole mais il avait eu le temps de lire, comme il est d'usage, son discours devant quelques académiciens. Il fut donc considéré comme reçu.


19 - Maître Maurice Rheims (1910-2003) élu en 1976, reste dans les mémoires comme « un esprit fin et un homme délicieux » dit Mireille Pastoureau qui a longtemps travaillé avec lui. On lui doit notamment d'avoir su faire apprécier l'Art 1900. Ce Lorrain d'origine, qui commanda un groupe de parachutistes en Algérie, fut commissaire priseur et grand connaisseur de l'histoire de l'art. Son ouvrage : La vie étrange des objets, histoire de la curiosité (Plon, 1959) en témoigne.

20 - L'écrivain Alain Robbe-Grillet lui succède (1922-2008) élu à l'Académie française en 2004. Ingénieur agronome de formation, il fut envoyé dans de nombreux pays des anciennes colonies françaises avant de se consacrer autant à la littérature qu'à la réalisation de films.

C'est donc l'écrivain et cinéaste François Weyergans qui devient le 21ème titulaire de ce 32ème fauteuil de l'Académie.

© Gamma \/ éditions Grasset

Cela peut vous intéresser